samedi 24 avril 2021

L'Iliade - Homère

En résumé.

Dix ans... Dix ans que les flottes grecques, menées par le belliqueux Agamemnon, campent sur le rivage de l'imprenable ville de Troie. Dix ans que des hommes meurent, nuit et jour, soit pour conquérir la ville de Priam, soit pour se protéger des assauts des Achéens. Dix ans que Ménélas, frère d'Agamemnon espère récupérer la ravissante Hélène, sa femme, volée par le prince troyen Pâris. Dix ans que les dieux de l'Olympe veillent sur les mortels, chacun ayant choisi son camp au prix de nombreuses querelles. Seulement, en quelques jours, les choses se précipitent, enfin. Une peste s'abat sur les Grecs, c'est l'hécatombe. La raison est toute simple : Agamemnon a volé Chriséis, la fille du prêtre d'Apollon, et malgré les offrandes, le vieil homme refuse de la lui rendre. Apollon, fou de rage, tue sans relâche les Grecs. Afin de cesser ces pertes colossales, Agamemnon accepte de se débarrasser de Chriséis, à condition qu'Achille lui livre Briséis, son propre trophée de guerre. Achille, un des héros de la guerre de Troie, finit par accepter, uniquement pour cesser l’hémorragie dans le camp grec, mais c'est décidé, lui et ses Myrmidons, des guerriers redoutables, décident d'abandonner le combat pour faire payer à Agamemnon son orgueil démesuré. Achille sera rejoint par Thétis, sa mère, qui part demander à Zeus de faire fléchir les Grecs afin de venger son fils. C'est le début d'affrontements d'une cruauté sans commune mesure, attisés par les dieux qui défendent chacun leur camp. Une guerre principalement menée par les héros grecs Ajax, Diomède et Ulysse face aux héros troyens Hector et Énée. Une guerre qui sera finalement gagnée non pas par la force mais par la ruse.

Mon avis.

Ayant découvert et beaucoup aimé l'Odyssée au lycée, j'ai toujours eu envie de me plonger dans l'Iliade mais il faut bien le dire, ce n'est pas un livre qui se lit à la va-vite, le soir avant d'aller se coucher. Alors j'ai repoussé, repoussé jusqu'à enfin trouver le courage de m'y mettre en ce mois d'Avril. Ce qui m'a aussi motivé, c'est un nouveau projet d'article sur le blog que j'espère bientôt pouvoir mener à bien.

Il est difficile d'écrire une chronique sur cet incontournable de la littérature classique. Tellement de choses ont été dites à son sujet, tellement de reprises ont été faites, que ce soit au cinéma, dans l'univers du livre (B.D, contes) ou encore pour des séries télévisées. Ce sont d'ailleurs sur ces dérivés de l'Iliade que je me suis appuyée pour entamer ma lecture car j'avais très peur que les faits racontés par Homère soient inaccessibles. J'ai donc mené deux lectures en parallèle : celle de la version originale et celle d'un conte pour la jeunesse, écrit par Gilian CROSS et illustré par Neil PARKER. Cette seconde lecture m'a permis d'avoir les grandes lignes, et de faire du tri dans ce qu'il était important de retenir pour la suite de l'histoire. J'ai également visionné durant ma lecture la série Les grands mythes proposée par Arte qui retrace également l'histoire de la guerre de Troie. Ainsi, j'ai pu avoir accès au contexte général, et à tout ce qui n'est pas dit dans le texte original mais qui explique pourtant tant de véhémence sur les plages troyennes. Je reviendrai sur ces sources, et bien d'autres, dans un futur article que j'espère bientôt pouvoir rédiger. Ce fut donc une lecture très riche, nourrie par des apports extérieurs qui, j'en suis certaine, m'ont aidée à apprécier à sa juste valeur le récit de cette guerre légendaire et mystérieuse.

