samedi 26 octobre 2019

Ce qui compte vraiment - Fabrice Nicolino

En résumé.

Fabrice NICOLINO, journaliste reporter, qui s'est spécialisé au fil de sa carrière dans la défense de l'environnement, signe un nouvel essai dans lequel il aborde des questions majeures, qui nous regardent tous et auxquelles il est urgent de répondre. Chaque chapitre est consacré à une grande cause, comme par exemple la place de l'agriculture et de ceux qui la pratiquent dans nos quotidiens, la menace qui pèse sur les mers et les océans, la disparition de quantité d'animaux et le rôle primordial de notre environnement naturel dans la survie de l'espèce humaine. Cependant, ce livre n'est pas une simple énumération de tout ce qui ne va pas, l'auteur propose des solutions à chaque problème mis en évidence.

Mon avis.

Si vous avez déjà pris quelques minutes pour vous balader sur ce blog, vous aurez très certainement noté que je suis une véritable groupie de Fabrice NICOLINO. Je l'ai découvert avec son livre "Un empoisonnement universel - comment les produits chimiques ont envahi la planète" puis j'ai eu l'occasion de lire deux autres de ses bouquins (un sur les pesticides, l'autre sur les biocarburants). Celui-ci est donc mon quatrième livre de sa bibliographie assez conséquente, livre offert par mon amoureux, parfois jaloux de toute l'admiration que je porte à ce grand reporter.

Il y a principalement deux raisons qui expliquent cette admiration :
  1. Fabrice NICOLINO écrit très bien, c'est fluide, on comprend tout alors que les faits sont parfois complexes, on ne s'ennuie pas, c'est bref, c'est concis et c'est percutant. Bref, ça se lit comme un vrai polar, sauf qu'ici on est dans la réalité, pour notre plus grand malheur.
  2. Ses bouquins sont toujours très bien documentés. Non seulement il fait appel à de nombreuses études scientifiques pour justifier ses dires, mais il n'hésite pas non plus à étayer ses propos avec des références à des éléments de la culture populaire. Je suis toujours ébahie devant cette somme de connaissances qu'il nous livre, sans prétention.
Ce qui compte vraiment réunit lui aussi tout ce que j'aime chez cet auteur. Je l'ai dévoré, comme tous les autres, parcouru en quelques heures le soir, dans mon lit, alors que mes journées ne me laissent plus d'énergie cognitive pour me prendre le rond sur comment tourne notre monde. Et pourtant, pas de prise de tête pour moi, au contraire, du réconfort de lire une personne qui pense, qui réfléchit, qui se documente, qui est sincère et qui dit des choses vraies, simples et justes. Du réconfort de me dire que je ne suis pas la seule à ruminer tout ça. Du réconfort de trouver quelqu'un qui est d'accord avec mes idées, sauf que lui est capable de les exprimer de façon percutante. Bref, du réconfort avant de m'endormir, avant de me réveiller pour aller casser ma croûte pour consommer, pour continuer à polluer ce vaste monde et mettre en péril l'espèce humaine.

Oui, du réconfort, et pourtant Fabrice NICOLINO n'amène pas grand chose de neuf dans ce livre, si on en a déjà lu quelques uns de lui auparavant. Les pesticides, comment ils sont partout, combien ils sont dangereux et à quel point il est compliqué de les éradiquer. Les océans, le plastique qui s'infiltre partout, les poissons qui en meurent, et nous avec. Les animaux qui disparaissent, les insectes qui ne sont plus, les abeilles que l'on commence déjà à remplacer par la main de l'homme tellement il n'y en a plus, et le pire, c'est que ça ne choque quasiment personne. Mère Nature, que l'on doit respecter, qui est à l'origine de tout, sans qui rien ne serait possible, cet équilibre miraculeux des éléments qui permet la vie, ça, j'en étais déjà convaincu. Alors la nouveauté de ces quelques pages ne résiderait-elle pas dans les solutions que l'auteur propose ? Oui et non. Les solutions qu'il amène sont bien évidemment fondamentales. Une charte universelle pour garantir l'importance d'une agriculture saine et du rôle des paysans ? Bien sûr, je signe de suite ! Une charte universelle pour le respect de tous les éléments naturels (eau, forêt, montagne, cailloux, bec de flamant rose, trompe d'éléphant, pois de coccinelle) ? Bien sûr, je signe tout de suite ! Mais je pense que ces solutions, même si elles sont à la racine de tout le reste, ne vont pas parler aux gens, à ces gens qui ont besoin de concret, à qui il faut parler de chiffres, d'efficacité, de tableaux Excel et de prix des efforts. Les solutions qu'il aborde sont d'ordre philosophique, primordiales mais à combien de gens pourront-elles parler ?

