samedi 27 juin 2020

Les noces barbares - Yann Queffélec

En résumé.

Nicole n'est encore qu'une gamine quand elle se fait violer par un prétendu soldat américain, qui lui promet monts et merveilles. De cette union forcée, naîtra Ludovic. L'Américain parti, Nicole devra élever seule cet enfant non désiré et symbole de cette nuit de honte et de souffrance. D'abord caché dans le grenier de la demeure des parents de Nicole, des boulangers rustres obsédés par le qu'en-dira-t-on, nourri à coup de lance pierre, il va ensuite rejoindre la maison de Micho, brave gars qui s'est entiché de Nicole. Mais les années passent, et le désir de se débarrasser de cet enfant encombrant ne cesse de grandir dans l'esprit de Nicole. Alors elle le fera passer pour fou, jusqu'à le faire admettre dans une institution pour adultes présentant une déficience intellectuelle. Jusqu'à ce que Ludovic parvienne à s'enfuir, obsédé par son désir de retrouver cette mère qui l'a rejeté depuis ses premiers jours.

Mon avis.

Livre que je connaissais de nom, mais que j'ai redécouvert suite à une discussion avec la maman d'une amie qui était en train de le lire et qui en était bouleversée. Depuis cette discussion, je l'avais gardé en tête et j'ai finalement franchi le pas après avoir vu qu'il était disponible dans ma médiathèque.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce livre ne nous laisse pas indifférent. J'ai d'ailleurs mis du temps avant de trouver l'envie de le chroniquer, encore assaillie par ce sentiment de malaise que l'on éprouve à la lecture et qui perdure une fois les dernières pages tournées. L'histoire tragique de Ludovic est d'un réalisme à couper le souffle, les mots sont tellement simples et concis qu'on a l'impression de pénétrer dans une véritable histoire de famille. Pas de fioriture, pas de tournures superflues, juste l'essentiel pour décrire à quel point le manque d'amour et de considération peut détruire un être, ou du moins l'empêcher de se constituer en tant qu'être. La force de ce récit tient aussi à le personnalité de Ludovic, jeune garçon qui ne se rebelle jamais, qui trouverait presque normale la brutalité dont sa mère et ses grands-parents font preuve à son égard. En même temps, il n'a rien connu d'autre depuis sa naissance. C'est un jeune qui subit, qui avance dans la vie à sa manière, une manière qui ne plait pas car trop empotée et hors du cadre. Personne ne remet en cause l'environnement dans lequel il a grandi, personne ne va aux racines du dysfonctionnement, tous se heurtent à la personnalité de Ludovic et à sa bizarrerie dont lui seul semble responsable. C'est une histoire qui sonne juste, dont la force suffit pour ne pas avoir besoin d'en rajouter, ce qui nous empêche de tomber dans une sorte d'apitoiement malvenu et qui ne ferait pas honneur au personnage de Ludovic.

C'est aussi une histoire de destins. Je ne sais pas si l'auteur croit en la force du destin mais je trouve que tous ses personnages ont ça de commun, cette force irrépressible qui les tire vers l'accomplissement de ce pour quoi ils ont été envoyés sur Terre. Bien sûr, on pense d'abord à Ludovic car il est le personnage central du livre et parce que son destin, tellement empreint de la relation malsaine qu'il le lie à sa mère, ne peut le mener qu'à cette issue fatale. Mais il ne faut pas oublier les autres personnages qui sont eux aussi emportés par le tragique et empêchés dans leur liberté d'aller vers autre chose. Bien évidemment, je pense à Nicole, jeune adolescente ayant très envie de faire comme les adultes, à tel point que ce désir si ardent va la propulser trop vite dans sa nouvelle vie de femme et de mère. Dans les faits, elle restera toujours une fille-mère, engoncée dans le traumatisme de cette nuit affreuse, toujours dépendante des autres (ses parents puis Micho) pour faire tiers dans sa relation avec son fils - relation bien trop complexe pour évoluer vers du mieux. Enfin, il y a le personnage de Micho qui n'aura finalement jamais connu le bonheur, malgré toute la générosité qu'il a à offrir. Le destin le pousse irrémédiablement vers Nicole, tellement aveuglé qu'il est pour ne pas voir à quel point sa nouvelle femme est détraquée. Micho est la seule lumière d'espoir dans toute cette histoire extrêmement glauque.

