jeudi 25 août 2022

Gravé dans le sable - Michel Bussi

En résumé.
 
Dans le bateau qui les mène vers les plages normandes, cent quarante quatre soldats américains s'apprêtent à combattre l'ennemi allemand. Nous sommes le 6 Juin 1944, tous sont terrorisés à l'idée de mourir au pied de ces falaises interminables, d'autant plus que c'est le hasard qui déterminera leur probabilité à s'exposer aux tirs allemands. Plus le numéro pioché sera petit, plus les chances de mourir seront grandes. A l'inverse, plus le numéro pioché sera grand, plus les soldats resteront à l'arrière du front et moins ils auront de chance de mourir. Oscar Arlington, fils d'une sénatrice américaine, embarqué dans cette histoire pour faire plaisir à sa mère, est transi de peur, une peur qui va croissante lorsqu'il pioche le numéro quatre. L'homme n'a pas de chance mais il a de l'argent, alors il va proposer un marché à Lucky, un des soldats les plus appréciés sur le bateau : échanger son numéro contre une très grosse somme d'argent. Lucky accepte, il mourra sur les plages normandes, mais sa fiancée Alice Queen sera à l'abri pour le restant de ses jours.

Puis les jours, les mois, les années passent, les soldats se perdent de vue, entre ceux qui sont morts et ceux qui ont voulu oublier les atrocités. Vingt ans plus tard, lors d'un hommage rendu aux héros du débarquement, Alice apprend le marché conclu par Lucky. N'ayant pas touché un seul centime de la somme promise, mais surtout pour honorer son fiancé et lui rendre justice, elle décide de retrouver Arlington, prête à déterrer les fantômes du passé.

Mon avis.

C'est désormais le rituel de l'été, lire un BUSSI. J'en avais deux dans ma bibliothèque, celui-ci et Nymphéas Noirs. A quelques jours d'une semaine de vacances en Normandie, mon choix s'est porté sur Gravé dans le sable pour me mettre un peu dans l'ambiance, même si je n'aurai pas l'occasion de fouler les plages du débarquement lors de mon séjour normand. Quoiqu'il en soit, les vastes plaines, qu'elles soient côtières ou plus retirées dans les terres restent un dénominateur commun à la région.

Cela n'échappera à personne, l'auteur l'annonce dès les toutes premières pages, Gravé dans le sable est le premier roman qu'il a écrit, à une époque où Internet n'existait pas, et ne permettait donc pas aux auteurs de vérifier les faits historiques, ou de se projeter dans des lieux éloignés pour les retranscrire le plus fidèlement possible. Michel BUSSI voit aussi dans ce premier roman beaucoup d'imperfections qu'il a tentées de rectifier au fur et à mesure des ré-éditions, pour finalement aboutir à cette dernière version dont il n'est d'ailleurs toujours pas satisfait. Certains lecteurs, habitués au style de l'auteur, ont pu en effet constater des différences avec ses romans ultérieurs. Pour ma part, je n'y ai vu que du feu. J'ai trouvé l'ensemble plutôt satisfaisant pour un premier roman. A ceci prêt qu'on nous annonce un thriller, ce qui me semble quand un peu exagéré, voire mensonger. Certes, quelques disparitions et quelques meurtres viennent émailler le récit mais l'ambiance du roman ne correspond pas du tout à celle du thriller. C'est plutôt un bouquin de style contemporain, prenant appui sur un fond historique. Le suspense est apporté par la démarche d'Alice de retrouver Arlington et de lever le voile sur ce contrat établi avec Lucky. Le roman est donc construit sur une enquête, mais une belle place est laissée aux différents personnages, à leurs sentiments, ainsi qu'au dépaysement. Des plages normandes aux paysages américains, l'auteur n'hésite pas à nous faire faire des allers-retours entre la France et les États-Unis. J'ai trouvé le point de départ de l'intrigue, ce marché, plutôt original et j'ai apprécié suivre Alice sur la piste des personnes que Lucky a pu croiser dans son passé. Les personnages secondaires sont assez nombreux, autant du côté français que du côté américain, et le début peut paraître un peu flou car l'auteur nous ballade entre les diverses époques, mais le tout s'agence finalement bien et je ne me suis pas du tout sentie perdue à la lecture du roman.