Un livre qui rappelle des choses essentielles, que l'on sait parfois déjà, mais qu'il est bon de réentendre, rien que pour se rassurer et ne pas se sentir seul dans sa folie de penser que l'avion ne doit pas continuer à prospérer, que la croissance n'est pas la clé de nos problématiques actuelles, ni nos modes de consommation d'ailleurs, que les mangues et les noix de coco ne doivent pas être disponibles toujours et partout et que 58 T-shirts dans sa garde-robe ne servent à rien, sinon à détruire des vies à l'autre bout de la planète. Pas de grande révélation mais la certitude que les choses doivent changer.
Dernières infos.

Ce qui compte vraiment a été publié en 2017 aux éditions Les liens qui libèrent. Il compte 216 pages. Si ce sujet vous intéresse, si l'auteur vous intéresse, si votre santé vous intéresse, si l'avenir de la vie humaine vous intéresse et si la diversité animale et végétale vous intéresse, Fabrice NICOLINO est l'un des fondateurs du mouvement "Nous voulons des coquelicots" dont l'objectif est l'interdiction de tous les pesticides de synthèse. C'est simple, il suffit de signer l'appel à cette adresse : https://nousvoulonsdescoquelicots.org/l-appel/ Il y a plein d'autres informations sur le site et il est notamment possible de se rassembler partout en France pour évoquer cette problématique avec d'autres personnes engagées dans cette lutte de la plus haute importance. Personnellement, je n'ai pas encore participé aux rassemblements mais j'ai signé ! A votre tour ! Et si vous n'êtes pas encore convaincus ou si vous voulez d'autres infos, un petit lien vers un podcast d'une émission consacrée à ce sujet et diffusée sur France Inter : https://www.franceinter.fr/emissions/le-nouveau-rendez-vous/le-nouveau-rendez-vous-08-janvier-2019

Ma note.

samedi 19 octobre 2019

Chagrin d'école - Daniel Pennac

En résumé.

Un énième livre sur l'école ? Non, plutôt un premier livre sur le cancre, cet individu indésirable, souvent placé au fond de la classe, et promu à un avenir indésirable lui aussi. Daniel PENACCHIONI, l'auteur célèbre, notamment connu pour la saga des Malaussène fait part ici de son passé de cancre, mais aussi de son présent de professeur et du chemin qui l'a conduit de l'un à l'autre, de ces professeurs salutaires, qui ont su le tirer de ce mal-être de cancre qui l'a poursuivi pendant des années. Cette autobiographie est entrecoupée de réflexions de l'auteur sur, entre autres, le système scolaire actuel, l'évolution de la place d'élève au cours des dernières décennies et le métier d'enseignant, le vrai, celui qui ose s'intéresser vraiment à ces élèves.

Mon avis.

En ces temps de rentrée - même si un mois est déjà passé, déjà - j'avais envie, en tant que lectrice mais aussi en tant qu'enseignante, de me plonger dans un bouquin sur l'école. Celui-ci avait rejoint ma PAL cet été après une razzia dans une ressourcerie comme on les connaît dans le Nord, c'était donc l'occasion de l'en sortir. De Daniel PENNAC, je connaissais surtout le premier tome des Mallaussène, Au bonheur des ogres, que j'avais aimé, sans plus mais qu'il faudrait que je relise, car j'avais eu le sentiment de passer à côté de ma lecture. Je fus donc ravie de retenter l'expérience Daniel PENNAC avec ce livre, très célèbre, Chagrin d'école.

Lors de ma lecture, je fus un peu déroutée par l'agencement des divers chapitres et des diverses anecdotes. Moi qui pensais avoir affaire à une autobiographie de bout en bout, avec pour commencement, les débuts difficiles de l'auteur à l'école et pour fin sa réussite en tant que professeur de français et auteur renommé, je fus surprise que tout soit mélangé. Les passages personnels côtoient des passages réflexifs sur le système scolaire, l'auteur part parfois dans des digressions qui ont pu me perdre et m'ennuyer à certains moments. Les deux dimensions sont intéressantes et se nourrissent l'une l'autre mais une meilleure organisation de leur narration m'aurait peut-être davantage aidéE à entrer dans cette lecture, que j'ai parfois plus balayé que lu.