Glauque, voilà le résumé des Noces barbares. Glauque pour qualifier la nuit au cours de laquelle Ludovic a été créé. Glauque pour qualifier la relation mère - fils qui constitue le cœur de l'intrigue. Glauque pour qualifier l'institution dans laquelle est admis le jeune adolescent. Lecture glauque et puissante, qui m'aura marquée pour plusieurs mois, si ce n'est années.
Dernières infos.

Les noces barbares a été publié en 1985 et compte 344 pages. Il obtient le Prix Goncourt la même année et est adapté au cinéma deux ans plus tard par Marion Hänsel.

Ma note.
Challenges.

Défi lecture 2020 : Consigne 90 - Livre ayant pour thème les relations mère/fils, mère/fille - 23/100

samedi 20 juin 2020

Le temps des secrets - Marcel Pagnol

En résumé.

Le jeune Marcel a désormais onze ans et s'éloigne peu à peu des jeux d'enfants pour entrer dans l'adolescence, qu'il aborde avec insouciance et naïveté. Lors de nouvelles vacances dans les collines de l'arrière pays marseillais, il se rend vite compte que les années se succèdent mais ne se ressemblent pas. Lili des Bellons, son tendre ami, n'est plus disponible pour l'accompagner dans la pose de pièges, il est désormais dévolu aux travaux des champs, aux côtés de son père. Marcel, dans un premier temps attristé par cet abandon forcé, trouve de nouvelles occupations lorsqu'il croise au détour d'un chemin la belle Isabelle. Sa beauté, sa position sociale qu'elle fait croire très respectable, son autorité conduisent Marcel à l'aimer quasi instantanément. Vient alors le temps des secrets, les pudiques, ceux de l'amour. Le jeune garçon s'absente de plus en plus et délaisse sa famille, ainsi que le jeune Lili. Néanmoins, les secrets ne sont pas faits pour durer et son manège sera un jour dévoilé. Cela s'accompagnera de la fin des vacances, et du retour à la vie marseillaise. Une nouvelle année scolaire débute, mais celle-ci est toute particulière puisque Marcel fait son entrée au Lycée. L'occasion pour lui de poursuivre sa quête d'identité.

Mon avis.

Je pense avoir toujours vu ce livre trôner sur les étagères de la bibliothèque familiale et avoir toujours entendu ma mère en parler avec beaucoup d'émotion et d'humour, le présentant comme un livre qui a bercé sa jeunesse. Lu il y a bien des années, j'ai décidé, à l'approche des beaux jours, de me replonger dans l'enfance de Marcel PAGNOL, après avoir lu il y a deux ou trois étés de cela les deux premiers opus qui précèdent celui-ci dans la tétralogie des Souvenirs d'enfance, La gloire de mon père et Le château de ma mère.

Même si j'avais beaucoup apprécié ces deux premières lectures, celle du Temps des secrets fut encore plus agréable. Peut-être la joie de retrouver cet univers si chantant, coloré et innocent, ce temps où les bonheurs simples existaient encore, une balade dans les collines, un jeu d'Indiens, les veillées nocturnes, sans télé ni téléphone pour parasiter l'instant présent. A chaque fois que je me plonge dans ces livres me viennent des évocations de toutes sortes : le chant des cigales, le rire de l'oncle Jules, l'accent chantant d'Augustine, la lumière qui plonge sur le vert des collines et le gris des pierres, l'odeur des mijotés et la chaleur des chemins gravillonnés. Tout ceci enrobé par l'insouciance enfantine qui exacerbe encore plus cette entrée sensorielle dans l'évocation des souvenirs et rend ces journées encore plus épiques, comme si l'on avait affaire à un roman d'aventures. L'arrivée de nouveaux personnages comme Isabelle et sa famille viennent rythmer les vacances du jeune Marcel et amènent avec eux de nouvelles évocations : je pense notamment à l'épisode de la diarrhée qui accable Isabelle, à chaque fois j'en ai des hauts le cœur, rien que d'imaginer l'odeur dans la maison, renforcée par celle des crottes de chats, tout cela dans un mobilier tombant en ruine et poussiéreux.

