lundi 1 juin 2020

Ce que tient ta main droite t'appartient - Pascal Manoukian

En résumé.

Charlotte, trentenaire épanouie, est heureuse de rejoindre ce soir-là ses copines qui l'attendent déjà à la terrasse d'un café. Elle a hâte de leur montrer son petit bidon qui grossit, de jouer avec lui et de lui sussurer des mots d'amour entre deux verres. Ce bonheur, elle le partage avec Karim, l'homme de sa vie, le père de cette petit Isis qui s'apprête à voir le jour. Seulement ce soir-là, au milieu de toute cette euphorie, la mort rôde. Elle a pris le visage d'Aurélien, jeune homme qui a grandi en banlieue parisienne, promis à un grand avenir mais devenu rebelle et dealer jusqu'à son désir de rejoindre les forces de Daech. Ce soir-là, parmi les rires des clients du café, il y a aussi le rire froid et sombre de celui qui tue, sans état d'âme, sans scrupule, ennivré par l'alcool et les médicaments, aveuglé par l'accomplissement de son destin. Il aura suffi de quelques minutes pour que la vie de Karim et Charlotte bascule. Karim est veuf, ivre de colère et assoiffé de vengeance. Son désir de comprendre un tel acte, ainsi que son besoin de prendre sa revenche sur les assassins de sa femme et de sa fille vont le conduire jusqu'en Syrie, au coeur même de cette machine infernale qu'est Daech.

Mon avis.

Un livre qui me faisait de l'oeil depuis un bon bout de temps de part son thème et cette envie que j'ai eu de comprendre les mécanismes de la radicalisation. Suite au projet d'alléger ma liste des lectures "Pourquoi pas ?", je me suis résolue à l'emprunter dans ce lieu de tous les possibles qu'est la médiathèque et à me plonger dans cette histoire fictive de Karim et Charlotte.

Histoire fictive mais qui s'inspire de faits réels, tant l'histoire de Karim et Charlotte n'est que la réplique de véritables histoires de couples, endeuillés par la perte de l'un ou l'autre, et plus largement de véritables histoires de familles, endeuillées par la perte d'un père, d'une mère, d'un frère, d'une soeur... D'ailleurs, même si les lieux sont fictifs (la tuerie a lieu à Aubervilliers si j'ai bonne mémoire), nous pouvons très aisément faire le parallèlle avec les attentats de 2015 qui se sont déroulés à Paris. La suite est tout aussi réaliste, l'embrigadement de Karim, d'abord au sein de la mosquée qu'il fréquente ponctuellement puis par de véritables hommes de Daech, à distance, grâce à des contacts Facebook, le voyage jusqu'en Syrie puis les jours passés là-bas, dont aucun mot ne peut décrire la barbarie. Ainsi, si toute la première partie est avant tout fiction, le temps d'installer les lieux et les personnages, la suite adopte davantage un style journalistique et documentaire, ce qui n'a rien de surprenant étant donné que Pascal MANOUKIAN est reporter de guerre, avant d'être romancier. Il n'est donc pas impossible qu'il mêle à son récit des faits qu'il a observés sur des territoires en guerre. L'originalité de ce livre tient au fait que Karim est un peu à part dans le pelloton d'Européens qui prêtent allégeance à Daech étant donné qu'il y vient pour assouvir son désir de vengeance et agit donc comme un espion. Du fait de cette position particulière, il analyse la situation avec beaucoup de recul et d'esprit critique, ce qui n'est pas le cas des autres qui sont complètement aveuglés par l'idéologie du califat. Il finit donc par proposer au lecteur un regard de journaliste qui, bien qu'étant là pour des raisons personnelles, rend compte d'une réalité cruelle et tente d'en comprendre les mécanismes.

Ce livre a tout pour plaire : de l'émotion, beaucoup d'émotion, un Karim à la volonté de fer, des passages de type reportages qui ont la vocation de renseigner les lecteurs sur des faits réels et un style d'écriture qui nous amène à tourner les pages comme dans un pollar. D'ailleurs, les critiques sur Livraddict sont très positives. Et pourtant, malgré tout ça, j'ai le sentiment de ne pas avoir complètement apprécié ma lecture. J'ai d'abord été un peu refroidie par certains personnages que j'ai trouvés caricaturaux, de même que certaines coïncidences un peu lourdes. Par exemple, la fille de Karim et Charlotte aurait dû s'appeler Isis. Si c'est un prénom qui nous fait d'emblèe penser à la mythologie égyptienne, c'est aussi le nom de l'Etat islamique en anglais, alors même qu'elle allait mourir d'un partisan d'ISIS. D'autres hasards de ce genre sont très présents en début de récit et je les trouve trop gros pour être vrais à tel point qu'ils m'ont arraché plusieurs soupirs pendant ma lecture. Je n'ai pas non plus apprécié la facilité déconcertante avec laquelle Karim a pris sa décision de tout quitter pour rejoindre la Syrie, ni la facilité avec laquelle il a réussi à se faire embrigadé, en seulement quelques jours. Je ne doute pas du fond réaliste de tout cela, mais j'ai trouvé que ce choix de partir en Syrie est trop vite expédié pour être vrai. Même si je peux concevoir la rage et la haine qui habitent toute personne ayant perdu des proches dans un attentat, j'imagine aussi que le choix de partir en Syrie pour se venger n'est pas anodin. Une dernière chose qui m'a déçue est le manque de nouveautés dans ce récit. Je ne sais pas si c'est parce qu'il y a eu beaucoup de reportages suite aux attentats de 2015 mais j'ai le sentiment de ne pas avoir appris grand chose dans ces quelques pages. Le profil des personnes qui décident de se soumettre à des thèses aussi extrêmistes est bien connu maintenant, de même que les horreurs qui sont commises là-bas. L'impression donc d'être restée un peu sur ma faim, même si le contenu était prometteur.

Cette lecture a un fond très réaliste, des attentats aux mécanismes qui permettent l'embrigadement de nouveaux partisans de Daech. Toutefois, plusieurs maladresses sont présentes dans ce récit et viennent justement désservir cette volonté de coller à la réalité. Néanmoins, je vous conseille cette lecture si ce thème vous intéresse et si vous souhaitez plonger au coeur de la barbarie de l'Etat islamique au travers des yeux d'un homme prêt à tout pour retrouver sa dignité. 
Dernières infos.

Ce que tient ta main droite t'appartient a été publié en 2017 et compte 272 pages.

Ma note.
Challenges.

Défi lecture 2020 : Consigne 21 - Livre dans lequel le personnage principal a un changement de vie - 19/100

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