Si certains passages m'ont laissée de marbre (je pense notamment à la longue digression sur la signification du "y" dans la langue française), d'autres m'ont captivée et m'ont fait réfléchir à l'élève que j'ai été et à l'enseignante que je suis. J'ai d'abord aimé la définition qu'il donne du cancre : non pas cet élève qui refuse l'école, moqueur, parfois violent avec ses camarades et ses professeurs, mais cet élève qui se donne les moyens de réussir mais qui n'y arrive pas, qui ne comprend pas ce qui lui est expliqué ou ce qui lui est demandé. C'est une définition que je trouve par ailleurs émouvante, car j'imagine bien tous ces élèves (et j'en ai côtoyés durant ma scolarité) qui font des efforts surhumains pour correspondre aux attentes de leurs parents, de l'école mais aussi de la société, et qui peinent toujours à atteindre la moyenne, souvent laissés de côté par ces diverses instances alors que leur confiance en eux s'érode, sans compter l'impact de cette souffrance sur la construction de soi et de son avenir. J'ai aussi aimé le passage où il évoque le métier d'enseignant. Il explique très justement à mon sens que ce qui caractérise le bon professeur, c'est sa capacité à deviner avec précision les difficultés de ses élèves et à y remédier, détricoter ce qui a été tricoté pour fabriquer un nouveau pull, plus solide. La difficulté de ce métier ne réside pas dans la transmission de savoirs, savoir-faire et savoir-être mais plutôt dans la compréhension des difficultés des élèves et des moyens, parfois novateurs, pour les contourner. Ce sont ces quelques (rares) professeurs, exerçant leur métier avec passion et finesse qui ont d'ailleurs sorti l'auteur de sa spirale infernale. Enfin, j'ai aimé toute la réflexion qu'il a sur l'élève client et la place de l'enfant en tant que consommateur, au même titre que l'adulte qui possède les revenus. Dans ces mêmes chapitres, il aborde également le désir d'avoir des enfants - désir dont les mécanismes sous-jacents ont bien évolué au cours de ces dernières décennies.

En conclusion, une lecture un peu mitigée, qui m'a déçue du point de vue narratif, avec cette organisation un peu brouillonne du récit, mais plusieurs passages m'ont vraiment marquée et j'y pense encore alors que j'ai refermé ce livre il y a déjà plusieurs semaines. Je vous le conseillerais donc si vous vous intéressez un minimum à l'école et à son univers, sinon passez votre chemin !
Dernières infos.

Chagrin d'école a été publié en 2007 aux éditions Gallimard et compte 298 pages. Il obtint le prix Renaudot en 2007.

Ma note.

dimanche 15 septembre 2019

On la trouvait plutôt jolie - Michel Bussi

En résumé.

Originaire du Mali, mère célibataire de trois enfants, Bamby (21 ans), Alpha (17 ans) et Tidiane (10 ans), Leyli MAAL est femme de ménage dans un Hôtel Ibis de Port-de-Bouc, près de Marseille. Leyli MAAL est une battante, pour elle, pour ses enfants, pour ses parents, elle à qui la vie n'a pas fait de cadeaux, elle qui cache un si grand secret qu'elle ne livre qu'aux plus proches de son entourage. Alors qu'elle se démène dans son quotidien, à sauver les apparences pour mieux protéger son jardin secret, on apprend qu'un crime est commis dans une chambre d'hôtel du Red Corner Hôtel. Un employé de Vogelzug, association qui vient en aide aux migrants est en effet retrouvé mort après que l'assassin ait prélevé sur lui une importante quantité de sang. Petar VELIKA, policier et son subalterne Julo FLORES sont immédiatement dépêchés sur l'affaire. Ce n'est que le début d'une longue enquête, ponctuée par d'autres meurtres similaires commis aux quatre coins du globe. Une longue enquête qui va aussi resserrer les liens autour de ces divers personnages, jusqu'à la découverte du secret de Leyli MAAL.

Mon avis.

Après avoir lu du même auteur Le temps est assassin au cours de l'été 2017, Un avion sans elle l'été dernier, j'ai enchaîné cet été avec On la trouvait plutôt jolie, titre (peut-être même histoire) inspiré par le titre de Pierre PERRET, Lily. Ce livre fut une jolie trouvaille car il provient d'une boîte à livres où je l'ai trouvé intact, comme s'il venait d'être acheté ! Moi qui comptais bien faire une pause avec mes lectures estivales, quasiment toutes orientées vers le continent africain et l'immigration, je fus un peu frustrée quand j'ai découvert qu'il s'agissait dans ce livre aussi d'Afrique puisque la famille MAAL est originaire du Mali et d'immigration. Il y a des thèmes comme ça qui vous poursuivent pendant une certaine pèriode...

