samedi 17 avril 2021

Les vilaines - Camila Sosa Villada

En résumé.

Camila est née Christian. Peut-être par la violence du père, ses yeux noirs qu'il jetait sur sa démarche efféminée et par le silence de la mère, Cristian a progressivement abandonné ses joggings trop larges pour des robes cousues à la main avec de vieux morceaux de tissus, le vissage rehaussé par une touche de rouge à lèvres emprunté à la mère et les mains décorées de vernis à ongles. Il a fui le petit village argentin pour la capitale, Cordoba, et plus précisément le parc Sarmiento. La nuit, la prostitution pour gagner quelques pesos, la drogue, la violence de ses amants qui cherchent à l'humilier ou à la voler, la difficulté d'être transgenre, et les souvenirs tenaces d'une enfance gâchée. Heureusement, il y a l'entraide avec ses collègues de la nuit, et cet homme devenu femme lui aussi, Tante Encarna qui veille sur la tribu. Elle offre un refuge à toutes celles qui sont désœuvrées. Un soir, la troupe trouve un bébé dans un fossé. Elles l'embarquent chez la Tante Encarna, ce sera leur secret.

Mon avis.

Sorti à l'occasion de la rentrée littéraire de l'hiver 2021, j'ai eu la chance de rapidement me le procurer, la médiathèque se dotant d'une bonne partie des livres des rentrées littéraires. Le thème me plaisait, la question transgenre sur laquelle je n'avais jamais lu jusqu'à présent, le fait aussi que ce livre soit en partie autobiographique puisque Camila SOSA VILLADA est elle-même transgenre et a connu la prostitution. Enfin, cela se passe en Argentine, une occasion supplémentaire de sortir de ma zone de confort littéraire. 

Comme vous pouvez aisément le supposer, Les vilaines est un livre sombre à l'ambiance sordide. Déjà parce que la nuit est omniprésente. Camila vit lorsque la ville s'arrête et qu'il est plus facile de se cacher, dans ce parc que l'on imagine plongé dans le noir, seulement éclairé par les bijoux de ces femmes. A cela s'ajoute aussi la pauvreté qui les pousse à se prostituer, les coups foireux pour gagner à peine de quoi se nourrir, la violence qui éclate alors qu'amants et prostituées sont alcoolisés ou sous l'emprise de la drogue. Le noir de l'huile de moteur d'avion injecté dans le fessier de Tante Encarna. Les larmes noires de Camila qui revient sur son passé, l'arrivée dans une famille qui ne prend pas la peine de la connaître, un père qui trompe son épouse, violent, omnibulé par ses finances. C'est un enfant qui a grandi sans aide, qui s'est découvert seul et s'est fait seul. C'est aussi l'omniprésence de la mort qui vient frapper n'importe quand, n'importe où, le sida, les meurtres... C'est cruel, mais c'est aussi la vérité. Il faut garder son souffle jusqu'au bout. Dans la noirceur du quotidien, heureusement quelques touches de couleur viennent parsemer le récit, l'entraide au sein de la communauté et puis l'arrivée de cet enfant, nommé Éclat des yeux, qui offre un contraste saisissant avec l'obscurité de l'ensemble. Malgré ce que l'on peut imaginer à la lecture de la quatrième de couverture, il ne tient pas une place primordiale dans le récit. Il explique surtout le dénouement mais les trois quarts de l'intrigue sont dédiés à la vie de Camila.

Même si on ne peut qu'être émus par l'histoire de cette jeune femme, bouleversés aussi de voir dans quelle misère et dans quelle cruauté sont plongés ces êtres qui ne demandent finalement rien d'autre que de vivre en accord avec ce qu'ils ressentent au plus profond d'eux-mêmes, certains aspects du récit m'ont gênée. La narration est un peu décousue, les allers-retour entrer passé et présent arrivent sans crier gare, perdus au milieu des chapitres, eux aussi livrés à eux mêmes. De même, si la découverte de l'enfant est le fait majeur du début du livre, on ne sait jamais si les événements décrits par la suite lui sont antérieurs ou postérieurs. Il y a peu d'éléments temporels qui jalonnent le récit, les faits sont jetés par ci par là, sans contexte. On finit par comprendre le cheminement final mais je me suis parfois sentie un peu perdue. L'autre point est l'introduction dans le récit d'éléments fantastiques. Une femme qui se transforme en louve à chaque changement de lune, ou une autre qui se transforme en oiseau. Si j'ai pu lire que ces éléments avaient plu à certains lecteurs, je n'ai pas bien compris quel était leur intérêt pour ma part. Ou alors il s'agit d'une métaphore que je n'ai pas comprise. Bref, je pense que l'auteur n'avait pas besoin de ça pour rendre son histoire poétique et onirique. C'est aussi moi qui n'aime pas trop quand les genres se mêlent, surtout dans des histoires initialement basées sur des faits réels. 

Malgré ces deux petits bémols, j'ai apprécié ma lecture. Elle fut éprouvante, dense malgré le nombre de pages peu élevé, mais je suis ravie d'avoir pu lire à ce sujet. Là est pour moi la force de la littérature, faire découvrir des univers éloignés des nôtres, même s'ils peuvent être cruels, nous apporter des connaissances que nous n'avions pas et témoigner.
Dernières infos.

Les vilaines a été publié en 2021 et compte 204 pages.

Ma note.
Challenges.

* Défi lecture 2021 : Consigne 8 - Un livre contenant entre 180 et 210 pages - 13/100
En 2021... Je voyage : Argentine (+ 20 points)

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