samedi 24 août 2019

L'adieu à la femme rouge - Vénus Khoury-Ghata

En résumé.

La femme rouge nous ses cheveux près d'un cours d'eau en Mauritanie. La femme rouge avance dans la vie avec ses deux enfants, Zeit et Zina et son mari qui n'a rien de plus à lui offrir qu'une humble case à l'ombre d'un figuier. Si la femme rouge est une femme mystérieuse qui ne dévoile rien sur qui elle est, elle rêve néanmoins d'être quelqu'un d'autre. C'est donc tout naturellement qu'elle s'échappe, à l'abri des regards, en compagnie d'un photographe venu d'ailleurs. Passé le stade de l'incompréhension, le père et les enfants se lancent à la poursuite de la femme rouge, de l'épouse, de la mère. Ce périple les conduira jusqu'en Espagne où ils la retrouveront sur des affiches plaquardées sur tous les murs de la ville. La femme rouge est passée à autre chose et eux doivent survivre dans cette jeungle qui laisse peu de place aux clandestins.

Mon avis.

Voici un tout petit livre que je me suis procurée dans une sorte de magasin de seconde main. Toujours dans ma période "lectures d'Afrique", autant vous dire que je me suis laissée avoir par la couverture explicite. A la lecture du nom de l'auteur, je pensais que cette dernière était africaine et qu'elle avait écrit sur son pays, la Mauritanie. Or, après quelques recherches, j'appris que Vénus KHOURY-GHATA est née et a grandi au Liban, puis elle a rejoint la France afin de fuir la guerre dans son pays. J'ai également appris qu'elle a reçu le prix de l'Académie Française en 2009 puis le prix Goncourt en 2011 pour ses poèmes. 

Ici, il n'est pas question de poésie. Cette histoire est plutôt une façon originale de parler d'immigration. La femme rouge, dont on ne sait quasiment rien, incarne le rêve de milliers de personnes venues d'Afrique de devenir quelqu'un d'autre, d'être sous les feux des projecteurs, d'attirer l'attention, de façon positive, sur qui ils sont. Justement parce qu'aucun détail n'est donné sur elle, on peut imaginer n'importe qui à sa place. Dans un premier temps, ses rêves de femme libre et adulée sont exaucés, grâce à ces hommes, photographe, écrivain, qui la mettent en valeur, qui voient en elle une beauté incomparable. Puis le rêve tourne au vinaigre, lorsque le réel reprend ses droits, lorsque la femme rouge comprend que rien n'est acquis et que la société de consommation, si mouvante, si instable, balaye à un rythme effréné les modes, le sens même de la beauté, elle n'écoute pas les désirs d'une femme venu d'un petit village à l'autre bout du globe. J'y ai vu un parallèle avec la lutte que mènent les migrants pour atteindre le sol européen, entre le départ vers un eldorado fantasmé, puis l'euphorie de l'arrivée, l'euphorie d'avoir échappé à la mort, puis le retour, cruel, à la réalité, où les lois européennes laissent de côté ceux qui ne sont pas nés au bon endroit. 

J'ai aimé lire ces quelques pages, bien construites, dont toute l'histoire tourne autour de cette femme qui reste pourtant invisible, puisqu'elle ne s'exprime pas, et semble tellement prise dans cette envie d'autre chose qu'elle demeure complétement fermée à son passé. Elle est tellement présente qu'on n'en oublierait presque les personnages secondaires qui sont pourtant eux aussi très présents. L'amour qu'ils portent à cette femme est inconditionnel, du moins il justifie leur périple, l'abandon de leurs terres natales pour des contrées hostiles, où survivre dans la rue est une lutte de chaque instant. Même si la volonté de l'auteur est peut-être d'attirer l'attention sur la mère, j'ai particulièrement aimé le père, qui m'a fait l'effet d'un homme pur, dépassé par le comportement de son épouse mais qui ne renonce jamais à l'espoir de la ramener chez lui. Les deux enfants m'ont moins marquée, en particulier Zina dont je ne comprends pas bien l'évolution au fil du roman. Toutefois, on ne peut éprouver que de la peine pour ces jumeaux jetés et reniés par cette mère toujours aveuglée, mue par le désir de reconnaissance.

Ce roman fut l'objet d'une lecture agréable, rapide et sans fausse note. Pour autant, je pense que je l'aurai oublié d'ici quelques mois. C'est le genre de roman que l'on est content d'avoir lu mais dont on ne garde pas une trace indélébile. Je pense que ce récit doit poursuivre sa route et je le déposerai dès que possible dans une boîte à livres, afin qu'il rejoigne d'autres mains lectrices.
Dernières infos.

L'adieu à la femme rouge a été publié en 2017 et compte 192 pages. En cherchant quelques informations pour cette chronique, je suis tombée sur cette émission de Frane Inter consacrée à ce livre. Je ne l'ai pas encore écoutée mais j'y vais de ce pas !