Dès les premières pages, je me suis laissée happer par l'histoire de Leyli MAAL. Il faut dire que l'auteur n'attend pas 15 chapitres pour installer du suspense. Non, celui-ci est présent dès le départ avec cette histoire de crime dans une chambre d'hôtel. Les personnages sont ainsi vite introduits, et le lecteur peut commencer à suspecter les uns, les autres. Aussi, le fameux secret de Leyli est amené sur la table très rapidement, et inévitablement, il suscite notre curiosité. Pour mieux entretenir ce suspense et le laisser traîner, le récit de l'enquête est entrecoupé de passages dédiés au passé de cette femme fascinée par les chouettes (d'où la couverture) mais aussi de quelques épisodes consacrés au fantasque directeur de l'hôtel dans lequel travaille Leyli. Je me suis attachée aux personnages, en particulier j'ai éprouvé beaucoup de peine pour la protagoniste qui a eu une vie extrêmement violente, peut-être la porte-parole de centaines de migrants dont le passé doit être à peu prés équivalent au sien. J'ai également bien aimé le directeur de l'Ibis qui devient peu à peu son confident, ses parents qui sont remplis de tendresse et le petit dernier, Tidiane, tout innocent et pourtant enjeu de vengeance, le flic Julio FLORES, un peu innocent et qui a l'air tout miel mais dont l'humanité et la perspicacité ne font pas débat. En revanche, j'ai moins été séduite par le personnage de Bamby, pas en raison des actes dont elle est responsable mais plutôt par ce qu'elle renvoie.

Le scenario est bien mené jusqu'à moitié livre, puis je trouve que le soufflet retombe. Déjà, l'histoire se répète un peu, on s'enlise dans des faits qui ont déjà été mis en avant, exploités et expliqués à plusieurs reprises. J'ai été, comme plusieurs lecteurs (à ce que j'ai pu voir en farfouillant rapidement la toile), frustrée et déçue par le dénouement. Déjà, l'assassin est tout trouvé dés le départ et le twist final (car il y en a bien un) est vite évacué. Du moins, c'est l'impression que j'en ai eu. Ainsi je me suis dit "tout ça pour ça", l'histoire aurait certainement pu être rabottée à 400 pages et ç'aurait été tout aussi bien. De même, j'ai l'impression d'être passée à côté de la problématique des migrants posé par le livre. Je pense que le problème ne vient pas du livre en lui-même mais de ma lecture qui a été en pointillés vers la fin par manque de temps, ou d'énergie après des journées de boulot fatiguantes. Peut-être donc que je n'ai pas bien suivi le déroulement de l'affaire mais je n'ai pas bien compris toutes les malversations de Vogelzug vis-à-vis des migrants. Un sentiment d'inachevé donc, qui me fait dire que la question des migrants, bien qu'elle occupe une place importante dans le récit, n'en est pourtant pas l'épicentre. J'ai davantage placé au coeur de ma lecture l'histoire autour de Leyli MAAL. J'ai fait de la lecture de On la trouvait plutôt jolie une lecture avant tout fictionnelle et non politique. 

Ce compte-rendu touche à sa fin. Bien que déçue par deux trois petites choses, je vous conseille quand même ce livre car il a le mérite de proposer une histoire intéressante, à suspense dès le départ et c'est le genre de lecture toujours agréable lorsqu'on a besoin de se vider la tête et de se laisser entraîner dans un récit entêtant.
Dernières infos.

On la trouvait plutôt jolie a été publié en 2017 et compte 537 pages pour la version poche. Un petit lien vers la chanson de Pierre PERRET : https://www.youtube.com/watch?v=urVfi9Yswaw

Ma note.

samedi 24 août 2019

L'adieu à la femme rouge - Vénus Khoury-Ghata

En résumé.

La femme rouge nous ses cheveux près d'un cours d'eau en Mauritanie. La femme rouge avance dans la vie avec ses deux enfants, Zeit et Zina et son mari qui n'a rien de plus à lui offrir qu'une humble case à l'ombre d'un figuier. Si la femme rouge est une femme mystérieuse qui ne dévoile rien sur qui elle est, elle rêve néanmoins d'être quelqu'un d'autre. C'est donc tout naturellement qu'elle s'échappe, à l'abri des regards, en compagnie d'un photographe venu d'ailleurs. Passé le stade de l'incompréhension, le père et les enfants se lancent à la poursuite de la femme rouge, de l'épouse, de la mère. Ce périple les conduira jusqu'en Espagne où ils la retrouveront sur des affiches plaquardées sur tous les murs de la ville. La femme rouge est passée à autre chose et eux doivent survivre dans cette jeungle qui laisse peu de place aux clandestins.

Mon avis.

Voici un tout petit livre que je me suis procurée dans une sorte de magasin de seconde main. Toujours dans ma période "lectures d'Afrique", autant vous dire que je me suis laissée avoir par la couverture explicite. A la lecture du nom de l'auteur, je pensais que cette dernière était africaine et qu'elle avait écrit sur son pays, la Mauritanie. Or, après quelques recherches, j'appris que Vénus KHOURY-GHATA est née et a grandi au Liban, puis elle a rejoint la France afin de fuir la guerre dans son pays. J'ai également appris qu'elle a reçu le prix de l'Académie Française en 2009 puis le prix Goncourt en 2011 pour ses poèmes. 