J'ai donc avalé les pages sans m'en rendre compte, complètement immergée dans les paysages, et dans cette période historique si particulière. Le seul reproche que je ferais à ce roman, outre le fait que quelques pans de l'intrigue sont cousus de fil blanc, est le travail sur les personnages. Le personnage d'Alice est tellement parfait qu'il en devient agaçant : une jeune fille à la beauté renversante, tant aimée de Lucky et appréciée de tous, car douce, restant fidèle peu importe les circonstances. Cela a quelques chose de caricatural. De même que sa volonté (et celle de Lison) de rester célibataires pour respecter à jamais la mémoire de leurs hommes disparus. Cela a un petit côté "too much" et apporte à l'ensemble un excès de sentimentalisme qui n'a pas lieu d'être. J'ai aussi été très agacée par le personnage de Nick, le détective embauché par Alice pour retrouver la trace d'Arlington. Grossier, ennuyeux et ennuyant, les passages qui lui sont consacrés ne sont pas du tout agréables à lire. D'autant plus qu'on a accès à toutes ses pensées, ce qui crée des longueurs inutiles. Le dénouement, lorsqu'il ouvre une agence sur une île brésilienne, est là aussi un peu disproportionnée, et entre en dissonance avec le reste de l'intrigue.

Outre ce bémol concernant les personnages, j'ai passé un agréable moment avec ce premier roman de Michel BUSSI. J'ai pu constater qu'il ne faisait pas l'unanimité chez les lecteurs, mais pour ma part, cela a fonctionné. Le point de départ est original, les différents personnages et les allers-retours entre présent et passé nous permettent de ne pas nous ennuyer. Un roman agréable à glisser dans sa valise pour quelques vacances !
Dernières infos.
 
Gravé dans le sable a été publié en 2007 et compte 478 pages.

Ma note.
Challenges.
 
Défi lecture 2022 : Consigne 76 - Livre qui contient une blague (écrite ou faite).  - 29/100

jeudi 11 août 2022

L'univers à portée de main - Christophe Galfard

En résumé.

Qui a dit que la compréhension - ou l'incompréhension - de l'univers était réservée à une poignée de scientifiques brillants ? Qui a dit que le commun des mortels ne pourrait jamais faire l'expérience de l'infiniment petit ou de l'infiniment grand ? Qui a dit que nous ne pourrions jamais voyager jusqu'aux confins de l'univers, remonter à son origine ? Pas Christophe GALFARD en tout cas. Ce physicien, spécialisé dans la physique quantique et disciple de Stephen HAWKING fait la promesse au lecteur de lui faire découvrir en toute simplicité les théories qui nous permettent actuellement d'appréhender l'univers. Dans ce roman scientifique, pas d'équation interminable, pas de phrases alambiquées au jargon incompréhensible, juste le désir de rendre la science accessible au plus grand nombre. L'auteur propose ainsi de partir à la découverte de ce qui compose notre univers (du moins de ce qu'on en sait), de remonter l'espace-temps pour imaginer ce qui a pu précéder le Big-Bang et de s'interroger sur la forme prise par notre univers, ou nos univers. Prêts à décoller ?

Mon avis.

Je ne sais pas vous, mais moi, l'univers, ça me fascine ! Face à la bêtise humaine, je me dis souvent qu'il est rassurant de n'être finalement pas grand chose dans l'immensité de ce qui nous entoure. Se dire aussi qu'il y a tellement de choses que nous ne comprenons pas, et que nous ne comprendrons jamais, se dire qu'il y a des réalités qui nous échappent, se dire que nous ne maîtrisons pas tout, alors que nous cherchons justement à tout maîtriser. Fan des documentaires sur l'espace, j'avais envie de découvrir l'univers par l'écrit. Ce roman scientifique m'a fait de l’œil, d'autant plus qu'on croise souvent Christophe GALFARD sur les plateaux TV ou sur les ondes radio. La question est la suivante : tient-il sa promesse d'un récit accessible à tous ?

