dimanche 18 octobre 2020

Mercure - Amélie Nothomb

En résumé.

Sur une île au large de Cherbourg, une jeune fille, Hazel, est retenue prisonnière par un vieil homme, Omer Loncours, dans une espèce de château forteresse où les miroirs sont bannis. La raison est simple : le visage de la captive est tellement horrible à voir qu'il lui est interdit de se regarder. C'est d'ailleurs ce qui explique sa présence sur l'île, le vieil homme l'a recueillie suite à un bombardement et pour la protéger du monde et du chagrin causé par la perte de sa famille, il la couve et entretient avec elle une relation ambiguë. Personne n'est autorisé à poser un pas sur l'île, excepté les gardes du corps et les servants. A cette règle impartiale, une exception est faite lorsque Hazel tombe malade. François Chavaigne, infirmière de son état, est mandatée pour venir soigner sa patiente tous les après-midi. Petit à petit, elle va se faire une place auprès de ces deux insulaires atypiques, jusqu'à lever le voile sur cette relation pour le moins étrange.

Mon avis.  

Je dois avouer que je me suis dirigée vers ce livre pour remplir une des catégories d'un challenge dans lequel je me suis lancée cette année, le Défi Lecture 2020. L'occasion pour moi de me pencher sur une troisième création d'Amélie NOTHOMB, que j'ai découverte avec Stupeurs et tremblements et La métaphysique des tubes. Alors que ceux-ci étaient plutôt autobiographiques, Mercure appartient davantage à la fiction et il m'a permis de mettre à jour une nouvelle facette de la plume de l'auteur.

Les premiers adjectifs qui me viennent en tête pour décrire cette lecture sont sordide et glauque. Dès les toutes premières pages, on se sent pris dans cette histoire très particulière, un lieu sombre, entouré par l'océan mais sans aucune fenêtre à portée d'yeux, pas de miroir, une décoration minimaliste, l'impression qu'il fait toujours gris au dessus de cette forteresse, et puis des personnages eux aussi très sinistres. Le vieil homme, pervers, dégoûtant, répugnant, qui n'hésite pas à user du charme qui lui reste pour attirer dans ses bras la belle Hazel, qui apporte un peu de fraîcheur à l'ensemble mais qui reste ingénue. Je ne m'attendais pas à ce genre de contexte et j'ai plutôt apprécié, d'être si vite projetée dans l'histoire et d'avoir affaire à ce genre d'ambiance qui change de ce que j'ai l'habitude de lire. L'arrivée de Françoise est évidemment l'élément déclencheur du reste de l'histoire. C'est un personnage que j'ai trouvé placide finalement. Elle a beau arriver dans ce qui nous paraît être l'antichambre de l'enfer, elle garde un sang-froid incroyable et ne se démonte pas face à la sensation de menace, latente, que fait courir Omer Loncours sur l'ensemble de son personnel. 

Amélie NOTHOMB fait preuve d'une écriture incisive, d'une précision chirurgicale, qui fouille les personnages, s'attaque à ce qu'il y a de plus profond en eux et c'est ce qui donne à ce huit clos une saveur toute particulière. Au final, pas de crime physique, mais une manipulation psychologique, celle d'un homme dévoré par un amour fou, passionnel, obsessionnel, et une jeune fille tellement coupée de la réalité qu'elle en vient à nier l'évidence. Même si on ne peut oublier qui est cet homme et ce qu'il fait peser sur cette jeune fille, on en vient presque à la fin à éprouver une sorte de pitié pour lui, voire même de la compassion. La preuve qu'on a beau nous présenter l'abject, rien n'est jamais tout noir, ou tout blanc. J'ai particulièrement aimé la proposition de deux issues, deux fins à l'histoire. C'est la première fois que je vois ça dans un livre d'ailleurs et je trouve que l'initiative est bonne. Si j'ai trouvé que la première fin était un peu en décalage avec le reste du livre, j'ai préféré la seconde fin, plus cohérente.

En somme, un livre qui se lit rapidement, dont je ne retiendrais probablement pas tout, mais dont l'impression de sordide demeurera un bon bout de temps je pense. Si jusque là, vous n'avez lu que des romans autobiographiques de l'auteur, je vous encourage à vous tourner vers celui-ci, qui permet de découvrir et d'apprécier le véritable talent littéraire d'Amélie NOTHOMB.
Dernières infos.

