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samedi 27 février 2021

La commode aux tiroirs de couleurs - Olivia Ruiz

En résumé.

Suite au décès de sa grand-mère, une jeune femme hérite de la commode de cette dernière. Un meuble massif, qui en impose de part ce qu'il refoule du passé, un meuble aux neuf tiroirs, chacun arborant une couleur différente. La jeune femme prend le soin de dépiauter chaque compartiment, effleure du bout des doigts chaque objet, parcourt chaque morceau de papier pour enfin comprendre le passé de la défunte et jeter la lumière sur les secrets de famille tus depuis tellement longtemps. Une famille d'immigrés ayant fui la guerre civile d'Espagne alors que Franco s'emparait progressivement de chaque centimètre carré de leur territoire. La "abuela", cette femme à la fois si fragile et si forte, livre un à un ses mystères, depuis le départ de sa terre natale à la naissance de sa petite-fille, en passant par les histoires d'amour qui ont jalonné son existence mais aussi les désillusions, les malheurs et les difficultés à se faire une place dans son nouveau pays.

Mon avis.

J'ai toujours eu pour Olivia RUIZ une forme de sympathie. Déjà parce que nous sommes toutes les deux nées le même jour, à douze ans d'intervalle. Ensuite parce qu'elle a longtemps été la compagne de Mathias MALZIEU auquel je voue un vrai culte. Enfin parce que j'ai toujours apprécié son originalité et l'énergie qu'elle a mise dans ses premiers albums. J'étais donc pressée de la découvrir en tant qu'écrivaine. Autant vous le dire tout de suite, je n'ai pas été déçue du voyage et j'espère déjà qu'elle publiera très vite un nouveau roman.

Voilà un premier roman surprenant et presque déroutant. Son genre est difficile à identifier, puisqu'il se situe entre l'autobiographie et la fiction. Si Olivia RUIZ partage avec la narratrice un certain nombre de points communs, comme le fait d'être issue d'une famille qui a fui la guerre civile espagnole, d'autres faits sont purement inventés. Dans les interview qu'elle a donnés lors de la promotion de son livre, elle a pu expliquer que ses grands-parents ont toujours été secrets sur leur passé, et que cette histoire est en quelque sorte ce qu'elle aurait aimé qu'on lui dise, les femmes qu'elle décrit étant des symboles de courage et de liberté. J'ai vécu ma lecture comme une découverte des origines d'Olivia RUIZ alors qu'il faut garder en tête que tout cela est un peu romancé, même si le destin de Rita, la fameuse "abuela" est très certainement similaire au destin de milliers d'autres petites filles qui ont tout quitté pour se construire une nouvelle identité en France. Ce roman se conte à deux voix. La jeune femme s'exprime pour l'épilogue et le prologue, mais l'essentiel du corps du texte est conté par la grand-mère, chaque chapitre s'arrêtant sur un tiroir ouvert et un objet dévoilé. Le récit est assez court puisqu'il fait moins de 200 pages. C'est à la fois frustrant car on se sent tellement bien aux côtés des personnages qu'on a envie que ça dure le plus longtemps possible, mais cela permet d'un autre côté d'avoir un récit dynamique, sans aucune longueur.

C'est le deuxième roman que je lis sur le thème de la guerre civile espagnole, après avoir découvert Une dernière danse de Victoria HISLOP l'été dernier. Décidément, c'est un thème qui me parle et qui me plaît toujours autant. L'histoire de Rita m'a beaucoup émue et j'ai dû retenir mes larmes plusieurs fois au cours de ma lecture. Ce n'est en aucun cas un roman larmoyant ou tire-larme, mais le simple fait de s'attacher à ces personnages si humains et si simples dans leur façon d'être ne peut que nous provoquer une vive émotion. Le parcours de Rita est à son image, digne, courageux, mais aussi précaire et fragile.  L'écriture d'Olivia RUIZ sert à la perfection ces personnages à la fois si vifs et si vulnérables. Malgré l'émotion qui m'a tenaillée jusqu'à la dernière page, les images qui me viennent immédiatement en tête lorsque je repense à ma lecture sont très colorées, une sensation de chaleur m'envahit, le soleil de Narbonne, le sourire de ces femmes déracinées, leur accent réprimé mais ayant conservé une forme d'impertinence, une musique joyeuse type guinguette et des décors des années 40/50, l'insouciance, voire la naïveté, le charme suranné de cette époque. Bien sûr, en toile de fond, il y a l'histoire avec un grand H, à l'origine de tous ces maux mais ce livre se concentre avant tout sur la petite histoire, celle des gens ordinaires et celle de ces femmes qui ont parfois dû mettre leur orgueil et leurs sentiments de côté pour continuer à vivre et donner du bonheur à leur descendance.

Je ne savais pas si je pouvais placer ce livre dans la catégorie des coups de cœur, mais une telle émotion à la lecture d'un livre n'arrive pas tous les jours, alors je dois m'avouer vaincue face au talent d'Olivia RUIZ et à la qualité de ce premier roman. J'espère qu'il inaugure une longue suite à venir... D'ici là, courez chez votre libraire ou dans votre médiathèque de quartier et lisez sans plus tarder La commode aux tiroirs de couleurs !
Dernières infos.

La commode aux tiroirs de couleurs a été publié en 2020 et compte 198 pages.

Ma note.

Challenges.

* Défi lecture 2021 : Consigne 82 - Un livre d'un auteur qui est né durant le même mois que vous - 6/100
En 2021... Je voyage : France (+ 10 points)

samedi 13 février 2021

"Arrête avec tes mensonges" - Philippe Besson

En résumé.

1984. Philippe, adolescent brillant, formaté pour de grandes études, fils d'instituteur, quelques amis et les autres qui lui jettent des "pédales" à la figure dans la cour de récréation. Philippe, attiré par un grand ténébreux, solitaire voire mystique, Thomas Andrieu. Le premier qui admire le deuxième, tout en sachant qu'il ne se passera jamais rien. Pourtant, Thomas choisira le bon moment pour dire à Philippe quelques mots, une invitation dans un bar reculé de la ville, loin des regards. Des rendez-vous se multiplieront, dominés par l'attirance sexuelle qui existe entre les deux hommes, pas beaucoup de mots, simplement les corps qui s'expriment. Ça y est, l'amour est là, mais il faut se taire, car l'homosexualité est un sujet tabou en ce début des années 80. Puis l'été arrive, chacun obtient son Bac, l'un part pour l'Espagne, l'autre pour Bordeaux, déjà tourné vers un avenir radieux. Une séparation qui ne sera jamais digérée. Un être que l'on a aimé et que l'on ne voit plus. Quelques années plus tard, Philippe aura des nouvelles de Thomas, d'une façon totalement inattendue. Un premier coup de massue, et plusieurs autres qui suivront.

Mon avis.

Je pense que c'est la première fois depuis très longtemps que je rédige la chronique d'un livre alors que je viens de le terminer. C'est dire s'il m'a bouleversé. L'envie d'écrire à chaud, de dire combien j'ai aimé ces quelques pages, combien j'ai été emportée par cette partie de vie de Philippe BESSON alors que je ne m'y attendais pas du tout. Pour rien ne vous cacher, j'ai ouvert ce livre un peu au hasard, ne sachant pas de quoi il parlait, il trônait depuis des années sur mes étagères, acheté sur un coup de tête dans une recyclerie, juste parce qu'il avait été très médiatisé à sa sortie. J'aime être surprise de la sorte, un coup de cœur littéraire presque accidentel mais ô combien plaisant !

