samedi 26 février 2022

Les Hauts de Hurlevent - Emily Brontë

En résumé.

1801 - comté du Yorkshire - Angleterre. Mr Lockwood pose ses valises à Thrushcross Grange, belle demeure se situant sur les terres de Heathcliff, quant à lui propriétaire du manoir de Wuthering Heights. Sur ce territoire désolé, battu par les vents et par les bourrasques de neige, aucune âme ne vit, sauf quelques êtres qui accompagnent le chef du domaine Heatchcliff dans son habitation délabrée, pourrie par une atmosphère délétère. C'est lors d'une de ses visites à son propriétaire que Mr Lockwood, homme plutôt guilleret, va découvrir l'ambiance qui règne sur ce domaine. Effrayé par la violence et le tourment qui agitent ses voisins, il tente de trouver des explications auprès de sa femme de charge, l'honorable Nelly Bean. Cette femme honnête et dévouée lui dévoile donc toute l'histoire des familles Earnshaw et Linton. Une histoire dont le personnage clé n'est autre que ce Heathcliff, jeune garçon adopté par la famille Earnshaw, à la fois rejeté par son demi-frère et adoré par sa demi-sœur. L'arrivée de cet étranger dans la famille est à l'origine de bien des tourments, à la fois source d'un amour impossible mais aussi d'un désir de vengeance viscéral.

Mon avis.

Les Hauts de Hurlevent est l'un des derniers ouvrages proposés par les éditions Tibert. Mon amoureux, sachant l'intérêt que je porte à cette collection de grands classiques magnifiquement illustrés, m'a offert celui-ci pour Noël. J'attendais donc patiemment mes quelques jours de congés pour découvrir la plume d'une des sœurs Brontë, Emily en l’occurrence. Ce livre ne fut ni un coup de cœur ni une déception. A vrai dire, je m'attendais à ce type d'intrigue caractéristique de la littérature anglaise.

Les débuts furent rudes. Les trois premiers chapitres m'ont en effet semblé difficiles d'accès. Si l'on comprend bien l'arrivée de Mr Lockwood, sa qualité de locataire d'une partie du domaine, et l'antipathie qu'Heathcliff dégage, il est compliqué de deviner l'identité des autres personnages et les liens qui les unissent. Je me suis arrachée les cheveux pour essayer de comprendre qui était cette Catherine Linton Earnshaw Heathcliff, et si c'était le même personnage que Cathy. En plus de cela, les premières pages m'ont semblé vraiment ennuyantes et je craignais déjà pour la suite de l'histoire. L'ésotérisme contenu dans le chapitre deux ou trois m'a également surprise, je ne m'attendais pas à retrouver dans ce type d'intrigue des fantômes venant hanter les vivants. Heureusement, la panique qui fut la mienne suite à la lecture de ses premiers moments fut rapidement gommée lorsque Nelly Bean, la gouvernante de Mr Lockwood, prit la parole pour retracer l'histoire des habitants des Hauts de Hurlevent. S'étale alors sur plus de 400 pages l'historique de deux familles, les Linton et les Hearnshaw, sur deux générations. 

Si j'en crois ce que j'ai lu à droite, à gauche, ce livre doit son succès à la force de caractère de ses personnages, et surtout à Heathcliff, symbole du meilleur chez l'Homme (l'amour franc et entier) mais aussi du pire (le désir absolu de vengeance qui occasionne beaucoup d'aigreur et de violence). Ces thématiques sont en effet développées et l'on voit bien à quel point la déception d'un homme peut engendrer le malheur autour de lui. L'histoire d'amour impossible entre Heathcliff et sa demi-sœur est selon moi un peu moins mise en avant, sauf lors de la dernière scène avant la mort de la jeune femme. Je pensais que leurs sentiments auraient davantage été développés dans la première partie du livre. Emily Brontë propose des personnages marqués par des traits de caractère extrêmes. Les émotions sont décrites avec beaucoup d'emphase, à tel point que les tourments de l'âme occasionnent la mort des corps. La violence physique et verbale est également très présente, plus que je n'aurais pu l'imaginer. Mais bizarrement, j'ai eu le sentiment de passer à côté de la totalité des messages qui sont proposés au sein de cette histoire. Mon analyse des personnages et de leurs relations est très partielle, alors même que Les Hauts de Hurlevent doit être d'une grande richesse pour qui a le souhait de disséquer le comportement humain au travers des personnages dépeints par Emily Brontë. En revanche,  j'ai davantage été marquée par les paysages et l'atmosphère étouffante. Ces territoires désolées, ces landes vallonnées tantôt battues par les vents, tantôt emplies d'une clarté estivale, offrent une métaphore saisissante des humeurs des personnages. L'intrigue semble se dérouler dans une sorte de huis-clos malsain. Les protagonistes sont peu nombreux et issus du même sang, les  lieux restent identiques. Peu de choses viennent de l'extérieur. La ville de Gimmerton est à plusieurs reprises mentionnée mais aucune scène n'a lieu là-bas et aucun personnage n'est envoyé de ce village pour apporter du sang frais au domaine géré par les familles Linton et Earnshaw. La morale finale semble aussi aller dans ce sens, le mal vient de l''étranger puisque tous les malheurs ont été engendrés par l'arrivée de Heathcliff qui a tout de l'étranger (orphelin, couleur de peau bazanée, romanichel). J'ai eu parfois l'impression de tourner rond, en particulier en milieu de roman, lorsque les problématiques reviennent un peu en boucle, seule la génération change, et le fait que les lieux restent les mêmes a quelque chose d'oppressant, comme s'il était difficile de se sortir de ce tourbillon infernal.

