samedi 16 novembre 2019

Tous tes enfants dispersés - Beata Umubyeyi Mairesse

En résumé.

Blanche, née d'une mère rwandaise et d'un père belge, fuit Butare, petite ville du Rwanda limitrophe du Burundi, en 1994, alors que le tristement célèbre génocide des Tutsi débute. Elle rejoint Bordeaux et y démarre une nouvelle vie : un nouveau travail, un mari puis un fils, Stokely. Depuis cette date fatidique, et à plusieurs reprises, elle revient sur ces terres qui l'ont vu naître, cotoyer les fleurs majestueuses des jaracandas et renouer avec le passé. Elle se confronte à sa mère, qui a vu le génocide de prés mais qui y a réchappé, par miracle, et à son frère Bosco, guerrier né qui a participé à la lutte contre les Hutu puis aux autres combats qui ont vu le jour par la suite au Zaïre. Reconstruire une histoire à trois, quand tout a volé en éclat, sa confiance en l'autre, son amour de l'autre, son identité, sa légitimité à occuper ces terres détruites jusqu'à la moëlle. Un travail de longue haleine où le petit Stokely, bien que né à des milliers de kilomètres de là, pourrait bien avoir un rôle à jouer...

Mon avis.

Après le fabuleux Avant que j'oublie d'Anne PAULY, voici une deuxième lecture issue de la rentrée littéraire 2019, tout aussi riche et puissante et que j'ai dévorée en quelques jours, saisie par l'émotion.

Du génocide rwandais, je ne connaissais presque rien. Bien sûr, j'en avais entendu parlé, plusieurs fois, comme tout le monde je pense. Mais de là à en connaître les tenants et les aboutissants... J'ai donc tourné les premières pages de ce livre sans aucun a priori, avec toute ma naïveté et prête à me laisser surprendre. On entre dans ce livre au même rythme que Blanche nous dévoile son histoire, c'est-à-dire avec une certaine lenteur portée par toute la pudeur nécessaire dans ces circonstances. Page après page, ce ne sont pas ces trois mois de génocide que nous découvrons, mais une histoire familiale, de la grand-mère de Blanche à son fils, ces années de colonisation belge, et l'impact que la vie à l'européenne a eu sur ceux qui n'avaient toujours connu que les vallées fertiles de ce pays enclavé dans l'Afrique des grands lacs. Pour retracer cette histoire familiale complexe, les voix se succèdent, celle de Blanche, bien sûr, rivée sur le visage assombrie de sa mère, puis celle d'Immaculata, la mère donc, entièrement préoccupée par Bosco, ce fils et ce frère abreuvé par toutes les horreurs de la guerre, et enfin celle de Stokely qui porte en lui l'espoir de la nouvelle génération. Trois générations donc qui portent un regard différent sur les faits, et toujours comme point de repère la plume délicate et poétique de l'auteur. Les mots sont à ce point précis qu'ils me donnent à penser que ce récit contient peut-être une part autobiographique puisque Beata UMUBYEYI MAIRESSE a elle-même fui le génocide rwandais en 1994.

Ces regards multiples portent en eux toute la richesse de cet écrit de haute voltige. Les problématiques soulevées sont nombreuses et tout aussi pertinentes les unes que les autres. Déjà, la question de l'identité, lorsqu'on est le fruit d'un métissage. A celà, s'ajoute le rôle de l'Histoire vécue et partagée. Si l'on n'a pas vécu de près le génocide, peut-on quand même se considérer comme rwandais ? Ce sont à ces questions que Blanche se heurte à chaque fois qu'elle rend visite aux siens, elle qui est partie, elle qui s'est absentée pendant de longues années alors que son frère et sa mère sont restés, eux, à vivre ce moment historique si tragique. A côté de cela, il y a tout le panel de sentiments que l'on éprouve et avec lesquels il faut avancer : la culpabilité de ne pas avoir été là, la légitimité de  se placer dans un pays ou dans l'autre, la peur pour les siens, la tristesse d'être séparé, la détresse devant ce passé si complexe. Par ailleurs, se pose également la question du rôle du père. Blanche et Bosco n'ont pas le même père, un qui a été choisi par Immaculata par opportunisme et par rancoeur, l'autre par amour et passion. Quoiqu'il en soit, deux pères absents et pourtant toujours présents dans le regard que porte la mère sur ses enfants. Et puis bien sûr, comment avancer dans la vie, en portant sur son dos cet héritage complexe, quoi transmettre à Stokely de ses origines, de la langue maternelle. Toutes ses questions sont abordées de façon subtile, sans qu'aucune réponse ne soit donnée, d'ailleurs il n'y en a pas, à part le temps, qui, seul, peut panser les blessures.

