samedi 14 octobre 2017

La lucidité - José Saramago

En résumé.

Nous nous situons dans un pays sans nom, qui a choisi pour régime politique la démocratie. Le jour des élections municipales est arrivé. Dans la capitale, les hommes politiques des trois partis principaux sont en effervescence, le parti de droite va-t-il de nouveau remporter la mise? Au moment des résultats, il y a comme un hic: les votes blancs sont majoritaires. Alors on décide de refaire les élections. Mais le verdict est le même: la participation est totale et le vote blanc arrive en tête avec 83%. La classe politique n'y croit pas, un tel résultat qui selon eux met en péril le principe même de la démocratie n'a pu être organisé que par un groupe subversif, c'est un complot, venant même de l'international, peut-être. Par peur que le phénomène ne s'étende au reste du pays, le gouvernement se retire de la capitale et proclame l'état de siège: les frontières de la ville sont bouclées, jusqu'à ce qu'on trouve les coupables. Enfin, une lettre va leur parvenir, écrite par un habitant de la capitale qui dénonce une jeune femme qui est la seule à ne pas être devenue aveugle lors de la grande épidémie de cécité survenue quatre plus tôt. Le gouvernement a enfin un coupable sous la main, c'est elle qui sera responsable de ce raz-de-marée de votes blancs. Un commissaire est nommé pour l'arrêter mais ce dernier risque de ne pas tout à fait obéir aux ordres de son supérieur, le ministre de l'Intérieur...

Mon avis.

Je suis tombée sur ce livre un peu par hasard, en écoutant une émission sur France Inter sur le vote blanc. Le sujet m'intéressant, je suis vite allée emprunter cet essai aux allures de roman à la bibliothèque. J'ai ainsi pu découvrir la plume de José Saramago, écrivain et journaliste, prix Nobel de Littérature.

Le résumé est un peu long, je m'en excuse. A vrai dire, on ne lit pas vraiment La lucidité pour son intrigue mais plutôt pour les réflexions politiques qui structurent le texte. D'ailleurs, on peut être très surpris dans les premières lignes par l'architecture du livre. Celui-ci est divisé en quelques chapitres qui sont en fait des blocs de texte sans autre ponctuation que le point et la virgule; il n'y a donc pas de guillemets, pas de tirets pour les dialogues, pas de points d'exclamation ni d'interrogation. A cela s'ajoute la longueur interminable des phrases. Rien que cela suffit à installer l'atmosphère oppressante très présente dans le livre. Je ne me suis pas sentie gênée par ce style d'écriture. J'ai trouvé le tout compréhensible, même si certaines réflexions peuvent parfois paraître compliquées.

Pour tout vous dire, je trouve l'idée générale du bouquin brillante et savamment exposée. Le fait que ni le pays ni les personnages n'aient pas de nom nous permet d'appliquer l'expérience à notre propre vécu. Toutefois, il n'y a pas trop de doute sur le fait que José Saramago fait référence à nos démocraties occidentales malades, reposant plutôt sur des illusions démocratiques entretenues par le pouvoir en place. De plus en plus, l'abstention et les votes nuls/blancs ne cessent de croître sans qu'on n'y accorde l'importance que ce phénomène mériterait, comme si on refusait d'être lucide sur l'état de défiance des électeurs. Ce déni est ici poussé à l'extrême puisque les hommes politiques au pouvoir ne voient dans le vote blanc qu'une conspiration de la minorité pour mettre à sac la majorité. Jamais, ils n'ont évoqué l'idée que les électeurs n'ont plus foi dans leurs représentants. Ils sont même prêts à user de la force pour trouver des coupables qui n'en sont pas et pour dresser les habitants les uns contre les autres afin de retourner au pouvoir et faire comme si rien ne s'était passé. C'est un sujet de réflexion intéressant, surtout quand on sait que cette situation pourrait se produire dans pas si longtemps en France ou dans d'autres pays européens. Que ferait-on si le vote blanc ou même l'abstention était majoritaire?

Même si je pense avoir bien compris la thèse principale de l'auteur, j'ai eu plus de difficulté à voir où il voulait en venir dans la deuxième partie du livre, lorsque la dame qui n'est pas devenue aveugle quatre ans plus tôt est accusée comme étant la cause du tourment. Certes, elle est victime du refus des dirigeants à voir la vérité en face et incarne le paroxysme de l'injustice dont ils font preuve. Elle est aussi l'exemple de ce que des politiciens se réclamant défenseurs de la démocratie seraient prêts à faire pour se maintenir au pouvoir. Je pense que José Saramago aurait aussi pu faire d'elle l'emblème de la conscience citoyenne éclairée. La cécité aurait été une métaphore de l'aveuglement des citoyens quant aux procédés utilisés par les hommes politiques pour les endormir. Elle, la seule qui a vu clair dans leur jeu a alerté les autres et les a enjoints à voter blanc, elle les a rendus lucides. Est-ce ma propre interprétation ou est-ce que c'est aussi l'interprétation de l'auteur, je ne sais pas trancher...

Pendant la majeur partie de ma lecture, je me suis dit que ce livre était en train de devenir un coup de cœur. Cependant, ne pas comprendre véritablement la place de la bonne femme en fin d'histoire (je déteste ne pas comprendre!) allié à quelques longueurs et digressions inutiles même si les mots choisis sont très justes font je ne vais lui octroyer que 4 fleurs. Même si je pense que ce roman est un chef d'oeuvre, je trouve que sa densité gâche un peu la pureté du message. 

Si vous n'avez pas peur de pour lancer dans un pavé sans respiration et si vous êtes sensible à ce genre de sujets, je ne ne peux que vous le conseiller! Prévoyez tout de même d'y penser du temps!

D'un coup d’œil, les plus, les moins.

+ L'intelligence du message et de l'intrigue qui le met en lumière.
+ L'originalité du style narratif.
+ Le sujet traité, à savoir le vote blanc.
+ La justesse de l'écriture.

- La densité du texte.
- Certains points un peu obscurs qui laissent trop de place à l'interprétation.

Dernières infos.

La lucidité a été publié en 2006 pour la version française et compte 355 pages. Voici le lien vers l'émission de France Inter sur le vote blanc dont je vous parle un peu plus haut.

Ma note.
Challenges.

Cette lecture me permet d'avancer dans ces challenges: 
Défi lecture 2017 - Consigne 73: un prix Nobel de littérature. (32/80)

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