Mon avis.
Je suis tombée sur ce livre un peu par hasard, en me renseignant sur les lauréats du prix de l'Escale - prix littéraire organisé dans la région bordelaise et qui récompense chaque année le roman d'un jeune auteur publié à l'occasion de la rentrée littéraire, parmi cinq titres préalablement choisis. Après la lecture de la quatrième de couverture, je me suis laissée tenter, friande de ce genre d'histoires, difficiles mais qui s'inspirent d'une réalité cruelle. Par ailleurs, même si je connaissais la réputation plutôt noircie de l'île de Mayotte, je n'avais encore rien lu là-dessus. C'était donc l'occasion.
Le titre de ce roman ne pouvait pas être mieux choisi. D'un côté, les tropiques et les premières évocations qui nous viennent en tête : le soleil, des mers à l'eau turquoise, des fleurs aux couleurs et aux parfums enivrants, des marchés qui abondent de saveurs exotiques ; d'un autre côté, la violence et ce deuxième type d'évocations : la mort, la brutalité, la lutte sociale et physique, le sang, la pauvreté. Là est toute l'ambivalence de ce roman, d'un côté la douceur des mots de Marie et des espoirs de cet homme qui vient monter une maison d'aide aux jeunes dans le bidonville de Kaweni, d'un autre côté la cruauté de Bruce, le chef de Kaweni, symbole de ce qui se joue à une autre échelle, à savoir la gestion des ces clandestins qui débarquent tous les jours sur Mayotte, avec l'espoir de prétendre aux droits français mais qui finalement échouent dans des bidonvilles malfamés.
Je crois que c'est la première fois que je rédige un résumé aussi long, peut-être pour décrire une certaine complexité dans ces quelques pages. Tropique de la violence fait définitivement partie de cette catégorie de livres, courts par leur nombre de pages, mais puissants par ce qu'il viennent dire au lecteur. Il se jouent dans ces quelques chapitres des vies, une recherche d'identité primoridiale, celle de Moïse bien sûr, mais aussi celle de Marie en tant que mère, celle de Bruce en tant que chef, celles de ces policiers en tant que défenseurs de la justice, celle de ce jeune homme aux idéaux intacts, en tant qu'humanitaire. Cette course à l'identité, parce qu'elle est profondément ancrée et vitale, est d'une violence inouïe, elle fait mal et essore ces personnages jusqu'à la dernière goutte de sang. Le fait que le récit soit raconté par différentes voix nous noient à chaque fois dans un nouveau type de violence. D'abord, celle de Marie, abandonnée par son mari et meurtrie par cette impossibilité d'avoir un enfant. Puis celle de Moïse, peut-être la plus puissante, celle du rejet par sa mère, du rejet par les habitants de Kaweni et celle de la recherche d'une identité. Enfin, celle de Bruce, ce tyran qui fait régner une espèce de terreur indispensable sur ce bidonville dont il se réclame le chef absolu. Et puis, il y a en encore une autre, plus sourde, qui ne trouve pas de mots mais qui apparaît en filigrane au fil des pages, celle de l'impuissance à arrêter ce système, corrompu jusqu'à la moëlle, gangréné par la pauvreté et la lutte pour les moyens de survie. A travers ses personnages, Natacha APPANAH a réussi l'incroyable tour de force de dire tout ça, sans tomber dans la carictaure, ni dans une forme de pitié larmoyante. Ses mots sont justes, froids et tranchants comme la lame d'un couteau, nous percutant suffisamment pour que cette lecture reste figée en nous.
Vous l'aurez compris, je vous conseille ce roman très court mais incroyablement puissant qui changera, peut-être, l'image paradisiaque que nous avons habituellement de nos contrées d'outre-mer. Attention cependant aux âmes sensibles, ce roman ne s'embarasse pas de tournures inutiles, les faits rapportés sont francs mais ô combien réels.
Dernières infos.
Tropique de la violence a été publié en 2016 et compte 175 pages. Ce roman a reçu de nombreuses distinctions, dont, entre autres, le prix Femina des lycéens, le prix du roman France Télévisions et le prix de l'Escale. Ce récit a été adapté en BD par Gaël HENRI. Je vous la conseille, elle donne encore un éclairage nouveau sur l'histoire de Moïse.
Ma note.
Challenges.
* 100 livres à lire en 2020 : 10/100
* Défi lecture 2020 : Consigne 13 - Livre où il y a plusieurs narrateurs
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