Un livre qui n'est absolument pas larmoyant, mais qui est fort, précis et pertinent. Une histoire humaine, de transmission entre diverses générations qui ont chacune leur fardeau à porter. Vraiment, je conseille ce livre à tous !
Dernières infos.

Tous tes enfants dispersés a été publié en 2019 aux éditions Autrement et compte 256 pages. Si vous souhaitez en savoir plus sur le génocide du Rwanda, vous trouverez pléthore d'informations sur la toile. Toutefois, je vous conseille particulièrement ces deux épisodes très bien faits du Dessous des cartes, un consacré au génocide, ici et l'autre à ce qu'est le Rwanda aujourd'hui, ici, ainsi que cet épisode d'Affaires sensibles sur France Inter, consacré lui aussi au génocide, ici.

Ma note.

dimanche 3 novembre 2019

Swap - Embarquement pour les vacances d'été

Bonjour à tous !

Je rédige aujourd'hui un article un peu spécial puisqu'il sera consacré au Swap - Embarquement pour les vacances d'été qui vient de s'achever ! Il était temps, alors que nous sommes bien installés dans les intempéries automnales... Cela faisait très longtemps que je n'avais pas participé à un swap, par manque de temps. Cet été, j'ai donc été tentée par ce thème proposé par Ellalecrivain sur Livraddict. (j'aime beaucoup les swaps sur les saisons). N'ayant pas de binôme, Fannyreads a été tirée au sort pour être ma correspondante. 

Voici quelques photos du déballage :

























Le colis devait contenir :
* Deux livres : Fannyreads et moi avons fait le choix d'envoyer un livre extrait de la WL de son binôme, et un autre livre que nous avions beaucoup aimé et que nous voulions faire découvrir à l'autre. Ainsi, Fannyreads m'a offert Le parfum du bonheur est plus fort sous la pluie de Virginie GRIMALDI, qui figurait sur ma WL, et Jardins secrets de Helen WARNER, qu'elle a beaucoup aimé. J'ai hâte de découvrir ces deux livres que je me réserve pour l'été prochain. De mon côté, je lui ai envoyé Deux petits pas sur le sable mouillé d'Anne-Dauphine JULLIAND, qui venait de sa WL et L'île des oubliés de Victoria HISLOP, qui m'avait vraiment marqué.
* Deux gourmandises : Fannyreads m'a fait parvenir une boîte de thé vert parfumé à l'orange sanguine et au pamplemousse. Je l'ai déjà goûté et il est vraiment très bon ! En plus, la boîte est toute mignonne et je la garderai pour y ranger du thé que j'ai en vrac. Le colis était également parsemé de Chocobons. De mon côté, je lui ai envoyé une plaque de chocolat et une plaque de nougat, tout deux fabriqués non loin de chez moi. 
* Une carte postale représentant notre destination de voyage souhaitée : nous avons un peu contourné la règle et nous nous sommes envoyé une carte postale de l'endroit où nous sommes parties en vacances cet été.
* Deux marque-pages : Fannyreads m'a envoyé deux photos de son lieu de vacances et de sa ville, qu'elle a plastifiées, cela fera office de marque-page. De mon côté, je lui ai offert un marque-page que l'on peut clipser sur le livre avec un petit oiseau trop mignon, et deux autres petits marque-pages  magnétiques qui s'aimantent à travers les pages, ornés de petites fleurs toutes mignonnes elles aussi.
* Deux goodies : J'aurais dû recevoir une trousse mais je ne l'ai point trouvée dans le colis... Je n'ai donc pas eu de goodies. Pour ma part, j'ai envoyé à Fannyreads un savon et un gel douche aux senteurs estivales fabriqués dans une savonnerie artisanale non loin de chez moi. 

Voilà pour ce petit résumé swapesque. Je remercie Fannyreads pour ce colis, en espérant que le mien lui aura plu également. Et surtout, je remercie vivement Ellalecrivain pour l'organisation, je me doute à quel point ce doit être chronophage. 

A bientôt, je l'espère, pour d'autres swaps ! 

samedi 2 novembre 2019

Avant que j'oublie - Anne Pauly

En résumé.