Je pense qu'il est important d'avoir connaissance d'éléments de contexte avant de se plonger dans l'Iliade, car Homère attaque dans le dur. Il n'évoque rien des origines de la guerre de Troie, il entame directement son récit par la querelle qui oppose Agamemnon à Achille. De même, la fin nous laisse un peu sur notre faim (sans mauvais jeu de mots) car il n'évoque rien du fameux cheval, ruse d'Ulysse, pour mettre le feu à la ville de Troie et ainsi signer l'arrêt de la guerre. Dans le même temps, certains passages peuvent rebuter de par leur longueur, pour des faits qui ne sont finalement pas si importants et la quantité de personnages présentés peut nous faire perdre la tête, surtout que l'auteur peut désigner une même entité par des vocables différents. C'est donc une lecture qui demande une grande concentration pour suivre tous les tenants et les aboutissants, se souvenir des membres de chaque camp et ne pas perdre le fil des décisions de Zeus qui varient au grès du charme des déesses qui viennent lui demander des faveurs.

Malgré ces bémols qui ont été facilement gommés par les informations contenus dans les autres supports que j'ai utilisés, j'ai vraiment beaucoup apprécié ma lecture de l'Iliade. J'ai aimé le côté épique, malgré la cruauté et la violence décrites, je me suis complètement sentie spectatrice de cette bataille. Je vois encore cette plage emplie de corps défaits, transpercés, ces odeurs nauséabondes, ces navires par centaines, majestueux, qui se tiennent droit sur des eaux troubles, face à la majestueuse Troie, ses ruelles, les vêtements somptueux de la reine Hécube et la beauté d'Hélène, j'entends le bruits des lances qui fouettent le vent, le cliquetis de l'acier, les cris de tous ces hommes qui se battent sans relâche. Et puis le merveilleux des dieux de l'Olympe, leur charisme qui brille, le goût de l'ambroisie et des animaux que l'on sacrifie pour s'attirer la bienveillance des immortels. Pour moi, l'Iliade, c'est ça, un ensemble de sensations qui nous font voyager dans le temps et dans l'espace. Ce n'est pas seulement une bataille sanglante, c'est aussi l'incarnation des travers humains. Un condensé d'humanité, pour le meilleur et pour le pire, l'orgueil, la jalousie, le désir de posséder, de conquérir, de s’accaparer ce qui appartient à l'autre, la démonstration de sa puissance et de sa force et l'envie de dominer, mais aussi l'amitié, l'amour filial, conjugal et le souhait d'honorer ses morts. A ce jeu-là, les immortels ne valent pas mieux que les mortels. J'ai trouvé leurs batailles d'égo assez amusantes, ils gouvernent les mortels mais ils sont restés de vrais enfants ! L'Iliade a deux niveaux d'interprétation : c'est une guerre entre mortels, mais c'est une guerre aussi entre dieux, leur fraternité n'ayant jamais été autant mise à rude épreuve. Au fil de ma lecture, je me suis aussi attachée aux héros et j'avais choisi mon camp (les Troyens). Même si on connaît l'issue de la guerre, c'est difficile de rester neutre, on est forcément poussés à prendre partie. En revanche, ce n'est pas une surprise, mais il ne faut trop en demander quant à la condition des femmes... Trophées de guerre, veuves éplorées, tentatrices, charmeuses, pleureuses... L'Iliade est véritablement une histoire de bonhommes, même si la guerre de Troie a éclaté à cause de la beauté d'une femme.

Jamais chronique n'aura été aussi longue ! C'est qu'il est compliqué de résumer cette œuvre incontournable au sujet d'une guerre qui n'a peut-être jamais existé ou du moins pas comme Homère le relate. Malgré le côté dense et aride de la chose, j'ai vraiment apprécié ma lecture. Je l'ai vécue comme un véritable roman d'aventures, aux scènes dignes des plus grands péplums. Je vous conseille de vous plonger un jour dans ce classique, avec à côté un ou deux autres supports de vulgarisation qui vous aideront très certainement à mieux comprendre et mieux apprécier cette lecture qui peut paraître décourageante de prime abord. N'oublions pas qu'elle est issue d'une tradition orale et qu'elle était initialement chantée, et non faite pour être écrite.

Dernières infos.