Le petit plus de ce troisième volume est l'entrée de Marcel dans l'adolescence. Cela s'accompagne nécessairement de nouveaux questionnements et positionnements qui ne sont pas inintéressants et qui je pense font écho en chacun de nous. La question centrale du changement (corporel, mental voire idéologique) bien sûr, mais aussi la durabilité de l'amitié, lorsque les jeux ne sont plus assez présents pour lier deux jeunes garçons qui ont des vies si différentes, l'arrivée du sentiment amoureux aussi et toute la horde de sentiments contradictoires que Marcel éprouve vis-à-vis de sa famille (la trahison, l'impression d'agir à leur insu et de leur cacher des choses tout en voulant leur faire croire qu'il est encore un petit garçon naïf). Cette évolution du jeune Marcel se poursuit avec son entrée au lycée. Il s'agit là de la deuxième partie du livre. Elle fut pour moi plus laborieuse, j'ai éprouvé quelques longueurs, notamment lors de la description des professeurs et des autres élèves. Toutefois, ces quelques chapitres restent capitaux dans le sens où on voit à quel point Marcel se cherche et se compare aux autres pour se construire lui-même. Lui, le fils d'un instituteur respecté, toujours premier dans son école de quartier, sage et méritant est désormais confronté aux élèves pas si sages, aux professeurs et aux salles qui changent, au grand nombre qui le pousse à vouloir se démarquer des autres. Ainsi, ce livre marque la fin du jeune Marcel tel qu'on l'a connu dans les deux premiers volumes.

A l'heure où les départs en vacances semblent incertains et où les voyages ne doivent plus se faire aussi lointains, je ne peux que vous conseiller de vous plonger dans les Souvenirs d'enfance de Marcel PAGNOL. Dépaysement garanti, sans bouger de son transat, à l'ombre d'un arbre feuillu. Ce livre est qui plus est empreint d'humour et d'émotion, garantissant un moment de lecture très agréable.
Dernières infos.

Le Temps des secrets a été publié en 1960 et compte 311 pages. Il fait partie de la tétralogie Souvenirs d'enfance. Il est précédé de La gloire de mon père, Le château de ma mère et est suivi du Temps des Amours.

Ma note.
Challenges.

Défi lecture 2020 : Consigne 66 - Livre de l'un de ces auteurs : Balzac, Morrison, Pagnol, Duras, Sagan, Aymé - 22/100

samedi 13 juin 2020

Le Cycle de l'invisible - Eric-Emmanuel Schmitt

Sur cette page, découvrez mes avis sur les romans composant le Cycle de l'invisible - cycle rédigé par un auteur que l'on ne présente plus, Eric-Emmanuel SCHMITT et consacré aux spiritualités. Ce cycle comporte à ce jour huit romans très courts qui mettent en scène, chacun à leur tour, un enfant et une spiritualité. 

TROISIÈME ROMAN : Oscar et la dame rose.

En résumé : Oscar a dix ans et sa maison, c'est l'hôpital. Atteint d'une maladie incurable, il sait que ses jours sont comptés. Face aux médecins et à ses parents qui lui mentent délibérément sur la gravité de son état, il va trouver du réconfort auprès de Mamie-Rose, une des dames roses bénévoles qui rendent visite aux enfants malades pour leur apporter un peu de douceur. Mamie-Rose est la seule qui ose lui dire la vérité et qui ose le bousculer dans son quotidien, pas étonnant pour une soi-disant catcheuse renommée. C'est aussi elle qui va le convaincre d'écrire à ce Dieu auquel l'enfant ne croyait pas, pour apaiser ses peines et l'encourager à croire aux douze derniers jours, ceux qu'Oscar vivra pleinement, comme si chaque jour représentait dix ans, cent-vingt ans, pour finir par s'éteindre doucement.