Je suis heureuse de connaître enfin l'histoire de ce classique de la littérature anglaise dont j'avais beaucoup entendu parler auparavant. Je pense l'avoir lu trop vite pour en savourer toute la richesse. Peut-être qu'une relecture, dans quelques temps, viendra m'apporter d'autres clés de compréhension, complétant ainsi mes premières impressions. Si vous vous lancez dans ce roman à l'ambiance très british, je vous conseille de persévérer et de ne pas vous laisser déstabiliser par les premiers chapitres. Bonne lecture à venir !
Dernières infos.

Les Hauts de Hurlevent a été publié en 1847 pour la première fois. Dans cet ouvrage des éditions Tibert, il compte 411 pages. De nombreuses adaptations en films, séries, peut-être même BD ont été réalisées. 
Ma note.
Challenges.

Défi lecture 2022 : Consigne 2 - Lire un classique littéraire écrit par une femme - 7/100

dimanche 20 février 2022

13 à table (2021) - Collectif

 En résumé.

Chaque année, des grands noms de la littérature contemporaine mettent leur plume au service des Restos du Cœur. Le recueil de nouvelles, portant toujours sur un thème bien précis - celui du premier amour pour l'année 2021 - est vendu au prix de 5 €, ce qui permet d'offrir 4 repas. L'occasion de faire plaisir mais aussi de se faire plaisir.

Mon avis.

Voici le deuxième 13 à table ! que je découvre. Il y a quelques années, j'avais lu l'édition de 2016 consacré aux frères et sœurs. Honte à moi, je n'ai toujours pas acheté l'un de ces recueils de nouvelles. J'ai trouvé celui-ci dans une boîte à livres, tout gondolé par la pluie. Je me le suis réservé pour mes voyages quotidiens vers mon lieu de travail, savourant ainsi ces variations autour du premier amour. C'est toujours plaisant de voir la diversité d'interprétations à partir d'un même thème. Tantôt sombres, tantôt joyeuses, tantôt originales, ces intrigues sont également l'occasion de nous faire découvrir de nouvelles plumes. Voici, en quelques phrases, une présentation des différents textes proposés :

* Tonino BENACQUISTA - Hier, à la même heure : Un premier amour fantasmé qui ressurgit bien des années plus tard, cette fois pour faire ses adieux. Le narrateur aurait pu changer la funeste destinée de cette célébrité qu'il a idolâtrée pendant bien des années mais il n'a pas bougé le petit doigt. Cette nouvelle ouvre le bal, la chute est poignante sur l'instant, mais oubliée quelques jours plus tard.

* Philippe BESSON - Un film de Douglas Sirk : Le premier amour, le grand, le vrai, peut surgir à n'importe quel moment et tout emporter sur son passage. Eux ne s'y attendaient pas, pourtant tout allait prendre une saveur nouvelle. Bien qu'elle manque d'originalité, cette intrigue m'a plu, jusqu'à ce que le président de la république actuel soit mentionné. On en entend assez parler comme ça, pas besoin de le retrouver dans un bouquin !