L'auteur, Philippe BESSON, plutôt habitué des romans de fiction, se livre ici à un genre nouveau, celui de l'autobiographie. Pour une première, il attaque fort, puisque ce qu'il livre ici est de l'ordre du très intime, son orientation sexuelle, et plus particulièrement cet amour de jeunesse qui est en fait l'amour d'une vie, une rencontre qui ne se produit qu'une fois et qui laisserait des traces dans chacun de ces romans. Le livre est court, je ne sais pas si cela sert ou dessert son projet. D'un côte, je trouve que c'est la longueur idéale pour nous toucher en plein cœur, quelque chose de vif, de rapide, d'incroyablement percutant. D'un autre côté, j'aurais tellement aimé passer plus de temps avec ces personnages. On est presque blasé de les côtoyer si peu de temps alors qu'ils sont si prometteurs. Mon seul bémol va à l'auteur lui-même, dont j'ai perçu à certains moments une fausse pudeur, quelques vantardises dans le propos, peut-être un coup marketing, mais cela reste fugace et peut-être que je me trompe, tout n'est qu'affaire d'interprétation. 

Le premier point fort de ce roman est très certainement cette histoire d'amour passionnelle, charnelle, voire même spirituelle, et ses corollaires qui font très vite leur apparition : le doute, le manque de l'autre, la séparation, la jalousie. Tout cela est rendu plus compliqué par les tabous sociaux qui imposent à Thomas de vouloir garder une extrême discrétion quant à sa relation avec Philippe. Le deuxième point fort est le personnage de Thomas que j'ai trouvé absolument magnifique. Un homme ordinaire, qui n'est pas médiatique contrairement à l'auteur, un lycéen devenu paysan, un homme qui a grandi avec sa pudeur, la peur du qu'en dira t-on, qui s'est empêché beaucoup de choses et qui n'a pas réussi à dépasser ses propres barrières et les limites qu'il s'est imposé. C'est un personnage de tragédie, si beau, on devine ses tourments, les faux-semblants qu'il a construits les uns après les autres et à quels points ceux-ci se sont avérés destructeurs. Plusieurs fois au cours du récit, je me suis retenue de ne pas pleurer, émue jusqu'au trognon par cette histoire si pure et si belle et ce personnage à la fois si vrai et si complexe. Cela faisait des lustres que je n'avais pas eu envie de verser une larme lors de la lecture d'un bouquin. C'est dire l'intensité du récit et de la plume de l'auteur.

Une lecture incroyablement rapide, mais qui laisse des traces, et que je relirai assurément. J'ai désormais une furieuse envie de lire la bibliographie de Philippe BESSON, à la recherche des petits bouts de Thomas qu'il a disséminé ça et là. Peut-être relire aussi pour la troisième fois L'arrière saison, avec ce regard neuf, maintenant qu'il a livré les clefs pour comprendre l'ensemble de son oeuvre. Vraiment, vous pouvez y aller les yeux fermés !
Dernière infos.

"Arrête avec des mensonges" a été publié en 2017 et compte 159 pages.

Ma note.
Challenges.

* Défi lecture 2021 : Consigne 11 - Livre LGBTQIA* - 4/100
En 2021... Je voyage : France (+ 15 points)

dimanche 17 janvier 2021

Journal d'un vampire en pyjama - Mathias Malzieu

En résumé.

Fin 2013, Mathias MALZIEU, chanteur au sein du groupe Dionysos et écrivain de talent, apprend qu'il est atteint d'une maladie auto-immune, l'aplasie médullaire. Une maladie qui résulte d'un dysfonctionnement de la moelle osseuse et qui entraîne des hémorragies importantes ainsi qu'une augmentation du risque infectieux dans la mesure où le corps ne dispose plus de défenses efficaces pour se protéger des attaques extérieures. Ce danger permanent arrive au moment où l'artiste est au sommet de sa carrière, prêt à entamer la promotion de son film La mécanique du cœur auquel il tient beaucoup. Bien qu'épuisé et à bout de souffle, il refuse dans un premier temps de se laisser abattre par cette maladie. Mais la situation s'aggrave, les séjours à l'hôpital se multiplient, certains en chambre stérile, les besoins en transfusion sont permanents et le traitement mis en place est un échec, une greffe de moelle osseuse doit donc avoir lieu. Avec cet écrit, Mathias MALZIEU fait part au lecteur de tout son parcours, de la découverte de la maladie à la guérison, mais rend aussi hommage aux personnes qui l'ont accompagné tout au long de cette épreuve.

Mon avis.

Ce livre fut ma dernière lecture de l'année 2020. C'est plutôt ironique de finir sur le thème de la maladie après une année à l'actualité sanitaire très chargée. Je me réservais cette lecture pour mes vacances, ayant envie d'avoir tout le temps de savourer la prose de Mathias MALZIEU, artiste de génie à mes yeux, peut-être mon auteur préféré, tant j'admire son imagination et sa plume, toujours aussi poétique et audacieuse. Malgré le thème général du livre peu réjouissant, ce livre ne fait pas exception, il nous amène encore une fois sur le terrain de la poésie avec beaucoup de malice et d'humilité.

Les livres de Mathias MALZIEU sont toujours plutôt courts, un peu frustrant je l'avoue, mais toujours puissants. Celui-ci ne déroge pas à la règle tant il nous fait vivre de multiples émotions. Des moments émouvants quand l'artiste découvre sa maladie mais aussi tout au long de la lutte avec son propre corps, l'imaginer diminué, seul dans une chambre stérile avec la peur au ventre, assister aux hommages rendus aux soignants qui ont tout fait pour lui redonner le sourire. Des moments de peur lorsqu'il évoque l'aggravation de la maladie, la recherche d'un donneur compatible pour une greffe de moelle osseuse. Et puis la joie de lire sa poésie, de le voir se remettre petit à petit, de prendre son skate et de faire le tour de l'Islande avec. Bien que l'émotion soit présente et que le thème ne soit pas des plus joyeux, ce livre n'est en aucun cas larmoyant. L'objectif n'est clairement pas de faire pleurer dans les chaumières, plutôt relater les mois d'un combat particulier et écrire pour survivre. C'est sa créativité et son imagination inépuisable qui semble avoir eu raison de sa maladie. Tourner en dérision le jargon médical, inventer le personnage de Dame Oclès pour signifier l'imminence de la mort et se réfugier dans un univers onirique, créer des histoires et des personnages farfelus, c'était sa force. 

C'est un livre tout en modestie, on a l'impression d'avoir affaire à l'homme plutôt qu'à l'artiste. Il nous laisse entrer dans son intimité, son appartenant à son image, poétique et enfantin, sa relation avec Rosy et son image physique qui se dégrade au fur et à mesure que la maladie s'empare de lui. Il évoque aussi tous les personnages qu'il a pu créer et les histoires qu'il a pu inventer. L'ironie de son personnage phare Jack dans La mécanique du cœur, jeune homme ayant lui-même subi une greffe du cœur, une horloge remplaçant son véritable organe. En lisant son livre, je me suis rendue compte du poids du destin qui est particulièrement présent chez lui, comme si une partie de ce qu'il avait entrepris jusque là semait des indices qui le mènerait vers cette maladie rare. Ce récit se situe à la croisée des genres littéraires, les éléments autobiographiques en constituent bien sûr l'ossature mais Mathias MALZIEU vient agrémenter l'ensemble de touches de fiction, comme si l'on avait affaire à un personnage sorti de nulle part, ce vampire en pyjama qui s'amuserait à aspirer le sang de ses congénères depuis sa chambre stérile.

Vous pouvez ouvrir ce livre sans crainte, agréable moment de lecture garanti. N'ayez pas peur du thème de la maladie, certes peu enthousiasment en ce moment, le talent de l'auteur est tel qu'il saura vite vous détourner d'une possible morosité.
Dernières infos.

Journal d'un vampire en pyjama a été publié en 2017 et compte 251 pages (sans compter la partie "Carnet de bord" sur son voyage en Islande en skateboard). 

Ma note.
Challenges.

Défi lecture 2020 : Consigne 75 - Lire le livre d'un auteur avec lequel on aimerait bien flirter - 51/100

samedi 10 octobre 2020

L'humanité en péril : virons de bord, toute ! - Fred Vargas

En résumé.