Mon avis : Je le conçois, Oscar et la dame rose ne décrocherait pas la palme du résumé le plus joyeux. Toutefois, ne jamais se fier aux apparences, ce roman, bien qu'ayant tous les ingrédients d'une lecture tire-larmes, n'est pas larmoyant. Il y a suffisamment d'humour et de douceur pour contrebalancer le destin malheureux de ce petit garçon qui n'a rien demandé. Vous l'aurez sans doute compris à l'évocation de Dieu, ce roman est consacré au christianisme. Néanmoins, je trouve que la question de la spiritualité n'est pas franchement mise au centre du livre. Certes, ce livre est construit sur la succession de lettres qu'Oscar envoie à Dieu, pour lui raconter son quotidien, ses joies et ses peines et pour lui demander des petites faveurs, dans le genre Aladdin et la lampe magique. Mais je ne vois pas dans cette correspondance à sens-unique le point de départ du bien-être du petit garçon. C'est plutôt la relation qu'il entretient avec Mamie-Rose qui lui donne la force de vivre alors qu'il se sait condamné. Ce sont dans les souvenirs de la vieille dame, son passé amusant de catcheuse et les stratagèmes qu'elle met en place pour lui donner de nouvelles raisons de vivre, qu'Oscar puise sa détermination à profiter de chaque instant. Leur relation, autant que la personnalité d'Oscar, sont émouvantes à lire. Toutefois, je crois que ce livre est trop rapide (une centaine de pages) pour totalement se laisser prendre au jeu. Du moins, ce fut mon cas. Si j'ai apprécié ma lecture sur le moment, parce que pleine de fantaisie et attendrissante, je suis rapidement passée à autre chose une fois le livre refermé et je ne suis pas sûre que l'histoire d'Oscar me poursuivra encore longtemps. De même, j'ai eu le sentiment de passer un peu à côté du rôle central qu'était censé jouer le fait de croire en un Dieu supérieur.

Ma note : 3/5

Challenges :
Défi lecture 2020 : Consigne 46 - Livre dont le titre comporte le nom d'une couleur - 21/100

CINQUIÈME ROMAN : Le sumo qui ne pouvait pas grossir.

En résumé : Alors qu'il n'est âgé que de quinze ans, Jun a déjà connu la misère et le désarroi. Ayant fui sa famille dont il refuse de parler, il vend de la marchandise pour touristes dans les rues de Tokyo. Sans le sou, il dort à la belle étoile et se dit allergique à l'humanité. Le court de sa vie va prendre une nouvelle tournure grâce à sa rencontre avec Shomintsu, un maître qui entraîne des sumo au combat et qui décèle en Jun "un gros" malgré sa consistance toute frêle. D'abord hermétique à la parole de cet inconnu déterminé à l'inviter à un combat de sumos, il se laisse progressivement convaincre. Ce sera une révélation pour lui et cela va le mener vers une autre vision de la vie, de sa vie et de son histoire. 

Mon avis : Un jeune garçon aveuglé par les préjugés, emprisonné dans sa façon de se concevoir et de concevoir l'altérité, mais qui va progressivement s'ouvrir, faire tomber un à un les blocages qui l'empêchaient de vivre, notamment grâce à la méditation. Cela vous rappelle très certainement le bouddhisme, et il s'agit bien de cela dans cette cinquième partie du cycle de l'invisible. Je me suis beaucoup reconnu dans le personnage de Jun, même si sa transformation ne me parle pas vraiment, tellement elle est rapide et a un côté "idéal" qui l'empêche d'être réelle. Si les réflexions amorcées sont intéressantes, notamment sur les préjugés, sur nos visions parfois étriquées, l'inconvénient est ici le même que pour les autres romans du cycle, c'est beaucoup trop court. Pas le temps de soumettre le lecteur à réflexion, que Jun a déjà franchi de nouvelles étapes dans sa quête de lui-même. Certains développements mériteraient d'être plus approfondis. Je pense que cette histoire, qui plus est originale car le milieu des sumos est peu présent dans la littérature, serait une base de travail intéressante pour un roman plus long. Malgré ces petits bémols, j'ai quand même apprécié cette lecture, tant certains côtés ont résonné en moi. La leçon que je retiendrais le plus, même si elle n'est pas nouvelle, c'est que les choses peuvent changer du tout au tout, lorsqu'elles sont regardées sous un autre angle.

Ma note : 3/5

Challenges :

Défi lecture 2020 : Consigne 25 - Livre dont le titre contient une négation - 46/100

SIXIÈME ROMAN : Les dix enfants que Madame Ming n'a jamais eus.

