dimanche 26 septembre 2021

Balzac et la petite tailleuse chinoise - Dai Sijie

En résumé.

En 1971, le narrateur, un collégien originaire de la ville et fils de deux médecins, et son ami Luo, fils d'un dentiste célèbre pour ses interventions critiques vis-à-vis du régime, sont envoyés en pleine campagne chinoise, dans la province du Sichuan, pour être rééduqués auprès des paysans. Ils participent, sans le vouloir, au grand mouvement lancé par Mao ZEDONG de la Révolution Culturelle, dont l'une des actions consiste à saper les ambitions des intellectuels chinois, enclins à critiquer la politique du chef d'état. Ces deux adolescents, enfants de parents trop éduqués pour plaire au régime, sont donc privés de tout et obligés de se soumettre au labeur des paysans chinois : épandage d'engrais, extraction du charbon des mines... Leur quotidien bascule lorsqu'ils s'aperçoivent qu'un de leur camarade, également envoyé en rééducation dans un autre village, détient une valise remplie de livres venant de l'Occident. Alors que les livres traditionnels chinois et les œuvres littéraires occidentales sont interdits par Mao, l'apparition de ces livres de BALZAC, FLAUBERT, DUMAS et bien d'autres constitue un véritable miracle. Les deux adolescents n'auront qu'une idée en tête : les voler et les faire découvrir à une petite tailleuse qu'ils ont rencontrée au grès de leurs balades campagnardes et dont Luo est tombé follement amoureux.

Mon avis.

Voilà un livre que j'avais chiné il y a quelques années dans une ressourcerie, resté bien longtemps sur les étagères de ma bibliothèque jusqu'à ce que je décide de l'en sortir en ce mois de Septembre consacré à la Chine (challenge En 2021, je voyage...). Ce roman autobiographique devenu un classique souvent étudié dans les salles de classe fut une belle découverte, malgré le dénouement un peu en-deça du reste du livre.

Malgré sa longueur restreinte (seulement 229 pages), ce livre offre une certaine richesse tant il peut être appréhendé sous de multiples angles :
  • Le premier est évidemment celui de l'Histoire. En tant que roman autobiographique, il offre un témoignage intéressant sur ce qu'a été la Révolution culturelle et sur l'envoi de ces jeunes issus de familles intellectuelles en séjour de rééducation. Novice sur la question, j'ai apprécié d'en apprendre davantage sur cette période de l'histoire politique et culturelle chinoise. De façon plus générale, on peut aussi y voir une description de la société chinoise de l'époque, de la pauvreté qui sévit dans les campagnes. On a également un aperçu de la précarité du système de santé avec l'avortement de la petite tailleuse.
  • Le deuxième angle est celui du pouvoir de la littérature et plus largement de la culture. Ici, les livres sont présentés comme des vecteurs essentiels d'émancipation, comme des apports indispensables à l'épanouissement de l'être humain, des objets luttant contre l'obscurantisme. La petite tailleuse est finalement un prétexte dont se sert l'auteur pour montrer à quel point la littérature est capable de transformer un homme, ou une femme. Le pouvoir est tellement grand et la transformation si radicale qu'elle échappe finalement à ceux qui voulaient la maîtriser. Ainsi la critique du régime n'est pas frontale mais beaucoup plus fine dans son approche : Dai SIJIE montre les conséquences d'une privation d'un accès à la littérature, insinuant de ce fait l'impact des choix de Mao sur ses sujets. La question du cinéma est aussi abordée dans ce texte. Le narrateur et Luo sont régulièrement envoyés dans un autre village où sont diffusés des films (toujours les mêmes) pour les regarder puis pour les raconter aux habitants de leur village qui n'ont pas la chance de pouvoir se déplacer. Les deux garçons sont des conteurs hors pair et les villageois deviennent accros à leurs histoires, tellement elles leur permettent de s'évader d'un quotidien difficile et répétitif.
  • La troisième possibilité d'approcher ce livre est celle des relations humaines. L'amitié fidèle, ou la délation, les relations amoureuses et la jalousie maladive que cela peut entraîner chez ceux qui ont été évincés.
  • Le quatrième et dernier angle est celui du dépaysement. Bizarrement, c'est peut-être celui qui m'a le plus frappé, l'image de la nature luxuriante de la campagne chinoise. La montagne boisée, les ruisseaux bordés de grosses pierres, les villages maculés de boue et les matinées brumeuses.
Toutes ces approches sont particulièrement bien développées dans la première partie qui s'attache à planter le décor et décrire les relations entre les différents personnages, puis les changements qui s'opèrent suite à la découverte du premier roman de Balzac. J'ai trouvé la suite un peu plus en-deça et maladroite dans ses développements. Le pouvoir de la littérature n'est pas assez exploité, tout comme le bouleversement qui s'opère en la petite tailleuse. Des faits sont abordés mais assez vite balayés, ça manque de profondeur, alors que d'autres épisodes sont racontés avec plus de détails alors qu'ils sont finalement mineurs dans l'intrigue. Vers la fin du livre, l'auteur change un peu de structure narrative en relatant un même passage mais décrit par trois personnages différents. Je n'ai pas bien compris l'intérêt d'un tel changement. Cela m'a même plutôt paumée et j'ai eu du mal à reprendre le cours de l'histoire. Cette fin malheureuse masque à mon avis l'essentiel du message porté par Dai SIJIE sur le pouvoir de la littérature. On se concentre sur les défauts et on ne voit plus le cœur du dénouement, à savoir le puissance de la culture tellement grande qu'elle échappe à quiconque souhaite la maîtriser, tellement puissante qu'elle permet à un lecteur/une lectrice une émancipation et une prise d'indépendance totale.

Balzac et la petite tailleuse chinoise fut une lecture intéressante de part la richesse des points de vue proposés par l'auteur. Malheureusement, la fin laisse une impression de quelque chose qui n'est pas abouti, gâchant les trois premiers quarts du livre qui sont bien menés. Je vous conseillerai néanmoins de vous plonger dans ce roman à vos heures perdues car il fait désormais partie des classiques de la littérature internationale.
Dernières infos.

Balzac et la petite tailleuse chinoise a été publié en 2000 et compte 229 pages. Il a été adapté au cinéma par l'auteur lui-même en 2002.

Ma note.
Challenges.

* Défi lecture 2021 : Consigne 78 - Un livre dont le titre contient un nom ou un adjectif de nationalité  - 38/100
En 2021... Je voyage : Chine (+ 25 points)

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