Il y a une dizaine d'années, Fred VARGAS avait rédigé un petit texte sur l'avenir de la planète et, par voie de conséquence, sur l'avenir de l'Homme. Sans qu'elle en fasse la publicité, ce petit texte, alarmant et alarmiste, a fait le tour du monde, repris par des voix qui ont fait de notre avenir leur combat, jusqu'à ce qu'il arrive dans les mains des plus hauts dirigeants pour être lu lors de l'ouverture de la COP 24. Devenue consciente du poids de ses mots et de ses arguments, Fred VARGAS, plutôt habituée au genre du polar, a remis le couvert avec cette fois-ci un texte plus long, un texte qui nous parle de déforestation, d'industrie agro-alimentaire, de pollution aux pesticides et d'inaction des gens qui nous gouvernent. De disparition progressive de la faune, de la flore et de métaux essentiels à nos modes de vie, du pouvoir des lobbys et des industriels, de fonte des glaciers et de rareté de l'eau, mais aussi d'espoir, celui qui entre nos mains, sans rien attendre des gens qui nous gouvernent.

Mon avis.

Bien que deux d'entre eux soient dans ma PAL, mon premier bouquin de Fred VARGAS n'aura pas été un policier, genre qui a fait sa renommée. Et pourtant, c'est tout comme... Car il est bien question de crime dans ces quelques pages, de criminels, de coupables et d'enquête. Un livre qui traînait dans la bibliothèque de mes parents et sur lequel je lorgnais depuis quelques mois déjà, tant l'envie de lire à ce sujet m'envahit régulièrement, préoccupée que je suis par l'avenir de cette biodiversité que l'on tue chaque jour un peu plus. Un livre saisissant qui devrait être mis dans les mains de chacun et chacune.

M'intéressant aux questions environnementales, sans pour autant être une activiste, par manque de courage je pense, j'ai déjà eu l'occasion de beaucoup lire, écouter, regarder à ce sujet. J'ai notamment pu chroniquer mes lectures de certains livres de Fabrice NICOLINO, grand défenseur de la nature, ici, sur ce blog. Les données apportées par Fred VERGAS ont donc surtout été une redite de choses que je savais déjà et pourtant, elles ont apporté quelque chose de nouveau, plutôt effrayant. Ce sont les dates à partir desquelles l'humanité risque d'être vraiment en péril. Pénurie d'eau d'ici quatre ou cinq ans, de même pour certains éléments chimiques essentiels à la vie, comme le phosphore. Pénurie de lithium d'ici une dizaine d'années alors que partout dans le monde on vante les voitures électriques dont les batteries sont elles-mêmes composées de lithium. Et j'en passe et des meilleures. Résonnent encore en moi ces chiffres que l'on énonçait déjà dans les années 2000, qui parlaient d'un horizon inquiétant à partir de 2030, 2050, l'augmentation des températures, la fonte des glaciers... Seulement, Fred VARGAS m'a fait prendre conscience que le temps passe et que ces données qui me paraissaient si lointaines sont en fait déjà en train de se concrétiser ou, dans le meilleur des cas, qu'il ne reste plus que quelques années (bien souvent, moins de dix ans) avant qu'elles ne se concrétisent. Comme à chaque fois que je me plonge dans ce type de bouquin, je sens monter en moi une vague de haine (n'ayant pas peur des mots), de hargne, de révolte, de rage à l'égard de l'inertie humaine, voire de sa mauvaise foi, tellement plus facile d'attendre les yeux fermés et de poursuivre son train-train quotidien comme si de rien n'était alors que tout s'étiole, la qualité de notre alimentation, la disparition de la diversité de la faune et de la flore, les migrations de peuples dont on ne parle jamais, les paysages qui sont en train de s'uniformiser en quelque chose de sec et désertique et les événements climatiques anormaux qui sont de plus en plus fréquents. 

Ça, c'était pour le fond, le plus important à mes yeux. Pour ce qui est de la forme, seul regret, les données s'enchaînent, Fred VARGAS passe d'un sujet à l'autre sans coupure. Pas de chapitres, pas de sous-chapitres, juste sa plume et un découpage en paragraphes. Cela donne une impression d'urgence (ce qui va plutôt bien avec le thème), et le lecteur n'a pas le temps de reprendre son souffle qu'elle enchaîne déjà avec d'autres chiffres et d'autres conclusions accablantes. Le ton est vraiment au texte déclaratif, comme s'il avait vocation à être lu devant une assemblée de dirigeants. J'aurais aimé une autre structure, au moins basée sur des chapitres. Cela dit, l'humour de l'auteur vient largement compenser ce léger défaut et donne du rythme et un peu de légèreté à l'ensemble qui reste plutôt pesant de part les vérités qu'il énonce. Fred VARGAS reste quand même optimiste et positive, et tente de donner au lecteur quelques clés pour changer le cours des choses, des petits trucs sur lesquels nous pouvons tous agir en tant que citoyen et consommateur, sans attendre l'aide des dirigeants. Je ne vous cache pas que je ne partage pas son optimisme et je pense d'ailleurs qu'il faut arrêter de l'être. A force de se dire que tout va s'arranger et que l'on est tellement intelligents que l'on trouvera forcément des solutions, on en vient à se cacher la vérité, à repousser les choses qui fâchent et finalement rien ne change. Je n'en doute pas, une fois que les abeilles auront disparus, l'homme trouvera une solution pour polliniser les végétaux, il le fera à la main s'il le faut mais est-ce là une solution acceptable ? D'autre part, ce texte a été écrit avant l'apparition du COVID, j'aimerais connaître l'avis de Fred VARGAS maintenant que la crise est bien installée. L'urgence à agir résonne d'une tout autre manière, mais là aussi, je pense que l'on se voile la face et que l'on n'est toujours pas capable de retenir les bonnes leçons.

En conclusion, un livre puissant, riche, très documenté, écrit avec une certaine urgence et une envie irrépressible de découvrir la vérité et de la faire découvrir aux autres. Un livre que je ne peux que bien noter tant il est d'utilité publique, à mettre entre toutes les mains, à lire sur les plateaux télés ou à la radio, à imprimer et à distribuer partout. Je ne peux donc que vous encourager à le lire !
Dernières infos.

L'humanité en péril : virons de bord, vite ! a été publié en 2019 et compte 248 pages.

Ma note.
Challenges.

100 livres à lire en 2020 : 38/100
Défi lecture 2020 : Consigne 91 - Livre sans histoire d'amour - 38/100

samedi 11 juillet 2020

Magellan - Stefan Zweig

En résumé.

Début du XVIème siècle, l'engouement pour les contrées extérieures à l'Europe est total : soif de découvertes, commerce des épices alors considérées comme des denrées rares qui font la richesse des marchands qui approvisionnent les cours européennes, et nécessité de trouver de nouvelles routes maritimes, avec l'envie sous-jacente de prouver que la Terre est ronde et non plate, comme l'affirment encore les cartes de l'époque. C'est dans ce contexte que Magellan débute sa carrière de marin. Il participe d'abord à plusieurs expéditions portugaises, en tant que simple homme à tout faire. Mais déjà, la mer le passionne. Au fil des découvertes auxquelles il participe, grandit en lui l'ambition d'être à son tour celui qui organise une expédition, avec l'irrépressible désir de prouver que l'on peut rejoindre les îles des épices situées du côté de l'Inde en passant par le continent américain, c'est-à-dire de faire le tour du monde, prouver que la Terre est ronde. Il va se renseigner, éplucher toutes les cartes, et réunir suffisemment de preuves pour penser que cela est possible. La cour portugaise refuse ce projet révolutionnaire et c'est finalement auprès de l'Espagne et de son roi Charles Quint qu'il trouve du soutien. En 1519, cinq navires s'élancent pour une aventure folle, qui ne doit sa réussite qu'à l'homme qui en est à l'origine.

Mon avis.

