dimanche 29 novembre 2020

Le mystère Henri Pick - David Foenkinos

En résumé.

Il est une bibliothèque, dans la petite ville bretonne de Crozon, qui recueille en son sein des ouvrages refusés par les maisons d'édition. Inspiré par sa lecture de L'avortement de BRAUTIGAN, Gourvec, bibliothécaire passionné, décide de concrétiser ce projet philanthropique dont le but est de donner une seconde chance à des auteurs qui ont été refusés par les éditeurs. Si le succès d'un tel projet décline au fil des années, en partie à cause du décès de Gourvec, Crozon et sa bibliothèque des livres refusés revient sur le devant de la scène lorsqu'une jeune éditrice, Delphine, accompagné de son conjoint écrivain, tombe sous le charme d'un de ces livres oubliés, écrit par un certain Henri Pick. La jeune femme croit tellement en cette histoire qui raconte les dernières heures d'une relation amoureuse, qu'elle se bat pour la faire publier. L'histoire rocambolesque autour de l'auteur du livre, un pizzaïolo de Crozon qui n'aurait jamais écrit un seul mot de sa vie, contribue très largement au succès littéraire du roman. Mais dès lors, de nombreuses questions se posent et certains vont jusqu'à dire qu'Henri Pick n'est pas le véritable auteur. L'enquête est lancée autour de ce livre qui déchaînera les passions et qui bouleversera bien des vies. 

Mon avis.

Livre commencé lors d'une nuit blanche chez une copine il y a déjà quelques années. Les semaines, puis les mois ont passé, mais j'avais toujours en tête les premiers chapitres qui m'avaient bien plu. L'envie récente de lire un autre FOENKINOS, après La délicatesse et Nos souvenirs, m'a conduite tout naturellement vers Le mystère d'Henri Pick.

Pour commencer, sur le plan de la forme, livre relativement court mais dont la longueur s'adapte à la perfection avec le fond. Moins nous aurait donné l'impression d'un livre bâclé, plus nous aurait donné l'impression d'un livre ennuyant et ennuyeux. Certaines longueurs demeurent déjà dans les premiers chapitres lorsque le roman d'Henri Pick fait grand bruit et que le narrateur revient largement sur son succès et sur la surprise de la famille qui n'aurait jamais soupçonné que leur Henri puisse être capable d'une telle prouesse littéraire. Heureusement, les parties suivantes sont plus dynamiques et le fait de suivre plusieurs personnages en parallèle, tous impactés d'une façon ou d'une autre par cette histoire de livre oublié, amène du rythme à l'ensemble. Ce dynamisme est également rendu possible grâce à des chapitres assez courts et à la présence de dialogues qui rendent l'ensemble vraisemblable. C'est le genre de lecture très appréciable lorsqu'on lit dans les transports en commun, les pages se tournent rapidement, et on peut toujours s'arrêter à la fin d'un chapitre (j'avoue, je suis un peu psychorigide, je n'aime pas interrompre ma lecture en plein milieu d'un chapitre).

Sur le plan du fond à présent, si je sais qu'un certain nombre de lecteurs a pu être déçu par ce roman, il reste une agréable lecture pour ma part, fidèle au style FOENKINOS. Bien sûr, ce n'est pas LA lecture de l'année, mais il fait passer un bon moment, on se prend au jeu et on a à notre tour très envie de connaître la vérité autour du mystère Henri Pick. J'ai aimé suivre l'ensemble des personnages, tous très réalistes, si bien que je me suis plusieurs fois demandé si ce roman n'était pas inspiré de faits réels, d'autant plus que L'avortement, roman qui est en quelque sorte le point de départ du livre, existe réellement. J'ai également apprécié de voir les retentissements d'un tel événement sur les vies des différents personnages, que ce soit pour des questions financières (les fameux droits d'auteur) ou pour des questions plus intimes comme le regard que l'on peut porter sur un être que l'on pensait connaître et les intentions que l'on peut lui prêter une fois qu'il n'est plus là. L'enquête est également intéressante à suivre, et elle promet des rebondissements jusqu'aux ultimes pages du livre. Même si je n'ai pas vraiment été sensible à cela, il faut savoir que l'auteur rend compte aussi de ce qu'est l'édition en France et de la difficulté pour bon nombres d'auteurs d'être retenus par des éditeurs pour promouvoir leurs productions. C'est en cela aussi que le twist final est pertinent et pose de nombreuses questions : qu'est-ce qui fait le succès d'un livre ? Est-ce la forme, le fond, l'abattage médiatique qui a accompagné sa sortie ? Tout cela n'est-il pas une question de chance finalement, croiser la bonne personne au bon moment ? C'est assez ironique puisque Le Mystère Henri Pick a lui-même connu le succès en partie lorsque l'adaptation cinématographique est sortie.

Sans être une prouesse littéraire, ce roman reste une lecture originale et très agréable qui garantit de passer un bon moment. Amateur de livres, je ne peux que vous conseiller de vous plonger dans cette histoire qui soulève la question de l'édition de ces milliers de livres qui voient le jour chaque année.
Dernières infos.

