samedi 20 juillet 2019

La cité de la joie - Dominique Lapierre

En résumé.

Inde, dans les années 80. Le paysan Hasari Pal, sa femme et ses trois enfants sont contraints de quitter leur campagne du Bengale occidental (Etat au nord-est de l'Inde) suite à la sécheresse qui les prive d'une denrée rare, le riz. Comme des milliers de paysans affamés, de plus en plus dépendants d'un climat capricieux, la famille rejoint l'immense métropole de Calcutta dont on dit qu'elle est l'Eldorado pour gagner quelques roupies qui feront vivre ceux restés au village. Seulement, c'est bien connu, la réalité est souvent très éloigné de la légende. Il faut d'abord trouver un logement, un bout de trottoir dans ce dédales de rues squattées par des hommes et des femmes décharnés, en quête de la moindre roupie qui prolongera de quelques heures leur survie. Puis il faudra trouver un travail au milieu de tous ces hommes qui sont venus chercher la même chose dans cette ville gargantuesque. 

Dans le même temps, Paul Lambert, un missionnaire originaire du Nord de la France arrive à quelques encablures du domicile de fortune des Pal, dans la Cité de la joie, lieu au titre évocateur mais qui n'est rien d'autre qu'un slum, un bidonville où la misère atteint son paroxysme. Le prêtre, venu à la rencontre des habitants de ce champ de ruine, va progressivement devenir un acteur clé de la vie du slum.

Mon avis.

Après Joseph KESSEL et son Kenya enchanteur, je poursuis ce tour du monde littéraire improvisé avec la découverte des faubourgs de Calcutta. J'ai découvert ce livre dans une petite pépite qui vient tout juste de sortir, Bibliothérapie, une compilation littéraire de 500 titres classés dans différentes catégories et dont l'objectif est de nous faire du bien, à travers la lecture. A la fin de l'ouvrage, figurent quelques entretiens avec des célébrités qui proposent des références qui les ont marquées. Parmi ces grands noms, Hélène Darroze, chef cuisinier très médiatisée présente, pour la catégorie "voyage" La cité de la joie comme un livre magistral qui l'a secouée et qui a participé de sa passion pour ce pays aux mille couleurs, l'Inde. Je ne sais pas pourquoi, peut-être la façon dont elle en parle, le thème, les commentaires très enthousiastes, m'ont donné très envie de découvrir ce livre qui fut un best-seller à sa sortie, en 1985.

Cette histoire fait partie de cette catégorie de livres s'inspirant de faits aussi réels que dramatiques qu'il est compliqué de chroniquer. Comment critiquer un livre aussi vrai, qui nous parle de tous ces gens qui survivent dans la misère la plus noire, sans rien demander à ceux qui possèdent tout ? Comment critiquer un auteur qui a enquêté pendant deux ans, qui a vécu dans la Cité de la joie, qui a partagé le quotidien de ses habitants pour nous offrir une tranche d'humanité d'une rare authenticité ? Je vais donc principalement évoquer ici mon ressenti à la lecture de ce livre.

Comme beaucoup de lecteurs, je pense que ce livre est une pépite, peu connue, mais qu'il faudrait mettre dans les mains du plus grand nombre. De ce que j'ai pu lire à droite à gauche, une grande partie du lectorat semble avoir été séduit par l'aspect que l'on pourrait qualifier de religieux du livre, avec la mise en avant du partage, de l'espoir, de la générosité, de la foi qui ne quittent pas les habitants du bidonville, malgré leurs conditions de vie plus que précaires. Bien que cet aspect soit effectivement développé, j'ai davantage été frappée par les paradoxes que l'auteur met en avant. D'un côté, cette foi inébranlable et cette vénération de mille et un dieux, dont j'ai oublié les noms tellement ils sont nombreux, et d'un autre côté, cette accumulation de coups du sort, de misère qui heurtent sans arrêt et de plein fouet les habitants. D'un côté, l'entraide qui existe entre toutes ces personnes et d'un autre côté, ces réseaux d'escrocs qui n'ont aucun scrupule à exploiter les plus faibles en leur volant ce qu'ils ont de plus précieux, leur vie. 

De multiples émotions ont accompagné ma lecture de la Cité de la joie. Il y a eu l'espoir, vain, que tout cela s'arrange un jour, la tristesse lorsque les malheurs se succèdent et touchent des personnages auxquels on s'attache nécessairement, le dégoût lors de certains passages qui donnent juste envie de vomir (âmes sensibles s'abstenir), la haine contre la vie et l'Homme qui laisse faire ça, la rage contre nos comportements occidentaux qui ont des répercussions à l'autre bout de la planète et l'admiration devant un tel travail d'écrivain. En s'intéressant à la vie de personnes qui n'intéressent personne, Dominique LAPIERRE leur rend un vibrant hommage. Malgré leurs maladies, le sentiment de pitié qu'ils inspirent, leurs visages sales et leurs corps maigres, j'ai trouvé beaux et grands tous les hommes et femmes que j'ai croisés dans ces pages. Je me suis même dit que je n'étais rien à côté, moi qui vis dans mon confort et qui mange à ma faim.

Vous l'aurez compris, si vous avez le cœur et les émotions bien accrochés, je ne peux que vous conseiller cette lecture dont vous ne sortirez pas indemne.
Dernières infos.

La cité de la joie compte 623 pages (pour la version poche) et a été publié en 1985. Un film a été réalisé à partir de ce livre, en 1992. Le médecin américain qui fait son apparition en moitié de livre est incarné par Patrick Swayze (petit point gossip).

Ma note.

dimanche 7 juillet 2019

Le lion - Joseph Kessel

En résumé.