Stefan ZWEIG est connu pour avoir écrit de nombreuses biographies sur d'illustres personnages, qui ont marqué, à leur manière, leur époque. Pourtant, le premier livre que j'ai lu de lui n'est pas une biographie mais une nouvelle, Lettre d'une inconnue. Magellan est donc ma toute première biographie de l'auteur et j'en suis désormais certaine, ce ne sera pas la dernière.

L'idée d'écrire la vie de Magellan lui vient lors d'une traversée en bateau entre le continent européen et le Brésil. Il pense alors à tous ceux qui l'ont précédé sur ces océans, il pense aux premiers hommes qui ont osé, avec des embarcations plus fébriles et des cartes très approximatives, se lancer, au péril de leurs vies, à la découverte de nouveaux territoires. C'est donc la curiosité et l'envie d'en savoir plus sur le profil de tels explorateurs qui le conduisent à faire des recherches sur ce célèbre navigateur qu'est Magellan. J'ai beaucoup aimé cette démarche et à chaque page, on sent à quel point l'auteur est précis dans les informations qu'il nous délivre. J'ai également apprécié que cette biographie porte sur un autre explorateur que Christophe Colomb, dont on sait déjà beaucoup de choses.

Ce livre fut, à plusieurs égards, un coup de coeur. D'abord, il reste entièrement accessible, même si l'on n'est pas féru d'histoire, ce qui est mon cas. L'écriture est agréable, ZWEIG va dans le détail sans pour autant nous assomer d'informations superflues et il prend le soin de resituer chaque personnage dans un contexte historique plus large. Tout cela fait que nous ne nous ennuyons pas une seule seconde et même si nous connaissons la destinée de Magellan dès le départ, subsiste une forme de suspense qui nous tient en haleine. La rapidité des chapitres donne également du rythme à l'ensemble. Ensuite, j'ai beaucoup apprécié la description de Magellan. Le récit n'est pas une énumération sans fin d'événements, de dates, de personnages. L'auteur prend soin de décrire ses personnages, et en particulier le héros du livre. Le navigateur devient un personnage de roman, avec ses forces et ses faiblesses, et si son entreprise a réussi, c'est aussi grâce à sa personnalité et à sa détermination. On sent d'ailleurs une forme d'admiration et d'attachement de la part de ZWEIG, qui fait de cette biographie un récit incroyablement humain. Enfin, ce qui m'a également beaucoup plu est l'approche sensorielle du livre. Au fil de la lecture, nos cinq sens sont constamment en éveil : dès les premières pages, on est aveuglé par les couleurs chatoyantes des épices, ennivré par leurs odeurs qui nous embarquent en Orient, puis il y a l'expédition, le bruit des marteaux qui construisent les navires, le ressac des vagues, l'odeur iodée, le vent qui fouette notre visage et puis la vue de ces îles encore vierges, ces îles que l'homme n'a pas encore saccagées. D'ailleurs, là est mon seul et unique regret, que l'auteur n'est pas suffisamment évoqué l'impact de ces découvertes sur l'avenir de l'humanité. C'est bien à cette instant précis que s'accélèrent la destruction des populations autochtones, le pillage des terres fertiles et la volonté d'aller toujours plus loin dans l'exploitation des hommes et des ressources naturelles. ZWEIG en dit quelques mots mais pas suffisamment à mon goût, en même temps je dois reconnaître que nous sommes davantage dans le registre de la biographie que du pamphlet.

En définitive, je ne peux que vous conseiller ce livre. Il a la longueur idéale, ni trop long, ni trop court et on apprend tout un tas de choses sans s'en rendre compte tellement le style de l'auteur est agréable et prenant. J'ai déjà hâte de découvrir une nouvelle biographie écrite par notre cher ZWEIG.
Dernières infos.

Magellan a été publié en 1938 et compte 285 pages.

Ma note.
Challenges.

Défi lecture 2020 : Consigne 59 - Lire une biographie ou autobiographie - 25/100

samedi 15 février 2020

Percy Jackson et les dieux grecs - Rick Riordan

En résumé.

Contre un an de pizzas gratuites (qui ne craquerait pas ?!), Percy JACKSON accède à la demande de son éditeur en écrivant ce nouveau livre consacré aux héros grecs. Ainsi, le jeune garçon nous raconte l'histoire, pas toujours heureuse, de douze héros et héroïnes grecs, des stars de la mythologie grecque à ceux qui auraient aimés l'être mais qui ont été arrêtés en plein vol. En voici le sommaire :

1. Persée : le rodéo de la Méduse.
2. Psyché pique un fard aux Enfers.
3. Phaéton se fait recaler au premier char.
4. Otréré, la première Amazone (avec livraison gratuite en 48 heures).
5. Dédale invente tout, n'importe quoi et le reste.
6. Thésée prend le minotaure par les cornes.
7. Atalante et les trois pommes : un combat à mort.
8. Bellérophon plaide non coupable.
9. Cyrène bouffe du lion.
10. Orphée se la joue en solo.
11. Les douze corvées d'Hercule.
12. Jason, ou comment réussir dans la vie grâce à un tapis.

Mon avis.

Cela fait un moment qu'une amie, aux goûts très sûrs, me vante les mérites de Percy Jackson et plus largement, de son auteur, Rick RIORDAN. Au départ rebutée par leurs couvertures enfantines qui en font des caisses (boucliers en bronze, foudre, flammes, monstres en tout genre), j'ai finalement décidée de franchir le pas lorsque je me suis retrouvée face à ce hors-série lors d'une visite à la bibliothèque. Eh bien, au terme de cette lecture qui a duré deux semaines mais qui aurait pu durer deux jours si je ne travaillais pas, je suis conquise !

Si comme moi, vous n'avez jamais fait connaissance avec Percy auparavant, pas de panique, ce hors-série peut tout à fait se lire sans connaître ses aventures ! Evidemment, quelques références sont faites à des tomes passés mais elles sont rares et ne gênent en aucun cas la compréhension des histoires qui sont racontées. Car il faut dire que la vedette de ce livre n'est pas Percy Jackson mais plutôt ces douze héros et héroïnes grecs que l'on connaît tous de nom mais lorsqu'il faut se rappeler de qui ils sont et de ce qu'ils ont fait, c'est de suite plus compliqué ! Ce livre va vous rafraîchir la mémoire ou même vous apprendre de nouvelles choses quand vous serez faces à des personnalités inconnues du gotha grec. Les chapitres sont denses, car il s'en passe des choses dans la mythologie grecque, les personnages qui gravitent autour de nos héros sont très nombreux et n'ont pas toujours des noms très prononçables et les lieux évoqués nous paraissent obscurs, ce qui fait que l'on oublie à mesure que l'on avance dans la vie des différents protagonistes les premiers chapitres, mais ce n'est pas bien grave, il faut prendre ce livre comme une succession d'histoires à la manière d'un livre de conte pour les enfants. Du fait de leur complexité, on ne s'ennuie pas une seule seconde lors de la lecture de ces douze mythes, je les ai dévorés comme un bon vieux roman policier, bien que parfois un peu écoeurée par leurs coutumes sanguinaires. En plus d'apprendre quantité de choses, l'autre atout indéniable de ce livre est l'humour.

Vous pouvez déjà le percevoir à la lecture du sommaire, Percy Jackson et les héros grecs est un condensé de blagues toujours bien placées et qui rendent la lecture encore plus agréable. Et je dois dire que ça détend aussi l'atmosphère parfois ! Anachronismes, gimmik au sujet de la Pythie de Delphes, moqueries, autant de procédés utilisés par l'auteur pour rendre ces douze histoires un peu plus actuelles et nous tenir en haleine. Malgré les 555 pages, je ne me suis pas lassée une seule seconde, toujours enthousiaste à l'idée d'ouvrir ce livre et de rire un bon coup tout en me cultivant. La prochaine étape maintenant est de me lancer dans la lecture de la première saga écrite par l'auteur, en espérant que ces deux éléments, humour et culture grecque, seront toujous présents.