J'attendais l'été, avoir une vue dégagée sur les étoiles, confortablement installée dans mon transat, pour faire l'expérience de ce livre. Dès les premières pages et pendant la totalité du livre, l'auteur s'adresse au lecteur à la seconde personne du pluriel. Il lui propose de s'imaginer sur une île déserte, prêt à voyager jusqu'aux confins de l'univers à la vitesse de la lumière. A la manière d'une séance d'hypnose, on se laisse totalement embarquer, les cinq sens en éveil pour appréhender l'infiniment grand, mais aussi l’infiniment petit. Si la visualisation est essentielle pour s’imaginer ces espaces démesurés, être ébloui par les couleurs des étoiles qui meurent, la sensation tactile devient primordiale lorsqu'il s'agit d'appréhender l'infiniment petit. A cette échelle, plus rien n'est visible, alors il faut s'imaginer ressentir les différents champs quantiques qui nous traversent. Christophe GALFARD nous parle, toujours, nous embarque complètement dans son histoire, prend le soin de nous faire rire, de nous rassurer mais aussi de nous ménager. Parce qu'on sent qu'on est acteur de notre lecture, on retient dix fois mieux les informations qu'il cherche à nous faire ressentir. 

Pour ce qui est du contenu, c'est là que les choses se corsent (un peu). L'auteur a l'intention de dresser le portrait le plus complet possible des connaissances actuelles dans ce domaine. Pour moi qui suis très entière, qui accepte seulement le tout ou le rien, cette démarche me convient parfaitement. Le hic, c'est qu'il est très compliqué de donner un aperçu vulgarisé de décennies de recherche, tout en mentionnant aussi les mystères qui ne sont à ce jour pas élucidés. Si toute la première partie est en effet très accessible, les choses se compliquent lorsque les théories de la physique quantique entrent en jeu. Comme l'auteur le dit si bien, on est à des échelles tellement petites qu'on ne parvient plus à visualiser cette réalité qui nous dépasse. Malgré ses efforts pour rendre accessibles les notions de quarks, anti-quarks, photons et j'en passe, j'avoue qu'on peut rapidement se sentir perdu. Lorsqu'on découvre ces concepts pour la première fois, c'est difficile d'en appréhender tous les tenants et les aboutissants. Ce livre aurait peut-être mérité deux tomes pour qu'il puisse encore mieux explorer ces connaissances complexes. J'ai cherché des vidéos de vulgarisation scientifique sur Youtube pour accompagner ma lecture, sans trop de succès. Finalement, je me suis dit que je devrais relire ce livre plusieurs fois, pour laisser décanter les informations nouvellement apprises, avant de les approfondir. Ainsi, même si nous ne sommes pas des experts en physique, je pense que l'on parviendra toujours à glaner de nouvelles connaissances à la lecture de ce roman. Ayant déjà entendu les termes de "physique quantique" par le passé, je ne savais pas vraiment de quoi il s'agissait. Désormais, je sais que ce domaine s'applique à l'infiniment petit et que les choses à comprendre et à découvrir sont encore colossales.

Dans un sens, Christophe GALFARD parvient à tenir la promesse d'un livre accessible au plus grand nombre. Sa forme, très immersive, nous rend acteur et nous conduit à appréhender des concepts inédits. Néanmoins, pour les moins avertis, certains concepts, certaines avancées scientifiques restent difficiles à concevoir pour une première approche. Quoiqu'il en soit, nous ressortons de cette lecture moins bêtes, et il n'y a pas à dire, tout cela reste encore plus mystérieux, et donc fascinant. Ce genre de livre est une pépite, rares sont les spécialistes qui écrivent des bouquins de vulgarisation pour le grand public, alors même que nous devrions tous avoir la possibilité d'avoir accès à ces connaissances, même si elles sont exposées de façon superficielles. Rien que pour ça, ce livre mériterait d'avoir sa place dans toutes les bibliothèques de France, et d'ailleurs. 
Dernières infos.

L'univers à portée de main a été publié en 2015 et compte 593 pages.

Ma note.
Challenges.

Défi lecture 2022 : Consigne 37 - Livre écrit à la deuxième personne.  - 27/100

mercredi 3 août 2022

Ecoute la pluie tomber - Olivia Ruiz

En résumé.
 
