samedi 29 janvier 2022

Mauvais plan sur la comète - Jean-Charles Chapuzet

En résumé.

Star du petit écran dans les années 1990 pour la soucoupe qu'il a fait pousser dans son jardin, Jean-Claude LADRAT est un homme fantasque, aux vies multiples et à la gouaille attachante. Né au fin fond de la campagne charentaise dans une famille aux revenus très modestes, il est vite retiré de ses parents pour être placé dans un orphelinat. Ces années seront traumatisantes pour lui. Lorsqu'il parvient à s'en échapper, il a soif de liberté mais se retrouve à jouer les valets de ferme. Cela ne cadre pas avec ses désirs de voyage et de découvertes. Alors un jour il s'échappe, rejoint Bordeaux et se fait engager comme marin. Enfin, l'aventure l'appelle. Il restera plusieurs années en poste, sillonnant les océans du monde entier, s'arrêtant dans des endroits bien différents de sa Charente natale. Un jour, alors que le navire entre dans le triangle des Bermudes, Jean-Claude entend une étrange voix, venue, semble t-il, des entrailles de la Terre, de l'Atlantide. Elle lui demande de construire une soucoupe, puis de revenir sur ce territoire marin maudit et de plonger au cœur de cet empire enfoui sous les mers. Jean-Claude, saisi par ses visions et cette mystérieuse voix, obéit. Il plaque tout, rentre chez lui et consacrera les prochaines années à la construction de deux soucoupes, la première qu'il mettra à l'eau au large du Sénégal et la deuxième qui fera sa renommée nationale, celle qui lui permettra d'être interrogée dans plusieurs émissions de l'époque. Dans les années 2 000, c'est la douche froide. Peu après le décès de sa mère, l'étrange personnage est accusé d’agressions sexuelles sur ses nièces, il fera un tour en prison. Cette vie, à la fois excentrique et attristante nous est contée par Jean-Charles CHAPUZET dans cette non-fiction qui ne laisse pas indifférent.

Mon avis.

Je garde toujours un œil sur les éditions Marchialy car j'aime bien leur ligne éditoriale : publier des livres de non-fiction mais qui conservent une part d'aventures et de romance. Je suis friande des bouquins qui rendent compte de parcours réels et qui nous amènent à nous documenter sur des thèmes peu exploités. Mauvais plan sur la comète en est un parfait exemple. Jean-Claude LADRAT s'est surtout fait connaître après sa participation à l'émission Streap-Tease. Je n'ai pas regardé l'épisode en question mais le parcours de cet homme m'a rapidement interrogée. J'ai cependant mis du temps à me procurer ce livre, d'une part parce que j'avais peur que le ton soit un peu moralisateur, le journaliste parisien qui se moque du paysan charentais peu éduqué, d'autre part parce que je me sentais aussi gênée de vouloir rentrer dans l'intimité de cet homme farfelu et par certains égards dérangeant. Finalement, ces deux craintes ont été rapidement levées. Le style d'écriture n'est pas du tout condescendant et la vie de Jean-Claude se lit comme un roman, sans tomber dans le côté voyeurisme.

Ce livre est né de la volonté de son auteur, également charentais, d'enquêter sur ce personnage emblématique du département. Alors qu'il fait carrière à Paris, il tombe sur un article de presse dans lequel est mentionné l'arrêt de Jean-Claude LADRAT pour agressions sexuelles sur mineures. Cela déclenche sa curiosité, lui qui avait visité la soucoupe bien des années auparavant, comme un bon nombre de badauds. Jean-Charles CHAPUZET n'a pas de mal à retrouver la trace de l'accusé et c'est au fil des rencontres qu'il reconstruit peu à peu le fil du parcours de Jean-Claude. Mauvais plan sur la comète est donc un mélange entre les faits, les éléments biographiques mais aussi les impressions de Jean-Claude, ce qu'il peut dire de sa vie, de ses traumatismes, des éléments qui ont éveillé cette passion pour les soucoupes. A cela s'ajoutent des éléments un peu plus sociologiques, l'auteur rendant compte de l'ambiance qui règne dans cette partie rurale de la Charente. 

L'histoire de cet homme est fascinante à lire, et ce pour plusieurs raisons. Premièrement, on est le témoin de ses mille vies. Un gamin qui est élevé dans une famille où les carences éducatives sont nombreuses, puis placé dans un orphelinat mais dont la force de caractère lui permet de se sortir de là pour assouvir ses désirs les plus profonds, voyager, être libre. A ce moment-là du récit, on se demande comment il a fait pour en arriver à croire dur comme fer aux voix qu'il entend et qui lui ordonnent de construire ces fameuses soucoupes, comment il en vient à agresser ses nièces tout en disant que cela est normal. Le point de bascule n'est pas clairement identifié. Ce serait l'enfance traumatisée et traumatisante qui le conduirait progressivement à rêver sa vie et à se positionner en marge des règles sociales. C'est un peu ce qui m'a manqué dans ce livre, l'analyse psychologique de LADRAT, quelles sont les raisons qui l'amènent à être l'homme de la soucoupe. Il est également fascinant de le voir aller jusqu'au bout de ses convictions. Pas un moment il ne doute à faire transporter sa première construction au Sénégal pour ensuite se laisser aller sur les flots. L'engouement de l'époque pour ses aventures est à la hauteur de l'extravagance qu'il met dans sa vie, alors qu'il habite un coin tout à fait reculé. Le fait divers passionne et c'est là aussi fascinant de voir les média se l'arracher, les gens se presser pour aller l'interroger, voir la soucoupe, discuter avec la mère. Sa vie n'aura été faite que de ruptures, avec le père, la sœur puis la mère, rupture avec son travail de marin pour opérer un virage à 180° avec la fabrication de ses soucoupes, puis une nouvelle rupture lorsque sa mère décède, que la solitude s'empare véritablement de lui et qu'il en vient à s'intéresser aux jeunes filles. L'enquête de Jean-Charles CHAPUZET se termine là. Pas vraiment une enquête d'ailleurs, plutôt la biographie de ce Français modeste qui a suscité à la fois interrogation, fascination et dégoût.

A vous de voir si ce genre d'histoires peut vous intéresser... Dans sa catégorie, le récit est en tout cas bien mené. Bien que l'on perçoive la part d'affect de l'auteur, attaché à son sujet, cette non-fiction reste objective et ne tombe pas dans les travers qui auraient pu être les siens : voyeurisme, condescendance et esprit moralisateur. Un bouquin qui se lit par ailleurs très vite et qui nous maintient en éveil jusqu'à la dernière ligne.
Dernières infos.

Mauvais plan sur la comète a été publié en 2018 et compte 183 pages.

Ma note.
Challenges.

Défi lecture 2022 : Consigne 50 - Livre non-fiction 3/100

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