Un coup de coeur qu'il faut lire absolument ! Ne faîtes pas comme moi, ne vous arrêtez pas à la couverture trop tape à l'oeil et la réputation jeunesse de Percy Jackson, foncez, courrez et lisez !
Dernières infos.

Percy Jackson et les héros grecs a été publié en 2015 et compte 555 pages. A noter qu'un autre livre du même genre et du même auteur est disponible : Percy Jackson et les dieux grecs. J'ai hâte de le lire ! Si vous souhaitez en savoir plus sur les héros évoqués dans ces quelques pages, une série intitulée Les grands mythes a été récemment diffusée sur Arte. Elle reprend l'histoire de la plupart des héros précsentés ici. Pour ma part, ces épisodes m'ont permis de mettre des images sur les histoires racontées et de mieux les retenir.

Ma note.
Challenges.

Défi lecture 2020 : Consigne 20 - Livre dont la couverture comporte des ailes.

samedi 26 octobre 2019

Ce qui compte vraiment - Fabrice Nicolino

En résumé.

Fabrice NICOLINO, journaliste reporter, qui s'est spécialisé au fil de sa carrière dans la défense de l'environnement, signe un nouvel essai dans lequel il aborde des questions majeures, qui nous regardent tous et auxquelles il est urgent de répondre. Chaque chapitre est consacré à une grande cause, comme par exemple la place de l'agriculture et de ceux qui la pratiquent dans nos quotidiens, la menace qui pèse sur les mers et les océans, la disparition de quantité d'animaux et le rôle primordial de notre environnement naturel dans la survie de l'espèce humaine. Cependant, ce livre n'est pas une simple énumération de tout ce qui ne va pas, l'auteur propose des solutions à chaque problème mis en évidence.

Mon avis.

Si vous avez déjà pris quelques minutes pour vous balader sur ce blog, vous aurez très certainement noté que je suis une véritable groupie de Fabrice NICOLINO. Je l'ai découvert avec son livre "Un empoisonnement universel - comment les produits chimiques ont envahi la planète" puis j'ai eu l'occasion de lire deux autres de ses bouquins (un sur les pesticides, l'autre sur les biocarburants). Celui-ci est donc mon quatrième livre de sa bibliographie assez conséquente, livre offert par mon amoureux, parfois jaloux de toute l'admiration que je porte à ce grand reporter.

Il y a principalement deux raisons qui expliquent cette admiration :
  1. Fabrice NICOLINO écrit très bien, c'est fluide, on comprend tout alors que les faits sont parfois complexes, on ne s'ennuie pas, c'est bref, c'est concis et c'est percutant. Bref, ça se lit comme un vrai polar, sauf qu'ici on est dans la réalité, pour notre plus grand malheur.
  2. Ses bouquins sont toujours très bien documentés. Non seulement il fait appel à de nombreuses études scientifiques pour justifier ses dires, mais il n'hésite pas non plus à étayer ses propos avec des références à des éléments de la culture populaire. Je suis toujours ébahie devant cette somme de connaissances qu'il nous livre, sans prétention.
Ce qui compte vraiment réunit lui aussi tout ce que j'aime chez cet auteur. Je l'ai dévoré, comme tous les autres, parcouru en quelques heures le soir, dans mon lit, alors que mes journées ne me laissent plus d'énergie cognitive pour me prendre le rond sur comment tourne notre monde. Et pourtant, pas de prise de tête pour moi, au contraire, du réconfort de lire une personne qui pense, qui réfléchit, qui se documente, qui est sincère et qui dit des choses vraies, simples et justes. Du réconfort de me dire que je ne suis pas la seule à ruminer tout ça. Du réconfort de trouver quelqu'un qui est d'accord avec mes idées, sauf que lui est capable de les exprimer de façon percutante. Bref, du réconfort avant de m'endormir, avant de me réveiller pour aller casser ma croûte pour consommer, pour continuer à polluer ce vaste monde et mettre en péril l'espèce humaine.

Oui, du réconfort, et pourtant Fabrice NICOLINO n'amène pas grand chose de neuf dans ce livre, si on en a déjà lu quelques uns de lui auparavant. Les pesticides, comment ils sont partout, combien ils sont dangereux et à quel point il est compliqué de les éradiquer. Les océans, le plastique qui s'infiltre partout, les poissons qui en meurent, et nous avec. Les animaux qui disparaissent, les insectes qui ne sont plus, les abeilles que l'on commence déjà à remplacer par la main de l'homme tellement il n'y en a plus, et le pire, c'est que ça ne choque quasiment personne. Mère Nature, que l'on doit respecter, qui est à l'origine de tout, sans qui rien ne serait possible, cet équilibre miraculeux des éléments qui permet la vie, ça, j'en étais déjà convaincu. Alors la nouveauté de ces quelques pages ne résiderait-elle pas dans les solutions que l'auteur propose ? Oui et non. Les solutions qu'il amène sont bien évidemment fondamentales. Une charte universelle pour garantir l'importance d'une agriculture saine et du rôle des paysans ? Bien sûr, je signe de suite ! Une charte universelle pour le respect de tous les éléments naturels (eau, forêt, montagne, cailloux, bec de flamant rose, trompe d'éléphant, pois de coccinelle) ? Bien sûr, je signe tout de suite ! Mais je pense que ces solutions, même si elles sont à la racine de tout le reste, ne vont pas parler aux gens, à ces gens qui ont besoin de concret, à qui il faut parler de chiffres, d'efficacité, de tableaux Excel et de prix des efforts. Les solutions qu'il aborde sont d'ordre philosophique, primordiales mais à combien de gens pourront-elles parler ?

Un livre qui rappelle des choses essentielles, que l'on sait parfois déjà, mais qu'il est bon de réentendre, rien que pour se rassurer et ne pas se sentir seul dans sa folie de penser que l'avion ne doit pas continuer à prospérer, que la croissance n'est pas la clé de nos problématiques actuelles, ni nos modes de consommation d'ailleurs, que les mangues et les noix de coco ne doivent pas être disponibles toujours et partout et que 58 T-shirts dans sa garde-robe ne servent à rien, sinon à détruire des vies à l'autre bout de la planète. Pas de grande révélation mais la certitude que les choses doivent changer.
Dernières infos.

Ce qui compte vraiment a été publié en 2017 aux éditions Les liens qui libèrent. Il compte 216 pages. Si ce sujet vous intéresse, si l'auteur vous intéresse, si votre santé vous intéresse, si l'avenir de la vie humaine vous intéresse et si la diversité animale et végétale vous intéresse, Fabrice NICOLINO est l'un des fondateurs du mouvement "Nous voulons des coquelicots" dont l'objectif est l'interdiction de tous les pesticides de synthèse. C'est simple, il suffit de signer l'appel à cette adresse : https://nousvoulonsdescoquelicots.org/l-appel/ Il y a plein d'autres informations sur le site et il est notamment possible de se rassembler partout en France pour évoquer cette problématique avec d'autres personnes engagées dans cette lutte de la plus haute importance. Personnellement, je n'ai pas encore participé aux rassemblements mais j'ai signé ! A votre tour ! Et si vous n'êtes pas encore convaincus ou si vous voulez d'autres infos, un petit lien vers un podcast d'une émission consacrée à ce sujet et diffusée sur France Inter : https://www.franceinter.fr/emissions/le-nouveau-rendez-vous/le-nouveau-rendez-vous-08-janvier-2019

Ma note.

samedi 20 juillet 2019

La cité de la joie - Dominique Lapierre

En résumé.