Comme pour rendre un dernier hommage à sa nièce morte en couches, Carmen prend la plume pour retracer le destin de cette famille espagnole arrivée en France en 1939 pour fuir le franquisme. Une famille essentiellement composée de femmes, des femmes qui en veulent, qui ne rechignent jamais à la tâche et qui font tout pour préserver leur identité tout en se faisant une place dans leur terre d'accueil. Carmen, la petite dernière de la fratrie, très vite séparée de ses parents, entame sa jeunesse dans le café de sa sœur Rita et de son beau-frère Alain à Marseillette (du côté de Carcassonne). Profitant de la bienveillance de ses sœurs et des habitués du café, elle désire néanmoins s'en émanciper. Comme si le destin frappait à sa porte, elle a un jour le coup de foudre pour un torero arrivé de Tolède. Voyant dans cet amour soudain l'occasion de prendre son envol, elle le suivra sur son domaine, en Espagne. L'oiseau, fier de quitter le nid, aura pourtant rapidement les ailes coupés.

Mon avis.

Ayant été agréablement surprise par le premier roman d'Olivia RUIZ, La commode aux tiroirs de couleurs, j'avais très envie de me lancer dans son second roman, Écoute la pluie tomber, dont le titre est tiré d'un des personnages du roman, Escota quand ploú et qui trimballe avec lui toute sa poésie.

Avec ce second roman, l'auteur nous embarque une fois de plus sur le chemin de ses origines. L'Espagne, bien sûr, mais aussi Narbonne et surtout Marseillette. Ses grands-parents tenaient l'unique café-bar-restaurant-hôtel du village. La vie qui emplissait ce lieu a souvent été une source d'inspiration au cours de sa carrière. C'est donc tout naturellement que l'action principale de ce second roman se déroule dans ce lieu si cher à son cœur. Olivia RUIZ a également fait le choix de personnages essentiellement féminins, aux caractères bien trempés. On ne peut pas s'y tromper, même si les hommes sont présents, tantôt violents, tantôt charmeurs, il s'agit bien là d'une histoire de femmes. Des femmes espagnoles qui ont connu l'exil, la séparation, et la reconstruction dans un pays qui n'était pas le leur. Une seule solution, l'entraide, et la transmission. L'esprit de famille, la transmission de génération en génération semblent être des thèmes de prédilection pour cette artiste complète. 

Comme lors de ma lecture du premier roman, j'ai été complètement embarquée par l'univers proposé par Olivia RUIZ. Autant je me fabrique toujours des images mentales de ce que je lis, autant j'ajoute rarement des sons à ces images. Ici, c'est tout le contraire. Naturellement, la voix si particulière de l'auteur est venue me raconter cette histoire, j'ai entendu Carmen, Rita, Léonor et leurs voix fortes aux tonalités espagnoles, j'ai capté les bruits du café, les verres qui tintent, les chaises qu'on racle sur le sol, les hommes qui demandent leurs verres et les plateaux qui se renversent. Me reviennent en tête des images baignées de soleil, dans les décors des années 70. 

Le début de ce roman peut être déroutant car on ne comprend pas tout de suite qui est Carmen, Cali ou encore Rita. Alors que c'est Carmen qui s'exprime pendant la totalité du roman, il me semble que certaines premières pages sont aussi rédigées par Cali sans que ce soit annoncé, cela a pour conséquence de semer un peu le trouble dans la tête du lecteur. Puis tout revient dans l'ordre et on comprend que l'on aura affaire à Carmen. Je me suis là aussi laissée totalement embarquer par son parcours. Une vie semée d'embûches qui nous ballade de l'Espagne au sud de la France. Le suspense est toujours ménagée pour apporter un peu de rythme à l'intrigue générale. J'ai beaucoup aimé la fin, très émouvante, le décès de Cali bien sûr, encore plus dur à accepter maintenant que son personnage a été exploité, mais aussi l'histoire d'Escota quand ploú, jeune homme écorché vif. Heureusement que la roue va enfin tourner pour lui.

Voici un second roman réussi, que j'ai pris plaisir à découvrir et que j'ai dévoré en quelques heures. L'occasion de côtoyer la petite et la grande Histoire grâce à une galerie de personnages hauts en couleurs et à des scènes à la fois visuelles et sonores. Un roman à glisser dans son sac de plage !
Dernières infos.

Écoute la pluie tomber a été publié en 2022 et compte 198 pages.

Ma note.
Challenges.

Défi lecture 2022 : Consigne 66 - Livre dont le titre a plus de voyelles que de consonnes.  - 25/100