Ma note.

vendredi 16 août 2019

Il nous faut de nouveaux noms - NoViolet Bulawayo

En résumé.

Chérie est une petite fille de 10 ans qui habite le Zimbabwe. Avec ses nombreux amis, elle aime inventer des jeux et aller voler des goyaves sur les terres des riches propriétaires aux alentours du bidonville où elle vit. Cela pour oublier l'horreur : une maison rasée, un père parti en Afrique du Sud, une mère qui "vend des choses" à la frontière et qui peut s'absenter plusieurs semaines, une grand-mères adepte de coutumes religieuses douteuses, sa copine enceinte à 10 ans, les multiples tensions dans le pays et la misère, toujours la misère. Arrivée à l'adolescence, Chérie parvient à rejoindre sa tante qui habite Détroit aux Etats-Unis. L'arrivée sur ces nouvelles terres représente de nouveaux obstacles à franchir, Chérie va devoir se construire en tant que femme, loin de ses proches, loin de sa terre natale, et l'on ne peut imaginer à quel point ce ne sera pas facile.

Mon avis. 

Je poursuis sur ma lancée, mon envie de découvrir des histoires venues d'Afrique et écrites par des auteurs africains. J'ai croisé la route de ce livre au détour d'une énième visite sur l'excellentissime blog A l'horizon des mots, qui foisonne de lectures fortes et peu connues. J'ai une fois de plus été séduite par le billet de l'hôte de ses bois, toujours aussi précis dans l'écriture et me voilà qui boucle mes valises pour le Zimbabwe, pays à l'histoire tragique.

Ce livre, peu visible sur la blogosphère, a néanmoins été très apprécié par tous les lecteurs qui ont tourné ses pages. Malgré ces belles promesses et le résumé qui donne envie, je dois avouer que je suis restée sur ma fin, sans trop définir pour autant l'origine du couac. Le style d'écriture est fluide, agréable à parcourir, l'histoire est rythmée, avec cette première partie dédiée à la vie de Chérie au Zimbabwe alors que la seconde partie nous amène aux Etats-Unis et toutes nos cordes sensibles sont branchées sur le mode vibreur. Toutefois, gourmande que je suis, j'aurais aimé plus, plus de détails, plus de précision dans les événements narrés et dans la vie des personnages. Les épisodes de la vie de la jeune fille sont trop vite balayés à mon goût, ils relèvent plus de l'anecdote que de la pierre qui participe à la construction du livre. J'aurais surtout aimé en apprendre davantage sur l'histoire politique du pays. On sent bien les querelles entre Noirs et Blancs, le passé colonial qui est toujours là, latent, qui ne quitte pas ces générations traumatisées, on devine aussi les tensions qui agitent les clans qui se disputent désormais le pays mais tout ça reste flou. J'aurais aimé que l'auteur précise les faits, sans trop en dire non plus car nous ne sommes pas dans un roman historique mais suffisemment pour situer l'histoire dans son temps, en gardant à l'esprit tous les éléments de contexte. Ainsi, j'ai dû aller faire quelques recherches pour en savoir plus sur le Zimbabwe, en ressortant de tout cela un peu frustrée, car n'ayant pas le courage de m'enfiler de longs pavés encyclopédiques. Je ne me suis pas non plus attachée aux personnages, que ce soit les personnages secondaires comme les amis de la jeune fille ou les membres de sa famille ou Chérie elle-même que je ne suis pas parvenue à cerner, entre la petite fille qu'elle était et la jeune femme qu'elle est devenue après son arrivée au Etats-Unis. 

Ainsi, je reste sur une impression de lecture superficielle, dont je garderai certains paysages en tête mais dont j'oublierai tout le reste. Peut-être que j'en attendais trop, que j'aurais dû me laisser davantage porter par le récit de Chérie, sans trop me poser de questions, ou peut-être encore que ce n'était pas le bon moment pour cette lecture. Ou peut-être que c'est comme ça, on adhère à certaines lectures et d'autres nous laissent de marbre, on ne peut pas toujours donner une raison à tout. Malgré cette déception teintée d'amertume, je décide d'octroyer à ce livre un trois fleurs car il est à mon avis important que des auteurs, originaires d'Afrique continuent à s'exprimer sur ces thèmes-là, en ces termes parfois crus et violents mais tellement vrais et d'actualité. Même si je ne me laisse pas toujours emportée par les récits proposés, je suis toujours heureuse de tomber sur ce genre de livres qui nous amènent ailleurs, qui nous ouvrent les yeux sur des préoccupations différentes des nôtres et peut-être plus essentielles et qui nous sortent de nos sentiers battus. Pour toutes ces raisons, je vous encourage à vous plonger dans Il nous faut de nouveaux noms, rien que pour la leçon de vie qu'il nous offre.
Dernières infos.

Il nous faut de nouveaux noms a été publié en 2014 pour la version française et compte 285 pages.

Ma note.