* Françoise BOURDIN - N'a-qu'un-oeil : Quand on pense premier amour, on pense irrémédiablement à celui des cours d'école. La jeune fille ne déroge pas à la règle, la voilà qui tombe sous le charme de l'un de ses camarades de CP. Seulement, ses premiers sentiments, si intenses, devront être réprimés. Dominique fera sa réapparition, des années plus tard, dans un tout autre contexte. Comment va réagir la jeune femme qui n'a jamais oublié cet amour d'enfance ? Une intrigue peu originale mais dont le dénouement apporte un peu de sel à l'ensemble.

* Maxime CHATTAM - Big Crush ou le sens de la vie : J'ai dû m'y prendre à deux fois pour savourer cette nouvelle. Quand on entame les premières pages, on ne voit pas bien où l'auteur souhaite nous embarquer. Puis on comprend qu'il retrace la vie d'un couple, Eve et Adam, à l'envers. Ainsi, leur histoire nous est contée de leur mort à leur naissance. Une façon inédite de raconter un premier amour, qui, après m'avoir laissée perplexe, a fini par me séduire.

* Jean-Paul DUBOIS - Une belle vie avec Charlie : Voilà encore une proposition originale puisqu'il est question de la relation d'un homme avec son chien. Le premier amour n'est donc pas celui qu'on imagine spontanément mais il n'en reste pas moins sincère et ô combien profond. Un premier amour qui rend hommage aux liens qui nous unissent à nos animaux et qui a toute sa place dans ce recueil.

* François d'EPENOUX - 1973, 7ème B : De nouveau un amour d'enfance qui n'a jamais pu s'exprimer, mais que l'on retrouve bien plus tard, assis à la terrasse d'un café. Une prophétie formulée par le narrateur alors qu'il est encore tout jeune et qui se réalisera des années plus tard, comme s'il avait jeté un sort à sa tendre amoureuse. Une nouvelle qui n'a rien de transcendant mais dont la chute est bien trouvée.

* Alexandra LAPIERRE - Le correspondant autrichien : La venue d'un jeune autrichien dans le pays toulonnais pour y suivre des cours de piano avec la mère de la narratrice. Un premier amour fantasmé, idéalisé qui apportera avec lui son lot de déconvenues et viendra rompre une relation fusionnelle entre une mère et sa fille. J'ai apprécié cette nouvelle, bien menée, qui me reste en tête bien des jours après avoir refermé ce recueil.
 
* Agnès MARTIN-LUGAND - Des lettres oubliées : Il est une nouvelle fois question d'un amour de jeunesse qui refait surface bien des années après, semant la zizanie au sein d'une famille déjà fragilisée par les épreuves du passé. Un texte qui m'a déçue, je m'attendais à mieux de la part de l'auteur. J'ai trouvé cette intrigue plutôt fade, mal écrite, exagérée sur bien des plans et peu réaliste.

* Véronique OVALDE - Mon premier amour : Eh bien... Cela va être rapide, je n'ai absolument rien compris à cette nouvelle. Je ne sais pas de quoi ça parle. Heureusement, le supplice ne dure que deux ou trois pages.

* Romain PUERTOLAS - L'amour volé : Et si le premier amour pouvait être pour le portrait de Mona Lisa, à tel point qu'un jeune homme irait jusqu'à le voler pour convoler en justes noces avec l'objet de ses désirs ? J'ai vraiment bien aimé cette proposition de Romain PUERTOLAS qui offre au lecteur encore une autre façon de concevoir un premier amour, cette fois-ci en rendant hommage au pouvoir de l'art pictural.

* Eric GIACOMETTI & Eric RAVENNE - Le premier sera le dernier : un premier amour exploité par des escrocs, il fallait y penser ! C'est la proposition des ces deux auteurs qui apportent un peu d'originalité à ce recueil.

* Olivia RUIZ - Une si jolie nuit : la beauté du titre contraste avec l'horreur décrite dans cette nouvelle très sombre. Le premier amour est ici présenté comme dangereux et destructeur. Un premier amour si charismatique qu'une jeune fille le suit partout, enchaîne les rave où l'alcool coule à flot et les pilules sont faciles à trouver, jusqu'au péril de sa vie. Cette intrigue apporte sa pierre à l'édifice dans une version beaucoup moins romantique du premier amour.

* Franck THILLIEZ - Un train d'avance : Last but not least... Même si le train à bord duquel voyage le protagoniste paraît tout à fait classique, il est en réalité très perturbant.. Les wagons sont en fait des bonds dans le temps, d'une dizaine d'années. Ainsi, à mesure que le jeune garçon avance ou recule, c'est toute sa vie qui défile. Une nouvelle intrigante, qui vient clore ce recueil d'une façon peu commune.
Dernières infos.