Ici, il n'est pas question de poésie. Cette histoire est plutôt une façon originale de parler d'immigration. La femme rouge, dont on ne sait quasiment rien, incarne le rêve de milliers de personnes venues d'Afrique de devenir quelqu'un d'autre, d'être sous les feux des projecteurs, d'attirer l'attention, de façon positive, sur qui ils sont. Justement parce qu'aucun détail n'est donné sur elle, on peut imaginer n'importe qui à sa place. Dans un premier temps, ses rêves de femme libre et adulée sont exaucés, grâce à ces hommes, photographe, écrivain, qui la mettent en valeur, qui voient en elle une beauté incomparable. Puis le rêve tourne au vinaigre, lorsque le réel reprend ses droits, lorsque la femme rouge comprend que rien n'est acquis et que la société de consommation, si mouvante, si instable, balaye à un rythme effréné les modes, le sens même de la beauté, elle n'écoute pas les désirs d'une femme venu d'un petit village à l'autre bout du globe. J'y ai vu un parallèle avec la lutte que mènent les migrants pour atteindre le sol européen, entre le départ vers un eldorado fantasmé, puis l'euphorie de l'arrivée, l'euphorie d'avoir échappé à la mort, puis le retour, cruel, à la réalité, où les lois européennes laissent de côté ceux qui ne sont pas nés au bon endroit. 

J'ai aimé lire ces quelques pages, bien construites, dont toute l'histoire tourne autour de cette femme qui reste pourtant invisible, puisqu'elle ne s'exprime pas, et semble tellement prise dans cette envie d'autre chose qu'elle demeure complétement fermée à son passé. Elle est tellement présente qu'on n'en oublierait presque les personnages secondaires qui sont pourtant eux aussi très présents. L'amour qu'ils portent à cette femme est inconditionnel, du moins il justifie leur périple, l'abandon de leurs terres natales pour des contrées hostiles, où survivre dans la rue est une lutte de chaque instant. Même si la volonté de l'auteur est peut-être d'attirer l'attention sur la mère, j'ai particulièrement aimé le père, qui m'a fait l'effet d'un homme pur, dépassé par le comportement de son épouse mais qui ne renonce jamais à l'espoir de la ramener chez lui. Les deux enfants m'ont moins marquée, en particulier Zina dont je ne comprends pas bien l'évolution au fil du roman. Toutefois, on ne peut éprouver que de la peine pour ces jumeaux jetés et reniés par cette mère toujours aveuglée, mue par le désir de reconnaissance.

Ce roman fut l'objet d'une lecture agréable, rapide et sans fausse note. Pour autant, je pense que je l'aurai oublié d'ici quelques mois. C'est le genre de roman que l'on est content d'avoir lu mais dont on ne garde pas une trace indélébile. Je pense que ce récit doit poursuivre sa route et je le déposerai dès que possible dans une boîte à livres, afin qu'il rejoigne d'autres mains lectrices.
Dernières infos.

L'adieu à la femme rouge a été publié en 2017 et compte 192 pages. En cherchant quelques informations pour cette chronique, je suis tombée sur cette émission de Frane Inter consacrée à ce livre. Je ne l'ai pas encore écoutée mais j'y vais de ce pas !

Ma note.

vendredi 16 août 2019

Il nous faut de nouveaux noms - NoViolet Bulawayo

En résumé.

Chérie est une petite fille de 10 ans qui habite le Zimbabwe. Avec ses nombreux amis, elle aime inventer des jeux et aller voler des goyaves sur les terres des riches propriétaires aux alentours du bidonville où elle vit. Cela pour oublier l'horreur : une maison rasée, un père parti en Afrique du Sud, une mère qui "vend des choses" à la frontière et qui peut s'absenter plusieurs semaines, une grand-mères adepte de coutumes religieuses douteuses, sa copine enceinte à 10 ans, les multiples tensions dans le pays et la misère, toujours la misère. Arrivée à l'adolescence, Chérie parvient à rejoindre sa tante qui habite Détroit aux Etats-Unis. L'arrivée sur ces nouvelles terres représente de nouveaux obstacles à franchir, Chérie va devoir se construire en tant que femme, loin de ses proches, loin de sa terre natale, et l'on ne peut imaginer à quel point ce ne sera pas facile.

Mon avis. 

Je poursuis sur ma lancée, mon envie de découvrir des histoires venues d'Afrique et écrites par des auteurs africains. J'ai croisé la route de ce livre au détour d'une énième visite sur l'excellentissime blog A l'horizon des mots, qui foisonne de lectures fortes et peu connues. J'ai une fois de plus été séduite par le billet de l'hôte de ses bois, toujours aussi précis dans l'écriture et me voilà qui boucle mes valises pour le Zimbabwe, pays à l'histoire tragique.