L'Iliade compte 552 pages (texte original, sans les notes et d'éventuels dossiers explicatifs selon les éditions) et aurait été conçue entre 850 et 750 avant J.C puis mise à l'écrit au VIème siècle.

Ma note.
Challenges.

* Défi lecture 2021 : Consigne 65 - Un livre d'un auteur de l'Antiquité - 15/100
En 2021... Je voyage : Grèce (+ 20 points)

samedi 17 avril 2021

Les vilaines - Camila Sosa Villada

En résumé.

Camila est née Christian. Peut-être par la violence du père, ses yeux noirs qu'il jetait sur sa démarche efféminée et par le silence de la mère, Cristian a progressivement abandonné ses joggings trop larges pour des robes cousues à la main avec de vieux morceaux de tissus, le vissage rehaussé par une touche de rouge à lèvres emprunté à la mère et les mains décorées de vernis à ongles. Il a fui le petit village argentin pour la capitale, Cordoba, et plus précisément le parc Sarmiento. La nuit, la prostitution pour gagner quelques pesos, la drogue, la violence de ses amants qui cherchent à l'humilier ou à la voler, la difficulté d'être transgenre, et les souvenirs tenaces d'une enfance gâchée. Heureusement, il y a l'entraide avec ses collègues de la nuit, et cet homme devenu femme lui aussi, Tante Encarna qui veille sur la tribu. Elle offre un refuge à toutes celles qui sont désœuvrées. Un soir, la troupe trouve un bébé dans un fossé. Elles l'embarquent chez la Tante Encarna, ce sera leur secret.

Mon avis.

Sorti à l'occasion de la rentrée littéraire de l'hiver 2021, j'ai eu la chance de rapidement me le procurer, la médiathèque se dotant d'une bonne partie des livres des rentrées littéraires. Le thème me plaisait, la question transgenre sur laquelle je n'avais jamais lu jusqu'à présent, le fait aussi que ce livre soit en partie autobiographique puisque Camila SOSA VILLADA est elle-même transgenre et a connu la prostitution. Enfin, cela se passe en Argentine, une occasion supplémentaire de sortir de ma zone de confort littéraire. 

Comme vous pouvez aisément le supposer, Les vilaines est un livre sombre à l'ambiance sordide. Déjà parce que la nuit est omniprésente. Camila vit lorsque la ville s'arrête et qu'il est plus facile de se cacher, dans ce parc que l'on imagine plongé dans le noir, seulement éclairé par les bijoux de ces femmes. A cela s'ajoute aussi la pauvreté qui les pousse à se prostituer, les coups foireux pour gagner à peine de quoi se nourrir, la violence qui éclate alors qu'amants et prostituées sont alcoolisés ou sous l'emprise de la drogue. Le noir de l'huile de moteur d'avion injecté dans le fessier de Tante Encarna. Les larmes noires de Camila qui revient sur son passé, l'arrivée dans une famille qui ne prend pas la peine de la connaître, un père qui trompe son épouse, violent, omnibulé par ses finances. C'est un enfant qui a grandi sans aide, qui s'est découvert seul et s'est fait seul. C'est aussi l'omniprésence de la mort qui vient frapper n'importe quand, n'importe où, le sida, les meurtres... C'est cruel, mais c'est aussi la vérité. Il faut garder son souffle jusqu'au bout. Dans la noirceur du quotidien, heureusement quelques touches de couleur viennent parsemer le récit, l'entraide au sein de la communauté et puis l'arrivée de cet enfant, nommé Éclat des yeux, qui offre un contraste saisissant avec l'obscurité de l'ensemble. Malgré ce que l'on peut imaginer à la lecture de la quatrième de couverture, il ne tient pas une place primordiale dans le récit. Il explique surtout le dénouement mais les trois quarts de l'intrigue sont dédiés à la vie de Camila.