Mercure a été publié en 1998 et compte 226 pages.

Ma note.
Challenges.

100 livres à lire en 2020 : 39/100
Défi lecture 2020 : Consigne 26 - Livre dont le titre contient l'un des éléments du tableau périodique des éléments - 39/100

samedi 10 octobre 2020

L'humanité en péril : virons de bord, toute ! - Fred Vargas

En résumé.

Il y a une dizaine d'années, Fred VARGAS avait rédigé un petit texte sur l'avenir de la planète et, par voie de conséquence, sur l'avenir de l'Homme. Sans qu'elle en fasse la publicité, ce petit texte, alarmant et alarmiste, a fait le tour du monde, repris par des voix qui ont fait de notre avenir leur combat, jusqu'à ce qu'il arrive dans les mains des plus hauts dirigeants pour être lu lors de l'ouverture de la COP 24. Devenue consciente du poids de ses mots et de ses arguments, Fred VARGAS, plutôt habituée au genre du polar, a remis le couvert avec cette fois-ci un texte plus long, un texte qui nous parle de déforestation, d'industrie agro-alimentaire, de pollution aux pesticides et d'inaction des gens qui nous gouvernent. De disparition progressive de la faune, de la flore et de métaux essentiels à nos modes de vie, du pouvoir des lobbys et des industriels, de fonte des glaciers et de rareté de l'eau, mais aussi d'espoir, celui qui entre nos mains, sans rien attendre des gens qui nous gouvernent.

Mon avis.

Bien que deux d'entre eux soient dans ma PAL, mon premier bouquin de Fred VARGAS n'aura pas été un policier, genre qui a fait sa renommée. Et pourtant, c'est tout comme... Car il est bien question de crime dans ces quelques pages, de criminels, de coupables et d'enquête. Un livre qui traînait dans la bibliothèque de mes parents et sur lequel je lorgnais depuis quelques mois déjà, tant l'envie de lire à ce sujet m'envahit régulièrement, préoccupée que je suis par l'avenir de cette biodiversité que l'on tue chaque jour un peu plus. Un livre saisissant qui devrait être mis dans les mains de chacun et chacune.

M'intéressant aux questions environnementales, sans pour autant être une activiste, par manque de courage je pense, j'ai déjà eu l'occasion de beaucoup lire, écouter, regarder à ce sujet. J'ai notamment pu chroniquer mes lectures de certains livres de Fabrice NICOLINO, grand défenseur de la nature, ici, sur ce blog. Les données apportées par Fred VERGAS ont donc surtout été une redite de choses que je savais déjà et pourtant, elles ont apporté quelque chose de nouveau, plutôt effrayant. Ce sont les dates à partir desquelles l'humanité risque d'être vraiment en péril. Pénurie d'eau d'ici quatre ou cinq ans, de même pour certains éléments chimiques essentiels à la vie, comme le phosphore. Pénurie de lithium d'ici une dizaine d'années alors que partout dans le monde on vante les voitures électriques dont les batteries sont elles-mêmes composées de lithium. Et j'en passe et des meilleures. Résonnent encore en moi ces chiffres que l'on énonçait déjà dans les années 2000, qui parlaient d'un horizon inquiétant à partir de 2030, 2050, l'augmentation des températures, la fonte des glaciers... Seulement, Fred VARGAS m'a fait prendre conscience que le temps passe et que ces données qui me paraissaient si lointaines sont en fait déjà en train de se concrétiser ou, dans le meilleur des cas, qu'il ne reste plus que quelques années (bien souvent, moins de dix ans) avant qu'elles ne se concrétisent. Comme à chaque fois que je me plonge dans ce type de bouquin, je sens monter en moi une vague de haine (n'ayant pas peur des mots), de hargne, de révolte, de rage à l'égard de l'inertie humaine, voire de sa mauvaise foi, tellement plus facile d'attendre les yeux fermés et de poursuivre son train-train quotidien comme si de rien n'était alors que tout s'étiole, la qualité de notre alimentation, la disparition de la diversité de la faune et de la flore, les migrations de peuples dont on ne parle jamais, les paysages qui sont en train de s'uniformiser en quelque chose de sec et désertique et les événements climatiques anormaux qui sont de plus en plus fréquents. 