Ce livre, peu visible sur la blogosphère, a néanmoins été très apprécié par tous les lecteurs qui ont tourné ses pages. Malgré ces belles promesses et le résumé qui donne envie, je dois avouer que je suis restée sur ma fin, sans trop définir pour autant l'origine du couac. Le style d'écriture est fluide, agréable à parcourir, l'histoire est rythmée, avec cette première partie dédiée à la vie de Chérie au Zimbabwe alors que la seconde partie nous amène aux Etats-Unis et toutes nos cordes sensibles sont branchées sur le mode vibreur. Toutefois, gourmande que je suis, j'aurais aimé plus, plus de détails, plus de précision dans les événements narrés et dans la vie des personnages. Les épisodes de la vie de la jeune fille sont trop vite balayés à mon goût, ils relèvent plus de l'anecdote que de la pierre qui participe à la construction du livre. J'aurais surtout aimé en apprendre davantage sur l'histoire politique du pays. On sent bien les querelles entre Noirs et Blancs, le passé colonial qui est toujours là, latent, qui ne quitte pas ces générations traumatisées, on devine aussi les tensions qui agitent les clans qui se disputent désormais le pays mais tout ça reste flou. J'aurais aimé que l'auteur précise les faits, sans trop en dire non plus car nous ne sommes pas dans un roman historique mais suffisemment pour situer l'histoire dans son temps, en gardant à l'esprit tous les éléments de contexte. Ainsi, j'ai dû aller faire quelques recherches pour en savoir plus sur le Zimbabwe, en ressortant de tout cela un peu frustrée, car n'ayant pas le courage de m'enfiler de longs pavés encyclopédiques. Je ne me suis pas non plus attachée aux personnages, que ce soit les personnages secondaires comme les amis de la jeune fille ou les membres de sa famille ou Chérie elle-même que je ne suis pas parvenue à cerner, entre la petite fille qu'elle était et la jeune femme qu'elle est devenue après son arrivée au Etats-Unis. 

Ainsi, je reste sur une impression de lecture superficielle, dont je garderai certains paysages en tête mais dont j'oublierai tout le reste. Peut-être que j'en attendais trop, que j'aurais dû me laisser davantage porter par le récit de Chérie, sans trop me poser de questions, ou peut-être encore que ce n'était pas le bon moment pour cette lecture. Ou peut-être que c'est comme ça, on adhère à certaines lectures et d'autres nous laissent de marbre, on ne peut pas toujours donner une raison à tout. Malgré cette déception teintée d'amertume, je décide d'octroyer à ce livre un trois fleurs car il est à mon avis important que des auteurs, originaires d'Afrique continuent à s'exprimer sur ces thèmes-là, en ces termes parfois crus et violents mais tellement vrais et d'actualité. Même si je ne me laisse pas toujours emportée par les récits proposés, je suis toujours heureuse de tomber sur ce genre de livres qui nous amènent ailleurs, qui nous ouvrent les yeux sur des préoccupations différentes des nôtres et peut-être plus essentielles et qui nous sortent de nos sentiers battus. Pour toutes ces raisons, je vous encourage à vous plonger dans Il nous faut de nouveaux noms, rien que pour la leçon de vie qu'il nous offre.
Dernières infos.

Il nous faut de nouveaux noms a été publié en 2014 pour la version française et compte 285 pages.

Ma note.

samedi 20 juillet 2019

La cité de la joie - Dominique Lapierre

En résumé.

Inde, dans les années 80. Le paysan Hasari Pal, sa femme et ses trois enfants sont contraints de quitter leur campagne du Bengale occidental (Etat au nord-est de l'Inde) suite à la sécheresse qui les prive d'une denrée rare, le riz. Comme des milliers de paysans affamés, de plus en plus dépendants d'un climat capricieux, la famille rejoint l'immense métropole de Calcutta dont on dit qu'elle est l'Eldorado pour gagner quelques roupies qui feront vivre ceux restés au village. Seulement, c'est bien connu, la réalité est souvent très éloigné de la légende. Il faut d'abord trouver un logement, un bout de trottoir dans ce dédales de rues squattées par des hommes et des femmes décharnés, en quête de la moindre roupie qui prolongera de quelques heures leur survie. Puis il faudra trouver un travail au milieu de tous ces hommes qui sont venus chercher la même chose dans cette ville gargantuesque. 

Dans le même temps, Paul Lambert, un missionnaire originaire du Nord de la France arrive à quelques encablures du domicile de fortune des Pal, dans la Cité de la joie, lieu au titre évocateur mais qui n'est rien d'autre qu'un slum, un bidonville où la misère atteint son paroxysme. Le prêtre, venu à la rencontre des habitants de ce champ de ruine, va progressivement devenir un acteur clé de la vie du slum.

Mon avis.