Inde, dans les années 80. Le paysan Hasari Pal, sa femme et ses trois enfants sont contraints de quitter leur campagne du Bengale occidental (Etat au nord-est de l'Inde) suite à la sécheresse qui les prive d'une denrée rare, le riz. Comme des milliers de paysans affamés, de plus en plus dépendants d'un climat capricieux, la famille rejoint l'immense métropole de Calcutta dont on dit qu'elle est l'Eldorado pour gagner quelques roupies qui feront vivre ceux restés au village. Seulement, c'est bien connu, la réalité est souvent très éloigné de la légende. Il faut d'abord trouver un logement, un bout de trottoir dans ce dédales de rues squattées par des hommes et des femmes décharnés, en quête de la moindre roupie qui prolongera de quelques heures leur survie. Puis il faudra trouver un travail au milieu de tous ces hommes qui sont venus chercher la même chose dans cette ville gargantuesque. 

Dans le même temps, Paul Lambert, un missionnaire originaire du Nord de la France arrive à quelques encablures du domicile de fortune des Pal, dans la Cité de la joie, lieu au titre évocateur mais qui n'est rien d'autre qu'un slum, un bidonville où la misère atteint son paroxysme. Le prêtre, venu à la rencontre des habitants de ce champ de ruine, va progressivement devenir un acteur clé de la vie du slum.

Mon avis.

Après Joseph KESSEL et son Kenya enchanteur, je poursuis ce tour du monde littéraire improvisé avec la découverte des faubourgs de Calcutta. J'ai découvert ce livre dans une petite pépite qui vient tout juste de sortir, Bibliothérapie, une compilation littéraire de 500 titres classés dans différentes catégories et dont l'objectif est de nous faire du bien, à travers la lecture. A la fin de l'ouvrage, figurent quelques entretiens avec des célébrités qui proposent des références qui les ont marquées. Parmi ces grands noms, Hélène Darroze, chef cuisinier très médiatisée présente, pour la catégorie "voyage" La cité de la joie comme un livre magistral qui l'a secouée et qui a participé de sa passion pour ce pays aux mille couleurs, l'Inde. Je ne sais pas pourquoi, peut-être la façon dont elle en parle, le thème, les commentaires très enthousiastes, m'ont donné très envie de découvrir ce livre qui fut un best-seller à sa sortie, en 1985.

Cette histoire fait partie de cette catégorie de livres s'inspirant de faits aussi réels que dramatiques qu'il est compliqué de chroniquer. Comment critiquer un livre aussi vrai, qui nous parle de tous ces gens qui survivent dans la misère la plus noire, sans rien demander à ceux qui possèdent tout ? Comment critiquer un auteur qui a enquêté pendant deux ans, qui a vécu dans la Cité de la joie, qui a partagé le quotidien de ses habitants pour nous offrir une tranche d'humanité d'une rare authenticité ? Je vais donc principalement évoquer ici mon ressenti à la lecture de ce livre.

Comme beaucoup de lecteurs, je pense que ce livre est une pépite, peu connue, mais qu'il faudrait mettre dans les mains du plus grand nombre. De ce que j'ai pu lire à droite à gauche, une grande partie du lectorat semble avoir été séduit par l'aspect que l'on pourrait qualifier de religieux du livre, avec la mise en avant du partage, de l'espoir, de la générosité, de la foi qui ne quittent pas les habitants du bidonville, malgré leurs conditions de vie plus que précaires. Bien que cet aspect soit effectivement développé, j'ai davantage été frappée par les paradoxes que l'auteur met en avant. D'un côté, cette foi inébranlable et cette vénération de mille et un dieux, dont j'ai oublié les noms tellement ils sont nombreux, et d'un autre côté, cette accumulation de coups du sort, de misère qui heurtent sans arrêt et de plein fouet les habitants. D'un côté, l'entraide qui existe entre toutes ces personnes et d'un autre côté, ces réseaux d'escrocs qui n'ont aucun scrupule à exploiter les plus faibles en leur volant ce qu'ils ont de plus précieux, leur vie. 

De multiples émotions ont accompagné ma lecture de la Cité de la joie. Il y a eu l'espoir, vain, que tout cela s'arrange un jour, la tristesse lorsque les malheurs se succèdent et touchent des personnages auxquels on s'attache nécessairement, le dégoût lors de certains passages qui donnent juste envie de vomir (âmes sensibles s'abstenir), la haine contre la vie et l'Homme qui laisse faire ça, la rage contre nos comportements occidentaux qui ont des répercussions à l'autre bout de la planète et l'admiration devant un tel travail d'écrivain. En s'intéressant à la vie de personnes qui n'intéressent personne, Dominique LAPIERRE leur rend un vibrant hommage. Malgré leurs maladies, le sentiment de pitié qu'ils inspirent, leurs visages sales et leurs corps maigres, j'ai trouvé beaux et grands tous les hommes et femmes que j'ai croisés dans ces pages. Je me suis même dit que je n'étais rien à côté, moi qui vis dans mon confort et qui mange à ma faim.

Vous l'aurez compris, si vous avez le cœur et les émotions bien accrochés, je ne peux que vous conseiller cette lecture dont vous ne sortirez pas indemne.
Dernières infos.

La cité de la joie compte 623 pages (pour la version poche) et a été publié en 1985. Un film a été réalisé à partir de ce livre, en 1992. Le médecin américain qui fait son apparition en moitié de livre est incarné par Patrick Swayze (petit point gossip).

Ma note.

dimanche 26 août 2018

Orgueil et Préjugés - Jane Austen

En résumé.

La famille Bennet ne sait plus où donner de la tête... Leurs cinq filles sont désormais en âge de se marier. Leur trouver un homme riche et occupant une position honorable dans la hiérarchie sociale est devenu une urgence si elles veulent être à l'abri du besoin. Car non, en raison d'une vieille loi anglaise, elles ne pourront pas hériter de la maison familiale, qui repartira dans les mains d'un cousin un peu barbant, Mr Collins, à la mort de leur père. Comme les choses se goupillent plutôt bien, de nouveaux locataires viennent occuper une riche demeure non loin de là. Et comme une bonne nouvelle en entraîne une autre, les nouveaux locataires sont deux mâles célibataires, le gentil Mr Bingley, accompagné de son ami bien orgueilleux mais à la tête d'une fortune, Mr Darcy. C'est décidé, Jane, l'aînée ira à Mr Bingley et Elizabeth à Mr Collins, afin de mettre fin à la malédiction qui pèse sur la famille. Mais qu'en sera-t-il des sentiments des principales intéressées dans cette histoire, Jane et Elizabeth Bennet ?

Mon avis.

Mon premier livre de Jane Austen et donc ma première lecture d'Orgueil et Préjugés. Oui, je sais c'est une honte. Il faut dire que j'avais la pression, un classique de la littérature anglaise, adapté un nombre incalculable de fois au cinéma, des commentaires élogieux à la pelle, une note qui frise le record sur Livraddict, j'avais peur de ne pas aimer et de passer à côté de quelque chose. Autant vous dire de suite que mes craintes se sont évanouies dès les premières pages et que ce livre fut un véritable coup de cœur !

On rentre dans cette histoire comme dans un bon bain chaud, rempli de mousse et qui sent le citron (oui parce que le ton est légèrement acidulé quand même). Une de mes craintes était le style de Jane Austen dont je pensais qu'il serait trop riche ou trop ampoulé pour permettre une lecture fluide. Finalement, ce fut le cas, je me suis un peu brûlé les orteils en entrant dans le bain, surtout lors des joutes verbales entre Elizabeth et Darcy (cela dépend peut-être de la traduction) que j'ai eu du mal à comprendre en totalité mais on s'y fait rapidement, on se laisse envelopper par la chaleur des lieux et le piquant des personnages. Le décor est bien planté sans pour autant avoir quinze pages de descriptions. D'ailleurs, seul le domaine de Pemberley est mis à l'honneur. Plus que les paysages et le faciès des personnages, ce qui intéresse en premier lieu Jane Austen est leur caractère. Il n'y a qu'à voir le titre, orgueil et préjugés, tout un programme... La société bourgeoise, la "gentry" anglaise du XIXème siècle qui accueille l'intrigue, est passée au vitriol même si l'auteur y va avec beaucoup de subtilité, sa meilleure arme étant l'ironie. J'ai beaucoup aimé Mr Bennet, qui, agacé par la niaiserie de sa femme, garde sa colère pour lui mais lui fait quelques remarques bien placées et bien grinçantes. Elizabeth incarne les opinions que souhaite défendre Jane Austen. Elle est un peu le mouton noir dans tout ce fatras de bienpensance, l'esprit libre, très certainement la plus intelligente. Elle refuse cette loi tacite selon laquelle le mariage est avant tout une affaire d'argent. Pour elle, il n'y a que l'amour qui puisse unir deux êtres. Malgré ses traits d'esprit, elle n'est pas épargnée par la plume de Jane Austen qui montre combien l'orgueil et les préjugés peuvent conduire au malheur. Ainsi, tout le monde en prend pour son grade, même si Darcy et Elizabeth sont érigés au sommet du tas de fumier, ce qui fait que l'intrigue a du mordant et évite de tomber dans la niaiserie d'une comédie romantique.