En résumé : Au pays où la politique de l'enfant unique bride des millions de familles dans leur désir de fonder une large et belle fratrie, Madame Ming a réussi à avoir dix enfants. Du moins, c'est ce qu'elle fait croire à cet homme d'affaire français qui la rencontre dans les toilettes du Grand Hotêl de Yunhai où la vieille femme exerce le métier de dame Pipi. Au fil des conversations interrompues par ces hommes aux envies pressantes ou par les allers et venues plus ou moins longues de l'homme d'affaire, Madame Ming lui raconte les aventures pour le moins farfelues de ses enfants imaginaires. Alors que son interlocuteur n'a d'abord qu'une seule obsession, lever les mensonges de la dame Pipi, il se laisse prendre au jeu et finit par l'écouter, avec un plaisir non dissimulé, fabuler autour d'une vie qu'elle aurait aimé avoir, comme si la quête de vérité n'était plus prioritaire dans leurs échanges.

Mon avis : Comment parler de la Chine, pays immense, terre de contrastes et d'une richesse culturelle incroyable ? Par où commencer ? Eric-Emmanuel SCHMITT fait le choix de partir sur la piste du Confucianisme, nouvelle spiritualité explorée dans le cadre du Cycle de l'invisible. Dans ce très court roman (une centaine de pages), c'est le personnage de Madame Ming qui incarne la pensée de Confucius et la sagesse transmise à tout un peuple. Les citations sont nombreuses et ont pour vocation, semble t-il, à faire réfléchir le narrateur, engoncé dans sa pensée occidentale, mais aussi le lecteur. Au-delà de la diversité des cultures, la réflexion sur le mensonge et la vérité est universelle et c'est bien ce qui nous occupe une bonne partie du livre. A partir de quel moment est-il bon de dire la vérité ? Est-ce que toute vérité est bonne à dire ? Trouver refuge dans l'imaginaire est-il si dangereux que ça ? Voilà quelques questions posées par les échanges entre les deux protagonistes. Si j'ai trouvé ces pistes intéressantes, je trouve que ce livre est trop court pour amorcer une réelle réflexion. Les pages s'enchaînent, avec elles des citations de Confucius, quelques phrases qui nous piquent de part leur justesse, mais difficile d'aller plus loin tellement l'histoire se fait rapide. Une lecture qui se veut agréable, le personnage de Madame Ming étant divertissant et tellement loufoque qu'il nous arrache quelques sourires, mais je pense que je ne garderai malheureusement pas cette histoire en tête pendant bien longtemps. Un livre qui se lit, se relit et se re-relit pour bien s'en imprégner. 

Ma note : 3/5

Challenges :

Défi lecture 2020 : Consigne 32 - Livre dont le titre contient plus de huit mots - 32/100

SEPTIÈME ROMAN : Madame Pylinska et le secret de Chopin.

En résumé : 
Tout jeune, Eric-Emmanuel SCHMITT est intimidé par cet objet qui trône au beau milieu du salon, le cinquième membre de la famille, un piano droit. Lors de la fête organisée pour ses neuf ans, sa Tante Aimée fait courir ses doigts sur l'instrument et le ranime grâce à quelques airs de Chopin. Le jeune garçon est subjugué, un intérêt nouveau naît pour ce rival sur lequel il a longtemps jeté un regard noir. Il apprend vite à jouer, des mélodies de Bach, de Beethoven, Schubert mais Chopin lui résiste. Fraîchement arrivé à Paris pour ses études, il prend contact avec Madame Pylinska, une pianiste polonaise originale qui donne des cours et qui l’accepte comme élève. Rapidement, le jeune apprenti découvre des méthodes peu orthodoxes pour entrer dans l'univers de Chopin. Tantôt déboussolé, parfois même bousculé par les consignes de la vieille dame, il persiste et plus qu'une façon de jouer, il découvre une façon d'être au monde, apprenant peu à peu à connaître l'artiste de génie mais aussi à se connaître lui-même.