Après Joseph KESSEL et son Kenya enchanteur, je poursuis ce tour du monde littéraire improvisé avec la découverte des faubourgs de Calcutta. J'ai découvert ce livre dans une petite pépite qui vient tout juste de sortir, Bibliothérapie, une compilation littéraire de 500 titres classés dans différentes catégories et dont l'objectif est de nous faire du bien, à travers la lecture. A la fin de l'ouvrage, figurent quelques entretiens avec des célébrités qui proposent des références qui les ont marquées. Parmi ces grands noms, Hélène Darroze, chef cuisinier très médiatisée présente, pour la catégorie "voyage" La cité de la joie comme un livre magistral qui l'a secouée et qui a participé de sa passion pour ce pays aux mille couleurs, l'Inde. Je ne sais pas pourquoi, peut-être la façon dont elle en parle, le thème, les commentaires très enthousiastes, m'ont donné très envie de découvrir ce livre qui fut un best-seller à sa sortie, en 1985.

Cette histoire fait partie de cette catégorie de livres s'inspirant de faits aussi réels que dramatiques qu'il est compliqué de chroniquer. Comment critiquer un livre aussi vrai, qui nous parle de tous ces gens qui survivent dans la misère la plus noire, sans rien demander à ceux qui possèdent tout ? Comment critiquer un auteur qui a enquêté pendant deux ans, qui a vécu dans la Cité de la joie, qui a partagé le quotidien de ses habitants pour nous offrir une tranche d'humanité d'une rare authenticité ? Je vais donc principalement évoquer ici mon ressenti à la lecture de ce livre.

Comme beaucoup de lecteurs, je pense que ce livre est une pépite, peu connue, mais qu'il faudrait mettre dans les mains du plus grand nombre. De ce que j'ai pu lire à droite à gauche, une grande partie du lectorat semble avoir été séduit par l'aspect que l'on pourrait qualifier de religieux du livre, avec la mise en avant du partage, de l'espoir, de la générosité, de la foi qui ne quittent pas les habitants du bidonville, malgré leurs conditions de vie plus que précaires. Bien que cet aspect soit effectivement développé, j'ai davantage été frappée par les paradoxes que l'auteur met en avant. D'un côté, cette foi inébranlable et cette vénération de mille et un dieux, dont j'ai oublié les noms tellement ils sont nombreux, et d'un autre côté, cette accumulation de coups du sort, de misère qui heurtent sans arrêt et de plein fouet les habitants. D'un côté, l'entraide qui existe entre toutes ces personnes et d'un autre côté, ces réseaux d'escrocs qui n'ont aucun scrupule à exploiter les plus faibles en leur volant ce qu'ils ont de plus précieux, leur vie. 

De multiples émotions ont accompagné ma lecture de la Cité de la joie. Il y a eu l'espoir, vain, que tout cela s'arrange un jour, la tristesse lorsque les malheurs se succèdent et touchent des personnages auxquels on s'attache nécessairement, le dégoût lors de certains passages qui donnent juste envie de vomir (âmes sensibles s'abstenir), la haine contre la vie et l'Homme qui laisse faire ça, la rage contre nos comportements occidentaux qui ont des répercussions à l'autre bout de la planète et l'admiration devant un tel travail d'écrivain. En s'intéressant à la vie de personnes qui n'intéressent personne, Dominique LAPIERRE leur rend un vibrant hommage. Malgré leurs maladies, le sentiment de pitié qu'ils inspirent, leurs visages sales et leurs corps maigres, j'ai trouvé beaux et grands tous les hommes et femmes que j'ai croisés dans ces pages. Je me suis même dit que je n'étais rien à côté, moi qui vis dans mon confort et qui mange à ma faim.

Vous l'aurez compris, si vous avez le cœur et les émotions bien accrochés, je ne peux que vous conseiller cette lecture dont vous ne sortirez pas indemne.
Dernières infos.

La cité de la joie compte 623 pages (pour la version poche) et a été publié en 1985. Un film a été réalisé à partir de ce livre, en 1992. Le médecin américain qui fait son apparition en moitié de livre est incarné par Patrick Swayze (petit point gossip).

Ma note.

dimanche 7 juillet 2019

Le lion - Joseph Kessel

En résumé.

Cette histoire nous amène au Kenya, dans la réserve d'Ambolesi où sont protégées des milliers d'espèces sauvages. De passage dans ce lieu magique, le narrateur, voyageur venu d'Europe, fait la connaissance de l'homme qui est à la tête de ce parc, ainsi que de sa famille, dont fait partie Patricia, la petite fille qui a apprivoisé King, l'un des lions qui se posent en maîtres de la savane. Peu à peu, elle entraîne l'étranger sur des terres inconnues et l'initie à la communication avec les bêtes sauvages. Pourtant et malgré le calme qui règne en apparence sur ce territoire dominé par le Kilimandjaro, ni les hommes ni les bêtes ne sont à l'abri du danger...

Mon avis.