Même si on ne peut qu'être émus par l'histoire de cette jeune femme, bouleversés aussi de voir dans quelle misère et dans quelle cruauté sont plongés ces êtres qui ne demandent finalement rien d'autre que de vivre en accord avec ce qu'ils ressentent au plus profond d'eux-mêmes, certains aspects du récit m'ont gênée. La narration est un peu décousue, les allers-retour entrer passé et présent arrivent sans crier gare, perdus au milieu des chapitres, eux aussi livrés à eux mêmes. De même, si la découverte de l'enfant est le fait majeur du début du livre, on ne sait jamais si les événements décrits par la suite lui sont antérieurs ou postérieurs. Il y a peu d'éléments temporels qui jalonnent le récit, les faits sont jetés par ci par là, sans contexte. On finit par comprendre le cheminement final mais je me suis parfois sentie un peu perdue. L'autre point est l'introduction dans le récit d'éléments fantastiques. Une femme qui se transforme en louve à chaque changement de lune, ou une autre qui se transforme en oiseau. Si j'ai pu lire que ces éléments avaient plu à certains lecteurs, je n'ai pas bien compris quel était leur intérêt pour ma part. Ou alors il s'agit d'une métaphore que je n'ai pas comprise. Bref, je pense que l'auteur n'avait pas besoin de ça pour rendre son histoire poétique et onirique. C'est aussi moi qui n'aime pas trop quand les genres se mêlent, surtout dans des histoires initialement basées sur des faits réels. 

Malgré ces deux petits bémols, j'ai apprécié ma lecture. Elle fut éprouvante, dense malgré le nombre de pages peu élevé, mais je suis ravie d'avoir pu lire à ce sujet. Là est pour moi la force de la littérature, faire découvrir des univers éloignés des nôtres, même s'ils peuvent être cruels, nous apporter des connaissances que nous n'avions pas et témoigner.
Dernières infos.

Les vilaines a été publié en 2021 et compte 204 pages.

Ma note.
Challenges.

* Défi lecture 2021 : Consigne 8 - Un livre contenant entre 180 et 210 pages - 13/100
En 2021... Je voyage : Argentine (+ 20 points)

samedi 10 avril 2021

Le tendre baiser du tyrannosaure - Agnès Abécassis

En résumé.

On croise la vie de plusieurs êtres dans ce roman. D'abord Félix, passionné de dinosaures à tel point qu'il en fait son métier, très intelligent mais handicapé du contact humain, il est seul et ne sait pas comment faire pour se trouver une fille. Celle de son meilleur ami, Tom, un gentil flic qui vient de se faire larguer malgré son physique avantageux et son côté prince charmant. Il y a aussi la bande de copines, Ava, qui vient de se faire offrir une rivière de diamants, ce qui pourrait bien changer sa vie de maman solo de deux enfants, Olive qui s'apprête à épouser l'homme de sa vie tout en annonçant aux deux familles qu'ils ne souhaitent pas d'enfants, Perla, trompée quarante six fois par son mari infidèle, mais qui continue à se battre pour ses trois enfants et enfin Régine, une avocate qui a décidé de ne se mettre en couple qu'avec des mecs mariés pour éviter de souffrir suite à une rupture amoureuse dévastatrice. Les histoires de tous ces personnages vont se croiser, les destins vont se lier et tout pourrait bien basculer...

Mon avis.

Étouffée par la noirceur de ma précédente lecture, Les larmes noires sur la terre, j'ai eu envie d'une lecture légère pour enchaîner, une sorte de bouffée d'air frais pour chasser les idées noires, une douce transition vers une lecture plus corsée et amère. J'ai donc mis la main sur ce livre feel-good que j'avais repéré depuis quelques années mais que je n'avais encore jamais ouvert. Clairement, il a fait le job, il a rempli sa mission de lecture-transition, tout en restant néanmoins une lecture assez superficielle, faut pas en attendre grand chose.