Cette version de 13 à table ! a été publié en 2020 et compte 237 pages.

Ma note.
Challenges.

Défi lecture 2022 : Consigne 77 - Livre contenant le prénom d'un animal de compagnie dans le texte (dans la nouvelle de Jean-Paul DUBOIS, il est question de Charlie, son chien) - 6/100

mardi 15 février 2022

Les enfants sont rois - Delphine De Vigan

En résumé.
 
Biberonnée aux émissions de téléréalité qui virent le jour au début des années 2000, Mélanie Claux ne vit plus que pour une seule chose : devenir ces lofteurs qu'elle regardait les jeudis soirs dans le canapé avec ses parents. Les réseaux sociaux lui offriront cette chance. Ne permettent-ils pas de mettre en valeur la vie de millions d'anonymes et de rendre leurs moindres faits et gestes visibles par tous ? Après avoir pris ses marques sur Facebook lors de la naissance de son aîné, Sammy, dont elle diffuse les premières photos à tous ceux qui veulent bien les regarder, Mélanie découvre Youtube puis Instagram. Sammy et la cadette Kimmy deviennent les mascottes de la chaîne Youtube qu'elle crée, Happy Récré, déclinée également sur un compte Instagram régulièrement alimenté de photos, stories sur la vie quotidienne de la famille Claux. Les vidéos de ces graines d'influenceurs deviennent virales. Leur contenu varie : déballage de cadeaux, test de jeux divers et variés,  achats compulsifs, tout passionne les internautes dont le nombre ne cesse d'augmenter, faisant gagner à la famille une véritable fortune. Seulement, un jour, tout s'arrête. La star, la vedette de la famille, la plus regardée des enfants disparaît. Pour retrouver les traces de Kimmy, Clara Roussel est mandatée. Du même âge que Mélanie, elle aussi a regardé en cachette Loft Story et les dérivés qui suivront. Néanmoins, son parcours est tout autre : policière émérite, un peu dépassée par l'évolution du monde, elle découvre avec effroi la vie de la famille Claux. De 2019 à 2031, le lecteur est invité à suivre les parcours de ces deux femmes, avec une réflexion particulière menée sur les jeunes influenceurs.

Mon avis.

Moi-même un peu dépassée par les réseaux sociaux, bien souvent consternée par ce qui s'y dit ou ce qui s'y fait et trouvant dangereux cette mise en avant outrancière de l'image de soi, je ne pouvais qu'être séduite par ce nouveau roman de Delphine DE VIGAN. J'ai eu la chance de pouvoir me le procurer assez vite grâce à ma médiathèque. Une fois entamé, je ne l'ai plus lâché, un véritable coup de cœur, le premier de cette année 2022.

Malgré une trame narrative plutôt simple, ce livre est d'une incroyable richesse. Il se situe à la croisée de plusieurs genres littéraires, sans pour autant qu'un genre prenne le pas sur un autre. Les enfants sont rois est d'abord un roman. Un thriller, diront certains. Je n'irais pas jusque là, je parlerais davantage d'enquête policière, peut-être parce que le terme "thriller" m'évoque du sang, des meurtres atroces et un suspense effroyable, ce qui n'est pas le cas ici. Bien sûr, le narrateur réussit à nous tenir en haleine, bien sûr, on a envie de connaître l'identité du ravisseur de Kimmy, mais cette enquête policière n'est finalement qu'un prétexte pour donner du rythme à cette intrigue dont le but est avant tout d'alerter sur ce phénomène préoccupant. En creux, on est donc sur un roman qui s'inspire du documentaire ou de l'essai. Delphine DE VIGAN s'est documentée pour rédiger ce nouveau livre, ça se sent clairement. Malgré le côté fiction, l'histoire de Mélanie est tout à fait crédible et ressemble beaucoup à celles des parents qui ont fait de leurs enfants des influenceurs. C'est à travers le regard de l'agent de police, Clara Roussel, que l'on découvre cet univers dérangeant. Tout est disséqué, analysé : le contenu de ces chaînes Youtube avec une classification des vidéos postées, un historique du phénomène, jusqu'à la réglementation, dépassée par cette nouvelle conception du travail pour enfants. Moi qui ne suis sur aucun réseau social et qui ne m'intéresse pas du tout à ce type de chaînes sur Youtube, je n'avais aucunement conscience de l'ampleur de la catastrophe. D'ailleurs, ce roman serait à mettre entre toutes les mains afin d'alerter sur les ravages des réseaux sociaux. S'il est essentiellement question de la place des enfants dans cette mécanique infernale, il en va aussi de la responsabilité des parents, et plus largement des adultes. L'auteur s'attaque de façon plus générale à ce besoin irrépressible né dans la décennie 2000 et encore plus d'actualité aujourd'hui de s'exposer mais aussi de regarder l'autre afin de se comparer et d'une certaine façon de se rassurer sur ce qu'est une vie réussie. Ce livre s'attache principalement à décrire celui qui poste ce type de contenu, mais il ne faut pas oublier ceux qui sont de l'autre côté de l'écran et qui regardent les aventures de la famille Claux. Des millions d'internautes qui suivent, commentent, choisissent à la place des enfants, comme si c'était anodin de devenir accro à ce genre de chaîne. Enfin, ce roman a un côté dystopie, puisque la dernière partie se déroule en 2031. Sammy et Kimmy ont grandi, leur mère a vieilli, la société a évolué vers encore plus de technologique, encore plus de consumérisme (alors que la crise climatique est toujours laissée de côté), encore plus de voyeurisme même si de plus en plus de gens décident d'abandonner leurs smartphones et leurs réseaux sociaux pour se consacrer pleinement à leur vie. La proposition de Delphine DE VIGAN clôt de façon magistrale ce roman, laissant un peu d'espoir au lecteur, même si Mélanie est toujours aussi difficile à cerner.