J'ai également beaucoup apprécié le rythme de l'histoire. Si l'amour naissant entre Elizabeth et Darcy sert de fil conducteur, plusieurs développements secondaires viennent apporter de l'action, voire du suspense. Combien de fois j'ai eu des difficultés à poser mon livre ! Je l'ai carrément dévoré, souhaitant par dessus tout savoir ce qui allait se passer pour tel ou tel personnage. Je dois avouer qu'un petit récapitulatif des relations entre les différents protagonistes trouvé sur le page Wikipedia du livre m'a été de grand secours quand je ne savais plus qui était lié à qui. Sans ça, on n'a aucun mal à suivre l'intrigue. Tout est tellement bien ficelé, bien pensé pour que les uns et les autres se croisent de façon complètement naturelle. J'avais l'impression d'habiter moi aussi cette partie de l'Angleterre et de suivre les aventures de mes voisins depuis la fenêtre. Elizabeth fut bien évidemment ma voisine préférée. Certes, elle a son petit caractère mais elle pointe tellement bien le manque d'intelligence des autres et de certaines traditions. J'ai aimé sa liberté d'être et d'agir. Le passage où elle refuse la première demande en mariage de Darcy est absolument magistral. Malgré les manières de l'époque, j'ai eu le sentiment de lire une œuvre moderne, pas si éloignée de notre époque. Quelques petites modifications et nous pourrions facilement adapter cette histoire à notre monde contemporain. Rien de surprenant, puisque c'est un livre qui parle de l'Homme et de ses travers, thème intemporel qui a déjà fait couler beaucoup d'entre et qui continuera d'en faire couler...

Avant de vous quitter, je tenais à vous dire quelques mots sur Tibert Editions, l'édition qui a publié cette version d'Orgueil et Préjugés illustrée par Margaux Motin. Il s'agit d'une toute jeune maison d'édition qui a pour objectif d'allier littérature et art pictural. Ainsi, ils publient des grands noms de la littérature sublimés par le talent d'un artiste. Pour le moment, sont disponibles Les hirondelles de Kaboul de Yasmina Kadra et Mrs Dalloway de Virginia Woolf. Pour ma part, j'ai vraiment apprécié mon expérience de lecture avec Orgueil et Préjugés. Le livre est d'une qualité excellente, les illustrations apportent un vrai plus humoristique et artistique et il décore à merveille ma bibliothèque. Je vous laisse aller faire un tour sur leur compte Ulule et sur leur site.

D'un coup d’œil, les plus, les moins.

+ Un regard cynique sur la société bourgeoise dans l’Angleterre du XIXème.
+ Des personnages aux caractères bien marqués, mention spéciale pour Elizabeth.
+ Une intrigue bien ficelée, faite d'une mosaïque d'histoires qui donnent du rythme.
+ Le plume intelligente de Jane Austen qui parvient à montrer avec finesse et subtilité le poids de l'orgueil et des préjugés chez l'Homme.
+ Le charme qui se dégage des lieux.

- Quelques passages un peu difficiles à comprendre (mais ils restent rares)

Dernières infos.

Orgueil et préjugés a été publié en 1813 (pour la version originale) et compte 353 pages. Si vous souhaitez en savoir plus sur ce livre, je vous conseille cet épisode de l'Alchimie d'un roman et cet épisode de La grande table sur France Culture. Si vous n'êtes toujours pas rassasiés, sachez que La compagnie des auteurs (toujours sur France Culture) a consacré quelques épisodes à Jane Austen.

Ma note.
Challenge.

Cette lecture me permet d'avancer dans ces challenges:

mercredi 30 mai 2018

Le plus petit baiser jamais recensé - Mathias Malzieu

En résumé.

Un inventeur dépressif, déçu par l'amour, rencontre lors d'une soirée au théâtre une jeune fille qui disparaît quand on l'embrasse. Alors qu'ils échangent le plus petit baiser jamais recensé, elle se volatilise, laissant notre jeune homme complètement désemparé. Heureusement qu'il peut compter sur sa pharmacienne dont le père est un détective à la retraite et qui possède un perroquet aux pouvoirs extraordinaires, dont celui de faire fonction de dictaphone. Ensemble, ils vont se lancer à la poursuite de cette mystérieuse jeune fille, aussi insaisissable que l'amour. Notre inventeur découvre alors une amoureuse aussi fragile que lui, qui préfère devenir invisible plutôt que de se laisser aller aux affres de la passion. Ces deux écorchés des sentiments sauront-ils aller au-delà de leurs craintes pour vivre leur histoire ?

Mon avis.

Je ne m'en cache pas, j'idolâtre Mathias Malzieu - c'est tout juste si je n'ai pas érigé un autel à sa gloire dans un coin de ma chambre. Je savoure tellement ses romans que je les découvre au compte-goutte pour m'éviter une tristesse trop rapide, quand le stock sera épuisé. J'en suis donc à deux pour le moment : La mécanique du cœur et Le plus petit baiser jamais recensé qui vient de faire l'objet d'une relecture puisque je l'ai eu pour la premier fois dans les mains il y a deux ans. Je suis ravie de m'être replongée dans cette charmante histoire, j'ai l'impression de l'avoir encore plus aimée que la première fois. Encore une fois, Mathias Malzieu frappe fort, mon cœur se transforme en guimauve, j'ai des papillons qui dansent la salsa dans les yeux et je transpire des étoiles arc-en-ciel... Hummfff... (soupir d'extase)

Ce que j'aime le plus chez l'auteur, ce sont ces mots. Il a le don de rendre la moindre phrase, la moindre petite virgule, la moindre apostrophe d'une poésie à arracher des larmes aux crocodiles les plus féroces d'Afrique (du moins ceux qui restent). Je me délecte donc de chaque caractère imprimé sur le papier, à la fois pressée de tourner les pages et frustrée parce que j'arrive bientôt à la fin. J'ai l'impression d'écouter un chant d'une rare délicatesse, comme s'il prenait quelque chose d'éminemment philosophique (l'amour) et le rendait accessible, tout en gardant la sensibilité propre à l'Idéal et au Beau. Il fait des parallèles et des ponts là où je n'en aurais jamais fait, il dit les choses avec finesse et intelligence et on a juste envie de rejoindre son monde, à la fois fantasque et très réaliste tant les descriptions de ses personnages sont justes. Enfin un auteur qui sait trouver les mots pour écrire sur les gens timides et réservés, sensibles et rêveurs, doux et invisibles.