Mon avis : Une fois n'est pas coutume, il n'est pas question d'une religion à proprement parler dans ce très court roman, mais de la musique. Le pouvoir de la musique, qui agit comme un Dieu, il me semble que là est le message d'Eric-Emmanuel SCHMITT. La musique comme nouvelle spiritualité explorée dans le cadre du Cycle de l'invisible. L'auteur relate sa propre expérience et nous embarque vers des chemins insoupçonnés, à la découverte de Chopin et de l'impact qu'il a eu sur deux femmes de son entourage, la Tante Aimée, et Madame Pylinska. Deux femmes pour qui les notes du pianiste se sont avérées être des pansements contre la douleur, des remèdes pour traverser les chagrins, un éveil au monde, une entrée dans des univers inconnus. Comme la foi nous guide vers la connaissance de soi et des autres. Elles, elles ont cru dans le talent de cet artiste chétif. J'ai aimé ces deux personnages féminins, empreints d'une belle sensibilité, la sensibilité des artistes, tellement sensibles qu'elles ont su percer les secrets de leur maître pianiste. Cette sensibilité même que l'auteur n'a pas et qui le fait buter sur les mélodies de Chopin, du moins au début, avant que Madame Pylinska ne l'éveille aux beautés du monde. Eric-Emmanuel SCHMITT s'ouvre, à la musique, à l'amour, et à ce qu'il est profondément. C'est une histoire pleine de tendresse, mais qui s'écoule bien trop vite malheureusement. J'aurais aimé que ce trio soit davantage développé, que les deux personnages féminins soient davantage explorés et gonflent en puissance au fil des pages. Néanmoins, cela reste une lecture agréable, qui doit être à mon avis encore plus signifiante lorsqu'on est soi-même musicien (ce qui n'est pas mon cas).

Ma note : 3/5

Challenges :

* Défi lecture 2021 : Consigne 46 - Un livre dont un des personnages est artiste - 14/100
En 2021... Je voyage : Belgique (+ 20 points)

lundi 1 juin 2020

Ce que tient ta main droite t'appartient - Pascal Manoukian

En résumé.

Charlotte, trentenaire épanouie, est heureuse de rejoindre ce soir-là ses copines qui l'attendent déjà à la terrasse d'un café. Elle a hâte de leur montrer son petit bidon qui grossit, de jouer avec lui et de lui sussurer des mots d'amour entre deux verres. Ce bonheur, elle le partage avec Karim, l'homme de sa vie, le père de cette petit Isis qui s'apprête à voir le jour. Seulement ce soir-là, au milieu de toute cette euphorie, la mort rôde. Elle a pris le visage d'Aurélien, jeune homme qui a grandi en banlieue parisienne, promis à un grand avenir mais devenu rebelle et dealer jusqu'à son désir de rejoindre les forces de Daech. Ce soir-là, parmi les rires des clients du café, il y a aussi le rire froid et sombre de celui qui tue, sans état d'âme, sans scrupule, ennivré par l'alcool et les médicaments, aveuglé par l'accomplissement de son destin. Il aura suffi de quelques minutes pour que la vie de Karim et Charlotte bascule. Karim est veuf, ivre de colère et assoiffé de vengeance. Son désir de comprendre un tel acte, ainsi que son besoin de prendre sa revenche sur les assassins de sa femme et de sa fille vont le conduire jusqu'en Syrie, au coeur même de cette machine infernale qu'est Daech.

Mon avis.

Un livre qui me faisait de l'oeil depuis un bon bout de temps de part son thème et cette envie que j'ai eu de comprendre les mécanismes de la radicalisation. Suite au projet d'alléger ma liste des lectures "Pourquoi pas ?", je me suis résolue à l'emprunter dans ce lieu de tous les possibles qu'est la médiathèque et à me plonger dans cette histoire fictive de Karim et Charlotte.