Parlons-en de ces deux femmes, héroïnes de ce roman aux atouts multiples. Si Mélanie et Clara font partie de la même génération, elles ont des trajectoires bien différentes. Les deux ont visionné les premiers pas de Loana et Jean-Edouard dans le Loft, les deux se sont pris de plein fouet l'arrivée des réseaux sociaux, avec cette injonction de soumettre sa vie au pouce bleu des autres. Pourtant, sans le savoir, sans se connaître, ces deux femmes ont choisi de donner à leur vie un sens différent. C'est dans l'opposition entre ces deux caractères que réside pour moi le seul bémol de ce livre. Tout comme le personnage de Mélanie, j'ai trouvé que le contraste entre ces deux femmes était un peu trop caricatural et simpliste. Clara, la fille de profs, de ceux qui défilaient dans les cortèges pour la garantie des droits humains, est devenue flic, œuvrant au quotidien pour la justice et traçant son petit bonhomme de chemin en solitaire, blasée par le monde, refusant de donner la vie. A l'inverse, Mélanie, issue des classes populaires, regardant Loft Story aux côtés de ses parents, a mis un pied dans l'abject, a vendu son âme, le bonheur de sa famille, l'enfance de sa progéniture aux algorithmes de Zuckerberg. Qui plus est, Mélanie est un personnage qui n'a pas de nuances, tous ses choix sont uniquement dirigés vers le développement de sa chaîne Happy Récré. Sa façon d'être est poussée à son extrême, peut-être est-ce pour marquer le lecteur. Bien que si simple dans ses désirs, il est difficile de la cerner. Alors que son parcours est retracé avec précision, on ne sait pas vraiment déterminer ce qui chez cette femme est de l'ordre du sincère ou de la comédie. On ne sait pas non plus ce qui l'anime, comment elle peut être aussi aveugle devant la détresse de ses enfants. Est-ce ce souhait, si profondément ancré, de s'exposer, d'être à la tête d'une communauté de fans ? Est-ce l'envie d'être reconnue, d'œuvrer pour le bonheur familial ? Est-ce l'appât du gain ? Une volonté d'être en dehors des réalités, un cocon de douceur faits de filtres licorne et de poussières de fée ? Jusqu'aux derniers dénouements, on ne sait pas trop quoi penser de cette femme qui nous occupe pendant la totalité du roman, on est juste saisi d'effroi devant le désespoir de ces deux enfants dont la vie est gâchée par les ambitions démesurées et inappropriées de leur mère.
 
Voilà un roman qui nous parle de notre époque, de l'addiction aux réseaux sociaux et à la valorisation de sa propre image. Sans être moralisateur, il nous offre l'occasion de questionner notre société, tout en nous plongeant dans une histoire romancée qui nous tient en haleine. N'hésitez pas une seconde, allez vite découvrir Les enfants son rois !
Dernières infos.

Les enfants sont rois a été publié en 2021 et compte 352 pages.

Ma note.
Challenges.

Défi lecture 2022 : Consigne 72 - Livre dans lequel un programme TV est cité - 5/100