Carrières-sous-Poissy - banlieue parisienne - sous un soleil automnal, le cœur d'Anne PAULY n'est plus à la fête, gelée par le deuil et les souvenirs. Elle vient de perdre son père, cet homme au double visage, homme alcoolique et brutal avec sa femme d'une part, amateur de poésie et collectionneur minutieux de piles usagées d'autre part. Anne PAULY part en pèlerinage émotionnel, sur les traces de ce père dont l'absence lui creuse une boule de chagrin dans sa gorge de femme épanouie. Après avoir affronter l'hôpital, il faut aller sur sa tombe, l'honorer une dernière fois puis rejoindre la vieille baraque, musée d'un quotidien de personne âgée, regorgeant d'objets à la fois insolites et banals, remplis de souvenirs douloureux. Trier les affaires, mettre sa tristesse de côté, faire preuve de courage face à un frère peu concerné par le départ du géniteur. Une tranche de vie, dans son côté sombre.

Mon avis.

Voici le premier roman, prometteur, d'une toute nouvelle écrivaine, Anne PAULY, sorti dans le cadre de la rentrée littéraire 2019. D'habitude, je ne participe pas à ces rentrées littéraires, par manque de temps pour choisir méticuleusement et patiemment les titres qu'il me plairait de découvrir, et puis par manque de budget car on le sait, les livres grand format, bien que revêtant un confort de lecture, coûtent cher. Cette année fait donc figure d'exception, grâce à mon amoureux, qui, dans le cadre de ses études, doit lire des romans de la rentrée littéraire. Je fais donc office de second dans ses lectures qui sont déjà sélectionnées (cela m'évite de faire des choix) et fournis par son école (pas de budget à prévoir donc). 

C'est donc avec beaucoup de joie, de plaisir mais aussi d'émotion que j'ai découvert Avant que j'oublie. Difficile d'écrire un énième roman sur le deuil, quand tant d'autres l'ont fait avant vous. Quoi dire de plus ? Quoi de dire de moins ? Quoi dire de différent ? Comment se démarquer pour frapper le lecteur ? Je pense que l'auteur ne s'est justement pas posée toutes ses questions, elle s'est juste contentée de nous livrer son propre deuil, sa façon à elle de vivre ce moment si particulier qu'est la perte d'un père, et c'est en ça que réside, à mon sens, la force de se livre. Une histoire écrite avec beaucoup d'humilité, de simplicité, qui va droit à l'essentiel et qui ne s'encombre pas de phrases larmoyantes ou déjà vues. Cette narration de scènes que chacun est amenée à vivre un jour, l'hôpital, la confrontation avec les pompes funèbres puis avec la maison, témoin de notre jeunesse perdue et de nos parents perdus, tout cela servi sous la plume d'une personne comme vous et moi, qui rend un dernier hommage, à travers cette écriture si précise et délicate, à ce père qui n'a pas fait l’unanimité de son vivant. Ce sont des mots de la fille au père, qui retracent un deuil mais aussi la vie d'un homme secret, aux multiples facettes, un homme qui n'avait rien d'extraordinaire, un homme fragile comme vous et moi. La mère, qui elle, a fait l'unanimité de son vivant n'est quasiment pas présente et c'est tant mieux, on se concentre sur l'essentiel, on se forge notre propre avis sur le héros de ces quelques pages.

De ces 138 pages, peu nombreuses mais ô combien percutantes, j'ai tout aimé. J'ai aimé le ton employé, oscillant entre mélancolie, tristesse, et humour lors de la narration de certaines scènes. J'ai aimé la simplicité des faits rapportés, me projetant lorsque je serai malheureusement à la place de la narratrice. J'ai aimé le portrait qu'elle dresse de son père, pas de blanc ou noir, juste un portrait plein de nuances et d'affection. J'ai aimé toute l'émotion que j'ai ressentie. Certains passages ont même déclenché quelques envies de larmes, même lorsque je rédige cet article. J'ai particulièrement été émue par la lettre de Juliette, amie amante du père, qui écrit et décrit à Anne la vraie personnalité de son père, une lettre, toujours simple mais gorgée d'une tendresse si pudique qu'elle nous décroche quelques soupirs accompagnés de larmes. Dans ces quelques pages, j'ai vu la fragilité humaine, qui vacille lorsque de tels événements nous frappent et qui se débarrasse enfin du patchwork social pour se laisser aller à des émotions primaires. 

Je crois que je ne peux pas être plus claire dans mes propos, je vous conseille vraiment ce premier roman d'Anne PAULY. Malgré ce thème du deuil, le livre n'est pas triste, mais plutôt émouvant et authentique. Et parfois, ça fait du bien de se plonger dans une certaine mélancolie, qui va de pair avec la saison automnale qui plus est !
Dernières infos.

Avant que j'oublie a été publié en 2019 aux éditions Verdier. Il compte 138 pages.

Ma note.