Histoire fictive mais qui s'inspire de faits réels, tant l'histoire de Karim et Charlotte n'est que la réplique de véritables histoires de couples, endeuillés par la perte de l'un ou l'autre, et plus largement de véritables histoires de familles, endeuillées par la perte d'un père, d'une mère, d'un frère, d'une soeur... D'ailleurs, même si les lieux sont fictifs (la tuerie a lieu à Aubervilliers si j'ai bonne mémoire), nous pouvons très aisément faire le parallèlle avec les attentats de 2015 qui se sont déroulés à Paris. La suite est tout aussi réaliste, l'embrigadement de Karim, d'abord au sein de la mosquée qu'il fréquente ponctuellement puis par de véritables hommes de Daech, à distance, grâce à des contacts Facebook, le voyage jusqu'en Syrie puis les jours passés là-bas, dont aucun mot ne peut décrire la barbarie. Ainsi, si toute la première partie est avant tout fiction, le temps d'installer les lieux et les personnages, la suite adopte davantage un style journalistique et documentaire, ce qui n'a rien de surprenant étant donné que Pascal MANOUKIAN est reporter de guerre, avant d'être romancier. Il n'est donc pas impossible qu'il mêle à son récit des faits qu'il a observés sur des territoires en guerre. L'originalité de ce livre tient au fait que Karim est un peu à part dans le pelloton d'Européens qui prêtent allégeance à Daech étant donné qu'il y vient pour assouvir son désir de vengeance et agit donc comme un espion. Du fait de cette position particulière, il analyse la situation avec beaucoup de recul et d'esprit critique, ce qui n'est pas le cas des autres qui sont complètement aveuglés par l'idéologie du califat. Il finit donc par proposer au lecteur un regard de journaliste qui, bien qu'étant là pour des raisons personnelles, rend compte d'une réalité cruelle et tente d'en comprendre les mécanismes.

Ce livre a tout pour plaire : de l'émotion, beaucoup d'émotion, un Karim à la volonté de fer, des passages de type reportages qui ont la vocation de renseigner les lecteurs sur des faits réels et un style d'écriture qui nous amène à tourner les pages comme dans un pollar. D'ailleurs, les critiques sur Livraddict sont très positives. Et pourtant, malgré tout ça, j'ai le sentiment de ne pas avoir complètement apprécié ma lecture. J'ai d'abord été un peu refroidie par certains personnages que j'ai trouvés caricaturaux, de même que certaines coïncidences un peu lourdes. Par exemple, la fille de Karim et Charlotte aurait dû s'appeler Isis. Si c'est un prénom qui nous fait d'emblèe penser à la mythologie égyptienne, c'est aussi le nom de l'Etat islamique en anglais, alors même qu'elle allait mourir d'un partisan d'ISIS. D'autres hasards de ce genre sont très présents en début de récit et je les trouve trop gros pour être vrais à tel point qu'ils m'ont arraché plusieurs soupirs pendant ma lecture. Je n'ai pas non plus apprécié la facilité déconcertante avec laquelle Karim a pris sa décision de tout quitter pour rejoindre la Syrie, ni la facilité avec laquelle il a réussi à se faire embrigadé, en seulement quelques jours. Je ne doute pas du fond réaliste de tout cela, mais j'ai trouvé que ce choix de partir en Syrie est trop vite expédié pour être vrai. Même si je peux concevoir la rage et la haine qui habitent toute personne ayant perdu des proches dans un attentat, j'imagine aussi que le choix de partir en Syrie pour se venger n'est pas anodin. Une dernière chose qui m'a déçue est le manque de nouveautés dans ce récit. Je ne sais pas si c'est parce qu'il y a eu beaucoup de reportages suite aux attentats de 2015 mais j'ai le sentiment de ne pas avoir appris grand chose dans ces quelques pages. Le profil des personnes qui décident de se soumettre à des thèses aussi extrêmistes est bien connu maintenant, de même que les horreurs qui sont commises là-bas. L'impression donc d'être restée un peu sur ma faim, même si le contenu était prometteur.

Cette lecture a un fond très réaliste, des attentats aux mécanismes qui permettent l'embrigadement de nouveaux partisans de Daech. Toutefois, plusieurs maladresses sont présentes dans ce récit et viennent justement désservir cette volonté de coller à la réalité. Néanmoins, je vous conseille cette lecture si ce thème vous intéresse et si vous souhaitez plonger au coeur de la barbarie de l'Etat islamique au travers des yeux d'un homme prêt à tout pour retrouver sa dignité. 
Dernières infos.

Ce que tient ta main droite t'appartient a été publié en 2017 et compte 272 pages.

Ma note.
Challenges.

Défi lecture 2020 : Consigne 21 - Livre dans lequel le personnage principal a un changement de vie - 19/100