Ça, c'était pour le fond, le plus important à mes yeux. Pour ce qui est de la forme, seul regret, les données s'enchaînent, Fred VARGAS passe d'un sujet à l'autre sans coupure. Pas de chapitres, pas de sous-chapitres, juste sa plume et un découpage en paragraphes. Cela donne une impression d'urgence (ce qui va plutôt bien avec le thème), et le lecteur n'a pas le temps de reprendre son souffle qu'elle enchaîne déjà avec d'autres chiffres et d'autres conclusions accablantes. Le ton est vraiment au texte déclaratif, comme s'il avait vocation à être lu devant une assemblée de dirigeants. J'aurais aimé une autre structure, au moins basée sur des chapitres. Cela dit, l'humour de l'auteur vient largement compenser ce léger défaut et donne du rythme et un peu de légèreté à l'ensemble qui reste plutôt pesant de part les vérités qu'il énonce. Fred VARGAS reste quand même optimiste et positive, et tente de donner au lecteur quelques clés pour changer le cours des choses, des petits trucs sur lesquels nous pouvons tous agir en tant que citoyen et consommateur, sans attendre l'aide des dirigeants. Je ne vous cache pas que je ne partage pas son optimisme et je pense d'ailleurs qu'il faut arrêter de l'être. A force de se dire que tout va s'arranger et que l'on est tellement intelligents que l'on trouvera forcément des solutions, on en vient à se cacher la vérité, à repousser les choses qui fâchent et finalement rien ne change. Je n'en doute pas, une fois que les abeilles auront disparus, l'homme trouvera une solution pour polliniser les végétaux, il le fera à la main s'il le faut mais est-ce là une solution acceptable ? D'autre part, ce texte a été écrit avant l'apparition du COVID, j'aimerais connaître l'avis de Fred VARGAS maintenant que la crise est bien installée. L'urgence à agir résonne d'une tout autre manière, mais là aussi, je pense que l'on se voile la face et que l'on n'est toujours pas capable de retenir les bonnes leçons.

En conclusion, un livre puissant, riche, très documenté, écrit avec une certaine urgence et une envie irrépressible de découvrir la vérité et de la faire découvrir aux autres. Un livre que je ne peux que bien noter tant il est d'utilité publique, à mettre entre toutes les mains, à lire sur les plateaux télés ou à la radio, à imprimer et à distribuer partout. Je ne peux donc que vous encourager à le lire !
Dernières infos.

L'humanité en péril : virons de bord, vite ! a été publié en 2019 et compte 248 pages.

Ma note.
Challenges.

100 livres à lire en 2020 : 38/100
Défi lecture 2020 : Consigne 91 - Livre sans histoire d'amour - 38/100

dimanche 4 octobre 2020

Aristote et Dante découvrent les secrets de l'univers - Benjamin Alire Saenz

 En résumé.

1987, El Paso, ville au sud du Texas, près de la frontière mexicaine. Aristote est un adolescent d'une quinzaine d'année, plutôt réservé et sur la défensive. Il a peu d'amis, un frère qui est en prison et semble subir sa jeunesse plutôt que d'en profiter. L'été est là, et c'est lors d'un passage à la piscine qu'il fait la connaissance de Dante, un adolescent du même âge que lui, passionné de poésie et plutôt enjoué malgré sa solitude. Les deux jeunes garçons se lient vite d'amitié, encouragés par leurs parents respectifs peu habitués à les voir entourés d'amis. Cette amitié est telle qu'Ari sauve la vie de Dante lors d'un accident, ce geste scellant cet attachement si particulier avec cet alter-ego qui l'amène à s'ouvrir progressivement sur lui-même et sur son entourage. Alors que la rentrée arrive, leur amitié est mise à rude épreuve avec la mutation du père de Dante à Chicago pour l'année scolaire. Celui-ci embarque dans sa foulée toute sa famille. Les deux amis vont donc devoir vivre à distance, et entretenir ce lien si spécial malgré leurs expériences respectives. Le retour de Dante à El Paso s'annonce plein de promesses, l'occasion de faire le point sur les changements qui s’opèrent chez les deux garçons promis à un avenir qui ne sera plus jamais en solitaire.