En ce qui concerne l'histoire, elle est bien ficelée et on s'attache très vite aux personnages, jouant le rôle de Tata Paulette et Tata Lucile qui regardent d'un coup d’œil amusé mais avec beaucoup de bienveillance les aventures amoureuses de leurs rejetons. Certes, c'est une histoire d'amour, avec beaucoup de miel enrobé de sucre mais je trouve que l'auteur y apporte beaucoup d'originalité, de la profondeur et de la complexité. Même si l'inventeur dépressif est très emballé par cette jeune fille en début de livre, il est gagné par ses interrogations au fil des pages, surtout lorsque son ex-bombe d'amour fait son grand retour. Même à la fin, lorsqu'il prend sa décision, on sent bien qu'il n'est pas entièrement convaincu. Ces hésitations successives le rendent humain, appuient sur sa sensibilité excessive qui fait de lui un personnage atypique. En allant faire un tour du côté du blog de Petite Plume, qui a également publié une chronique sur ce livre, j'ai découvert que ce dernier serait en quelque sorte une suite déguisée de La mécanique du cœur. Pendant ma lecture, cela ne m'a pas sauté aux yeux mais maintenant que j'y pense, c'est vrai que les parallèles sont nombreux et imaginer Miss Acacia dans le rôle de l'ex bombe d'amour donne une autre dimension à l'histoire, que j'aimerais moins mais pourquoi pas, après tout. Dans tous les cas, on peut tout à fait lire ce livre sans avoir lu les précédents de l'auteur !

En résumé et vous l'aurez déjà compris : un coup de cœur !

D'un coup d’œil, les plus, les moins.

+ Que de poésie !
+ Que de délicatesse à fleur de peau ! 
+ Que d'imagination gourmande !
+ Une histoire d'amour rythmée, originale et qui laisse poindre toute la complexité de l'être humain visible comme invisible.

- Je n'en trouve pas...

Dernières infos.

Le plus petit baiser jamais recensé a été publié en 2013 et compte 154 pages.

Ma note.

dimanche 28 janvier 2018

La faim, la bagnole et nous - Fabrice Nicolino

En résumé.

Il y a quelques années, les biocarburants - ces carburants issus du végétal (maïs, soja, canne à sucre et autres plantes destinées initialement à l'alimentation) - sont apparus comme la solution idéale pour palier la pénurie imminente de pétrole. Ils seraient moins chers, auraient un impact nul sur l'environnement et nous délivreraient enfin de notre dépendance aux pays producteurs de pétrole, en l'occurence les pays du Moyen-Orient. En voici la vitrine. Pour savoir ce qui se passe dans l'arrière boutique, il faut faire confiance à Fabrice Nicolino, journaliste d'investigation et spécialiste des questions environnementales, pour faire la lumière sur ce que signifie vraiment l'utilisation de biocarburants. Ils seraient en fait l'occasion pour les industries agrochimiques de conquérir de nouveaux marchés pour refourguer pesticides et autres engrais, de déboiser des zones autrefois réservoirs de biodiversité, et d'affamer les pays les plus pauvres par l'élévation du coût des végétaux nécessaires à la confection de biocarburants. L'auteur s'attaque à tous ceux - lobby, membres du gouvernement, sénateurs, députés, écologistes, industriels, scientifiques - qui ont contribué à rendre possible ces carburants présentés comme révolutionnaires et aux mécanismes dont ils ont usés pour en arriver là.

Mon avis.

Si vous avez déjà lu les chroniques que j'ai écrites il y a quelques temps sur d'autres essais de Fabrice Nicolino, vous saurez que je suis absolument en admiration devant ses travaux. Vous saurez également que toutes les questions relatives à l'environnement m'intéressent. Dans ma vie quotidienne, j'essaie de faire le maximum pour réduire mon impact sur la vénérable mère Nature mais je suis souvent limitée dans mes actes car il ne faut pas oublier que nous faisons partie d'un système et qu'agir en électron libre, s'affranchissant des règles et codes sociaux est compliqué. Alors en attendant, je lis, me renseigne sur tous ces sujets qui me préoccupent et les écrits de Fabrice Nicolino sont une source d'informations significative.

Si j'avais déjà des connaissances sur les pesticides avant de lire un des ses livres dont c'était le thème, je suis entrée dans celui-ci en novice. Jusqu'à la lecture de ce livre, je n'avais que vaguement entendu parler des biocarburants comme solution à tous nos maux mais je n'avais jamais pris le temps de réfléchir à la question. J'ai comme l'impression que ce sujet était incontournable il y a une dizaine d'années (date à laquelle a été publié ce livre) alors qu'il est aujourd'hui absent de tout débat public. Est-ce que la sauce n'a pas pris ? Ou est-ce que ces biocarburants sont venus, à notre insu,  s'additionner au pétrole contenu dans les pompes à essence desquelles nous prélevons ce qui nous fait avancer tous les jours ? En cette fin 2017, je ne sais pas où nous en sommes. J'ai donc parfois eu l'impression d'être déconnectée de la réalité et je me suis sentie un peu perdue car je n'avais pas d'échanges actuels en tête auxquels me raccrocher. Je pense que j'aurais davantage savouré son argumentaire il y a quelques années, en plein débat public. Néanmoins, cette lecture n'est pas perdue puisque l'auteur consacre plusieurs chapitres à la genèse de certains faits qui continuent de nous concerner : la mécanisation rapide de l'agriculture au sortir de la guerre génératrice de surplus et gourmande en produits phytosanitaires, le développement des véhicules et leur place dans notre façon de concevoir la société, l'apparition de nouveaux termes définissant les relations entre les différents pays du monde ("développés" et "sous-développés") mais aussi et toujours un point sur les bouleversements climatiques et l'éradication des fragiles écosystèmes. Outre le fait qu'il soit intéressant pour notre culture, ce détour par l'histoire replace dans son contexte le thème des biocarburants.

Car Fabrice Nicolino ne se contente pas de tirer à boulets rouges sur ses adversaires, il prend le temps d'analyser leurs arguments et de les démonter petit à petit, de façon extrêmement précise, cohérente et documentée. Je suis toujours impressionnée par la qualité de ses écrits qui sont à la fois concis et percutants tant ce qu'il avance est intelligent et pertinent. Il a toujours ce souci de vérifier le moindre élément apporté et prend le soin de citer ses sources de façon très rigoureuse. Chacune de ses productions incarne ce qui devrait être à mon sens le travail d'un journaliste : aller plus loin que le grain que l'on nous donne à moudre en allant à la pêche aux informations et en confrontant les points de vue. Par ailleurs, le ton est ironique, moqueur, ce qui rajoute du sel à son argumentation. En le lisant, j'ai parfois eu l'impression d'entendre la voix off du journaliste de Cash Investigation qui tourne en ridicule les personnes mises au banc d'accusation. On se croirait dans une enquête policière, à tel point qu'on ne peut plus lâcher le livre une fois qu'on l'a commencé et une fois terminé, on a juste envie de partir à la recherche d'un buisson derrière lequel se cacher pour vomir.

Que ce soit pour ce livre ou pour un autre, je ne peux que vous encourager à vous précipiter dans n'importe quelle bonne librairie pour vous procurer du Fabrice Nicolino. Il apporte un éclairage alternatif et surtout très documenté à la soupe qu'on nous sert quotidiennement. Or, il est urgent de se documenter sur ces sujets-là.

D'un coup d’œil, les plus, les moins.

+ La richesse des informations apportées par l'auteur qui aborde non seulement le thème des biocarburants mais également toutes les autres problématiques qui lui sont liées (la place de la voiture, l'agriculture moderne, etc).
+ La qualité de l'argumentation qui se veut précise, documentée et pertinente.
+ Le ton ironique sur lequel a été rédigé l'essai qui nous donne l'impression de voir se dérouler devant nos yeux un reportage télévisé.

- L'inconvénient de lire un livre publié il y a une dizaine d'années: où en est-on aujourd'hui ?

Dernières infos.

La faim, la bagnole et nous a été publié en 2007 et compte 175 pages. Fabrice Nicolino est également l'auteur de deux livres publiés tout récemment: Ce qui compte vraiment et Lettre à une petiote sur l'abominable histoire de la bouffe industrielle.

Ma note.
Challenges.

Ce livre me permet d'avancer dans ce challenge :