Je suis toujours un peu partagée avec la chick lit, ou la littérature de poulettes (ce terme officiel me fait toujours beaucoup rire bien que j'y trouve une connotation négative). D'un côté, ça fait du bien de lire de temps en temps des histoires légères, sans prise de tête et où les dénouements sont heureux en général. D'un autre côté, ces histoires sont souvent mal écrites, les personnages souvent caricaturaux, les éléments narratifs peu travaillés, donnant une impression finale assez niaise et superficielle. Le tendre baiser du tyrannosaure ne déroge pas à la règle, me laissant toujours aussi partagée. Je dois tout de même avouer que le style d'écriture n'est pas si mauvais que ça, j'ai plutôt été agréablement surprise. C'est un roman qui se lit rapidement et qui ne demande pas une grande concentration, parfait si vous êtes un usager fréquent des transports en commun. Bien qu'il ne laisse pas des souvenirs impérissables, il met en scène des personnages agréables et gentillets. Si cet ensemble de critères ont fait que j'ai passé un bon moment, un certain nombre de points restent à revoir.

D'abord, les personnages mériteraient d'être davantage travaillés, ils ont un côté un peu artificiel, comme s'ils ne pouvaient pas être réels. C'est le cas de Félix, le paléontologue, et de Régine, l'avocate. Je trouve que leur personnalité ne cadre pas du tout avec leur métier, comme s'ils étaient des personnages totalement différents dans leur vie professionnelle et leur vie privée, tellement différents que c'est incohérent. Cela est aussi le cas pour certains éléments du schéma narratif. Le plus irréaliste reste l'histoire d'Olive, dont je ne dévoilerais rien pour vous laisser la surprise, mais je peux quand même dire que son histoire m'a laissée dubitative, jusqu'à plomber le récit entier et tomber dans les  clichés de la chick-lit, LE rebondissement totalement irréaliste qui arrive comme un cheveu sur la soupe et qui n'est là que pour créer un faux suspense. Une autre incohérence vient du fait que l'ensemble du récit est écrit à la troisième personne, sauf pour le personnage d'Ava, qui est rédigé à la première personne. On ne comprend pas vraiment pourquoi elle prend la parole alors qu'elle ne s'exprime à aucun moment sur les autres personnages, sauf à la fin. D'ailleurs, si les destins finissent par s'entrecroiser, cela arrive vraiment en toute fin de livre. C'est un procédé qui est souvent utilisé dans certains récits mais les liens apparaissent en général plus tôt, ce qui permet de créer un peu de suspense. Ici, cela arrive un peu trop tard et cela donne finalement une image décousue de l'ensemble.

Une lecture mitigée, mais qui aura néanmoins eu le mérite de m'offrir une pause littéraire bienvenue après une lecture harassante et difficile. Un roman léger, à vous procurer si vous êtes un amateur/une amatrice du genre, peut-être adaptée à la saison estivale, quand on apprécie les longues heures de lecture sur la plage ou à l'ombre d'un arbre.
Dernières infos.

Le tendre baiser du tyrannosaure a été publié en 2016 et compte 350 pages.

Ma note.
Challenges.

* Défi lecture 2021 : Consigne 70 - Un livre dont la couverture comporte beaucoup de rouge - 12/100

dimanche 4 avril 2021

Les larmes noires sur la terre - Sandrine Collette

En résumé.

Il aura fallu un enchaînement de tristes hasards pour précipiter Moe dans le désespoir le plus profond. La rencontre avec cet homme qui l'encourage à quitter son île, Tahiti, pour échouer en banlieue parisienne. La violence et les reproches, les petits boulots éreintants qui ne lui permettent même pas d'être autonome financièrement, une nuit d'infidélité au cours de laquelle son enfant sera conçu. Puis la fuite du domicile, pour échapper à la violence, quelques jours passés chez cette femme qui la rejette à son tour. Tout ça pour échouer dans cette ville misérable, La Casse, un amoncellement de voitures pourries devenues maisons pour ceux qui n'ont plus un sous, ceux qui sont seuls, ceux pour qui le mot "avenir" ne fait plus parti de leur langage. Des véhicules-taudis à perte de vue, la drogue, la prostitution, le travail aux champs payé quelques centimes. C'est dans cet environnement que Moe élèvera son enfant, bien trop triste pour lâcher quelques larmes. Heureusement, quelques rayons de soleil, les yeux de ses voisines, Marie-Thé, Poule, Jaja, Ada la vieille et Nini-peau-de-chien. Des femmes aussi désœuvrées que Moe mais dont l'humanité est toujours intacte. Ensemble, elles font la promesse de se serrer les coudes, pour le meilleur et pour le pire.