Mon avis.

J'ai emprunté ce livre un peu sur un coup de tête à la médiathèque alors qu'il était mis en avant sur un des rayonnages. J'étais curieuse de voir si je l'apprécierais aussi après tous les commentaires élogieux que j'avais lus à droite, à gauche. Je peux d'ores et déjà vous dire qu'il n'a pas été le coup de cœur attendu, ou espéré, néanmoins il fut quand même une lecture agréable. 

J'ai d'abord été désorientée par les premiers chapitres, voire même agacée et déçue. Le style est particulier, peut-être typique des romans jeunesse dont je ne suis plus familière puisque j'en lis très peu. Des chapitres très courts, qui ne font parfois qu'une seule page, des dialogues à perte de vue, très concis, et un personnage particulièrement étrange, avec une façon de s'exprimer que j'ai trouvé décalée. J'ai même failli abandonné ma lecture, tellement je trouvais l'ensemble vide de sens, superficiel, avec des pages et des pages sur des faits anecdotiques qui m'ont donné l'impression que l'auteur "faisait du remplissage" sans s'attacher à donner un fil conducteur à son histoire. Même si les choses se sont améliorées au fil des pages, je ne me suis jamais attachée au personnage d'Aristote qui manque selon moi d'authenticité. Ses réflexions sonnent parfois faux, comme artificielles ou caricaturales, balancées pour accentuer la description de son mal-être et en faire quelqu'un de vraiment en décalage. En fait, ce qui m'a manqué est un véritable travail sur les dialogues, leur donner davantage de poids pour qu'ils soient plus percutants et plus réalistes.

Alors que les deux cents premières pages m'ont laissée plutôt perplexe, j'ai davantage apprécié la suite du livre. Justement, j'ai trouvé qu'on entrait enfin dans le vif du sujet et que l'auteur nous offrait enfin matière à réflexion. J'ai bien aimé le thème de l'adolescence et de la découverte de soi. Le lecteur voit progressivement se métamorphoser Aristote qui passe d'un adolescent colérique et fermé à un jeune déterminé et de plus en plus ouvert sur le monde. Si le thème de l'homosexualité est souvent mis en avant pour évoquer ce livre, celui-ci est peu traité finalement. Il arrive en bout de course et est abordé succinctement. Plusieurs thèmes expliquent selon moi la transformation d'Aristote : bien sûr, cette amitié avec Dante, une relation qui devient amoureuse, mais il y a aussi la question des origines (d'où on vient pour aller où). Les origines mexicaines d'abord puisque les deux garçons sont issus de familles mexicaines puis, dans un second temps, la place dans la fratrie, avec cette question qui obsède Aristote, celle de son frère qui est en prison et dont plus personne ne parle à la maison. Ce sont dans les dernières pages que tous les non-dits se lèvent progressivement, grâce à Dante, incontournable personnage, mais aussi grâce aux deux familles qui font preuve d'ouverture d'esprit. On entrevoit enfin les blessures du passé, ce que l'on cache mais qui finit par réapparaître un jour ou l'autre, sous des cauchemars, sous la façon dont on élève, de façon inconsciente, ses enfants et, une fois réglées ou mises en mots, ces troubles du passé finissent par être soulagés. 

Une lecture en demie-teinte, heureusement que la deuxième partie du livre sauve le reste. Je comprends que ce roman jeunesse puisse plaire, dans la mesure où il n'est pas aussi gnan-gnan que certains autres romans où la fin paraît évidente dès les premières pages. Sous ces airs de pavé, il se lit extrêmement vite, et c'est tant mieux.

 
Dernières infos.

Aristote et Dante découvrent les secrets de l'univers a été publié en 2012 pour la version originale et compte 359 pages.

Ma note.
Challenges.

100 livres à lire en 2020 : 37/100
Défi lecture 2020 : Consigne 18 - Livre dont le titre contient une conjonction de coordination - 37/100