Cette histoire nous amène au Kenya, dans la réserve d'Ambolesi où sont protégées des milliers d'espèces sauvages. De passage dans ce lieu magique, le narrateur, voyageur venu d'Europe, fait la connaissance de l'homme qui est à la tête de ce parc, ainsi que de sa famille, dont fait partie Patricia, la petite fille qui a apprivoisé King, l'un des lions qui se posent en maîtres de la savane. Peu à peu, elle entraîne l'étranger sur des terres inconnues et l'initie à la communication avec les bêtes sauvages. Pourtant et malgré le calme qui règne en apparence sur ce territoire dominé par le Kilimandjaro, ni les hommes ni les bêtes ne sont à l'abri du danger...

Mon avis.

Comme je le répète souvent sur ce blog, je pense que le choix d'un livre doit être dicté par ses envies de lecture du moment. Or il se trouve qu'en ce moment, j'ai envie d'histoires se déroulant sur les terres africaines, peut-être à cause de l'été qui est bien là, peut-être à cause de cette chaleur qui me terrasse... Je suis donc partie l'autre jour à la bibliothèque avec une longue liste de bouquins correspondant à mes envies de lecture, élaborée à partir de chroniques lues à droite à gauche. Je suis revenue un peu bredouille mais mes yeux ont été attirés par un livre qui ne figurait pas sur la liste, ce classique, Le lion de Joseph KESSEL. Ni une ni deux, le voilà dans mon panier de lectrice compulsive !

Avant d'être écrivain de renom, membre de l'Académie française à partir de 1962, Joseph KESSEL est reporter. C'est ainsi qu'il prend la route dans les années cinquante pour le Kenya qui est alors secoué par la révolte Mau-Mau, mouvement insurrectionnel qui demande à libérer le pays du joug britannique. C'est de son passage sur ces terres kényanes que l'auteur tire son inspiration pour écrire Le lion, même si ce n'est qu'une infime partie de ce qu'il a pu voir là-bas. Ainsi, le narrateur se confond avec l'auteur lui-même, voyageur ébahi devant la faune et la flore du Parc Royal. C'est très certainement pour cette raison que nous nous sentons particulièrement dépaysés à la lecture de ce petit roman. Moi qui voulais voyager en Afrique à moindres frais, j'ai été plus que servie ! Les paysages sont longuement décrits, l'ambiance de la savane est fidèlement retranscrite et on est complètement immergé dans ces décors peu coutumiers. Un voyage dans l'espace mais aussi dans le temps puisque le Kenya est encore à cette époque une colonie britannique, ce qui se voit nettement au niveau des rapports entre Blancs et Noirs, où ces derniers occupent toujours la place des domestiques. On le voit aussi à la présence encore intacte des espaces sauvages, il n'est pas question de réchauffement climatique ni d'espèces en voie de disparition à cette époque-là ! Au contraire, on a l'impression de territoires luxuriants, que rien ne semble ébranler. Et puis enfin, les tribus (Kikuyu, Masaï) n'ont pas encore été décimées et vivent en harmonie avec leurs voisins les animaux. 

Même si le décor de l'histoire est basé sur des paysages réels, l'histoire en elle-même n'est que pure fiction. Et c'est là où j'ai été un peu moins emballée par ma lecture. Il faut dire qu'il ne se passe pas grand chose dans Le lion... Toute une première partie est juste dédiée à la narration d'une seule journée ! Alors on attend, on attend que les personnages s'animent et prennent vie dans ce décor qui devient un peu pesant. Les événements s'accélèrent quand même dans la deuxième partie, heureusement, et je dois avouer que la fin est très émouvante. Contrairement à de nombreux lecteurs, je ne l'ai pas vu venir et ce fut donc un réel moment d'émotion. Quant aux personnages, ils ne sont pas particulièrement attachants. J'ai vu à plusieurs reprises des lecteurs critiquer le comportement de la petite fille, Patricia, à juste titre je pense. Elle joue le rôle de l'enfant gâtée, un peu pédante mais elle peut également avoir de bons côtés, comme son désir de protéger à tout prix les animaux. Ses parents non plus ne manquent pas de relief dans leurs caractères. Ce sont pas leurs yeux que l'on se rend compte du danger qui rôde dans la savane, ils nous poussent à être inquiets pour les hommes et à se méfier des animaux. Enfin, il y a le peuple Masaï dont certaines coutumes sont décrites longuement, ce qui m'a bien plu d'ailleurs, ayant toujours été attirée par les coutumes d'ailleurs. Cette galerie de personnages est davantage développée que le lion lui-même, dont on parle beaucoup, qui est au centre du livre mais que l'on côtoie peu finalement. 

Ainsi, à mes yeux, Le lion est avant tout un récit de voyage, dans le temps et dans l'espace, une exploration ethnographique de ce territoire d'Afrique orientale. Prenez donc le temps de contempler cette faune sauvage désormais réduite en poussière et de faire connaissance avec ces personnages venus d'une autre époque ! Malgré un nombre de pages réduit, Le lion est une lecture de longue haleine.
Dernières infos.

Le lion compte 230 pages et a été publié en 1958. Je vous conseille une édition augmentée, qui propose un petit dossier permettant de resituer l’œuvre dans son temps, c'est toujours très intéressant ! Aussi, je vous mets un lien vers un petit reportage d'Arte, très sympathique car il explore les lieux dont Joseph KESSEL parle dans son livre. Conseil toutefois, à ne regardez qu'après la lecture du livre ! Je me suis bien spoilée à moitié livre, déjà qu'il ne se passe pas grand chose...

Ma note.