Comme je le répète souvent sur ce blog, je pense que le choix d'un livre doit être dicté par ses envies de lecture du moment. Or il se trouve qu'en ce moment, j'ai envie d'histoires se déroulant sur les terres africaines, peut-être à cause de l'été qui est bien là, peut-être à cause de cette chaleur qui me terrasse... Je suis donc partie l'autre jour à la bibliothèque avec une longue liste de bouquins correspondant à mes envies de lecture, élaborée à partir de chroniques lues à droite à gauche. Je suis revenue un peu bredouille mais mes yeux ont été attirés par un livre qui ne figurait pas sur la liste, ce classique, Le lion de Joseph KESSEL. Ni une ni deux, le voilà dans mon panier de lectrice compulsive !

Avant d'être écrivain de renom, membre de l'Académie française à partir de 1962, Joseph KESSEL est reporter. C'est ainsi qu'il prend la route dans les années cinquante pour le Kenya qui est alors secoué par la révolte Mau-Mau, mouvement insurrectionnel qui demande à libérer le pays du joug britannique. C'est de son passage sur ces terres kényanes que l'auteur tire son inspiration pour écrire Le lion, même si ce n'est qu'une infime partie de ce qu'il a pu voir là-bas. Ainsi, le narrateur se confond avec l'auteur lui-même, voyageur ébahi devant la faune et la flore du Parc Royal. C'est très certainement pour cette raison que nous nous sentons particulièrement dépaysés à la lecture de ce petit roman. Moi qui voulais voyager en Afrique à moindres frais, j'ai été plus que servie ! Les paysages sont longuement décrits, l'ambiance de la savane est fidèlement retranscrite et on est complètement immergé dans ces décors peu coutumiers. Un voyage dans l'espace mais aussi dans le temps puisque le Kenya est encore à cette époque une colonie britannique, ce qui se voit nettement au niveau des rapports entre Blancs et Noirs, où ces derniers occupent toujours la place des domestiques. On le voit aussi à la présence encore intacte des espaces sauvages, il n'est pas question de réchauffement climatique ni d'espèces en voie de disparition à cette époque-là ! Au contraire, on a l'impression de territoires luxuriants, que rien ne semble ébranler. Et puis enfin, les tribus (Kikuyu, Masaï) n'ont pas encore été décimées et vivent en harmonie avec leurs voisins les animaux. 

Même si le décor de l'histoire est basé sur des paysages réels, l'histoire en elle-même n'est que pure fiction. Et c'est là où j'ai été un peu moins emballée par ma lecture. Il faut dire qu'il ne se passe pas grand chose dans Le lion... Toute une première partie est juste dédiée à la narration d'une seule journée ! Alors on attend, on attend que les personnages s'animent et prennent vie dans ce décor qui devient un peu pesant. Les événements s'accélèrent quand même dans la deuxième partie, heureusement, et je dois avouer que la fin est très émouvante. Contrairement à de nombreux lecteurs, je ne l'ai pas vu venir et ce fut donc un réel moment d'émotion. Quant aux personnages, ils ne sont pas particulièrement attachants. J'ai vu à plusieurs reprises des lecteurs critiquer le comportement de la petite fille, Patricia, à juste titre je pense. Elle joue le rôle de l'enfant gâtée, un peu pédante mais elle peut également avoir de bons côtés, comme son désir de protéger à tout prix les animaux. Ses parents non plus ne manquent pas de relief dans leurs caractères. Ce sont pas leurs yeux que l'on se rend compte du danger qui rôde dans la savane, ils nous poussent à être inquiets pour les hommes et à se méfier des animaux. Enfin, il y a le peuple Masaï dont certaines coutumes sont décrites longuement, ce qui m'a bien plu d'ailleurs, ayant toujours été attirée par les coutumes d'ailleurs. Cette galerie de personnages est davantage développée que le lion lui-même, dont on parle beaucoup, qui est au centre du livre mais que l'on côtoie peu finalement. 

Ainsi, à mes yeux, Le lion est avant tout un récit de voyage, dans le temps et dans l'espace, une exploration ethnographique de ce territoire d'Afrique orientale. Prenez donc le temps de contempler cette faune sauvage désormais réduite en poussière et de faire connaissance avec ces personnages venus d'une autre époque ! Malgré un nombre de pages réduit, Le lion est une lecture de longue haleine.
Dernières infos.

Le lion compte 230 pages et a été publié en 1958. Je vous conseille une édition augmentée, qui propose un petit dossier permettant de resituer l’œuvre dans son temps, c'est toujours très intéressant ! Aussi, je vous mets un lien vers un petit reportage d'Arte, très sympathique car il explore les lieux dont Joseph KESSEL parle dans son livre. Conseil toutefois, à ne regardez qu'après la lecture du livre ! Je me suis bien spoilée à moitié livre, déjà qu'il ne se passe pas grand chose...

Ma note.