Mon avis.

Un livre que j'ai découvert en parcourant la bibliothèque d'une amie aux goûts très sûrs. Aimant les histoires un peu déviantes et aux ambiances sordides, je me suis précipitée dessus, certaine qu'il remporterait mon adhésion. J'ai eu la chance que la médiathèque l'ait dans ses rayonnages. Aussitôt repéré, aussitôt emprunté, aussitôt dévoré.

Il faut avoir le cœur solide pour affronter cette lecture éprouvante. On ressort de là lessivé, broyé, déshumanisé, heurté par le comportement effroyable des hommes. Une ambiance glauque et très sombre pèse sur l'ensemble du roman, un sentiment d'oppression nous saisit à chaque page tournée, on se demande quand cela va s'arrêter, et pourtant ça monte crescendo. L'écriture de Sandrine COLLETTE est incisive, précise, pas de superflu, pas de mot pour heurter directement la sensibilité, mais plutôt de l'implicite, une atmosphère noire et démoralisante qui s'installe progressivement, le déballage de cet ensemble de hasards qui ont conduit à la pauvreté la plus extrême, tout ça tellement réel. On ne sait quasiment rien du passé de Moe, comme si celui-ci était trop heureux pour avoir sa place ici, comme si la jeune femme était désormais tellement prise dans une spirale aliénante que ce qu'elle est au fond ne compte plus. Évanouis les cocotiers, les mers turquoises et les plages de sable blanc, la réalité contraste durement avec ces images pleine de couleurs et de chaleur.

L'essentiel du récit porte sur le quotidien de Moe dans son quartier de La Casse et ses tentatives pour fuir cet univers hors du temps. Un univers entièrement fabriqué par l'auteur, mais dont le réalisme nous effraie, et si ce décor horrifiant prenait place dans quelques années ? Je me suis d'ailleurs renseignée au début de ma lecture pour savoir si tout ça n'était déjà pas une réalité. Le symbole d'une société à bout de souffle dont on commence déjà à voir les contours. L'humain réduit à ses plus vils instincts, des animaux presque, prêts à tout pour survivre dans ce contexte si aliénant et déshumanisant. La présence des autres femmes vient apporter quelques touches de lumière à cette histoire sordide. Mais cela est de courte durée, car on voit à quel point elles ont également été marquées par la vie et plongées elles aussi dans un désespoir qui ne connaît pas de limite. En fait, la luminosité vient de leurs valeurs, auxquelles elles s'accrochent alors que tout pourrait les dévier de la morale. Un message d'espoir, même dans les pires configurations, la solidarité et l'entraide, voire l'amitié perdurent chez certaines personnes. Un mot enfin sur l'enfant, ce bébé que Moe tardera à nommer tant elle essaie de le mettre à distance de toute cette misère, comme si le traiter en objet lui permettrait de ne pas voir tout ça, et lui garantirait un avenir meilleur. Là aussi, l’attitude de Moe vis-à-vis de l'enfant injecte une part de sordide à l'intrigue, l'amour mère-fils étant mis à rude épreuve, il s'agit déjà de survivre avant de parler d'amour.

Une lecture qui n'est pas anodine, dans laquelle on doit se plonger avec prudence car elle peut heurter. Heureusement que j'ai pu l'entrecouper par des journées de travail pour penser à autre chose car son côté très sombre peut vite nous atteindre. Une fois le livre refermé, j'ai eu une grande envie d'une histoire légère, même niaise pour atténuer l'émotion douloureuse des Larmes noires sur la terre.
Dernières infos.

Les larmes noires sur la terre a été publié en 2017 et compte 336 pages.

Ma note.
Challenges.

* Défi lecture 2021 : Consigne 55 - Un livre dont le titre contient une expression grammaticale de localisation (sur) - 11/100
En 2021... Je voyage : France (+ 10 points)