Le mystère Henri Pick a été publié en 2016 et compte 323 pages. Il a été adapté pour le cinéma en 2019 par Rémi BEZANCON avec Fabrice LUCHINI dans le rôle de Jean-Michel ROUCHE et Camille COTTIN dans le rôle de Joséphine PICK.

Ma note.
Challenges.

100 livres à lire en 2020 : 45/100
Défi lecture 2020 : Consigne 51 - Lire un livre qui a été adapté au cinéma ou à la télévision - 45/100

samedi 21 novembre 2020

Kinshasa jusqu'au cou - Anjan Sundaram

En résumé.

L'auteur, Anjan SUNDARAM, est promis à un bel avenir, du moins ce que notre société occidentale considère comme un bel avenir, des études de mathématiques réussies qui lui ouvrent les portes de Goldman Sachs. Pourtant, ce n'est pas la trajectoire qu'il choisit. Sur un coup de tête, grâce à une rencontre, ou encore par envie d'authenticité, notre homme prend un aller simple pour Kinshasa, la capitale de la République Démocratique du Congo. Accueilli chez l'habitant, des gens très modestes résidant dans un des quartiers sensibles de la métropole qui ne cesse de s'étendre, il décide de troquer ses livres d'algèbre contre du papier et un stylo puisqu'il sera désormais reporter. Les sujets ne manquent pas, la pauvreté, le délabrement général d'une ville empreinte de son passé colonial, le système D, le pillage des ressources, la dictature, l'insécurité quotidienne, la corruption, et pourtant rien de tout ça n'intéresse les journaux occidentaux. Anjan SUNDARAM, sidéré par ce qu'il voit du Congo, souvent étouffé par le mode de vie, va lutter pour faire entendre sa voix et faire reconnaître ses talents de journaliste, jusqu'à écrire aujourd'hui pour des journaux renommés tels que The Guardian, The New York Times ou encore The Washington Post.

Mon avis.

Après Tokyo Vice, Kinshasa jusqu'au cou est le deuxième bouquin des éditions Marchialy dans lequel je me plonge. Cette jeune maison d'éditions réunit tout ce que j'aime en littérature, des histoires vraies tellement originales de part leurs thèmes qu'elles nous amènent fréquemment sur le terrain de la fiction. Pourtant, si sur le papier le projet a tout pour me plaire, c'est une seconde déception que je viens de vivre avec ce livre qui nous emporte jusqu'au cœur de l'Afrique.

Je dois bien le dire, les premières pages m'ont carrément séduites, à tel point que je pensais que ce serait un coup de cœur. Chouette, un livre qui change de l'ordinaire, une parole rapportée d'un pays dont on parle peu, pourtant porteur d'enjeux avec ses ressources naturelles incroyables. Enfin une parole pour raconter les ravages de la colonisation, puis de la décolonisation. Enfin quelqu'un pour me faire voyager à l'autre bout du monde, me faire vivre un quotidien si différent du mien, me rapporter des paysages que je n'aurai très certainement jamais l'occasion de voir de mes propres yeux. Que d'espoir placé dans ces quelques pages ! Et puis la douche froide, la lente descente aux enfers, ce moment où on compte les pages tellement on a hâte d'en voir le bout. Je ne pourrais pas vraiment situer le point de bascule. Je ne sais d'ailleurs pas si la faute est du côté de l'auteur, ou du mien, avec mes lectures fractionnées dans les transports en commun, qui m'empêchent de vivre l'histoire dans sa totalité. En tout cas, j'étais été gênée par une chronologie quasiment absente. On comprend que l'auteur nous livre une partie de sa nouvelle vie de journaliste, qui culmine avec les premières élections démocratiques du pays qui portent au pouvoir Joseph KABILA. Mais je n'ai pas bien compris quel est le point de départ de ce récit, s'il intervient après des années déjà passées au Congo ou si nous n'en sommes encore qu'au début. Qui plus est, très vite, Anjan SUNDARAM oriente son récit vers une suite de détails sur sa nouvelle vie, perdant de ce fait de la consistance. Je crois que ma déception principale vient de là, j'aurais aimé en connaître davantage sur le Congo, plutôt que d'avoir affaire à des détails sordides. Je me suis tellement détachée du personnage principal que j'ai fini par m'ennuyer, attendant inexorablement quelque chose qui ne venait pas, quelque chose de plus consistant, qui nous amène véritablement à la rencontre d'un pays et de sa population. D'ailleurs, ma déception est du même ordre que celle que j'ai connue après la lecture de Tokyo Vice. Les auteurs se perdent tellement en détails qui sont pour moi inutiles, que l'on perd tout ce qu'il y a d'extraordinaire dans leurs parcours et dans ce qu'ils ont pu voir des ces pays.

Néanmoins, le tableau n'est pas complètement noir, quelques touches de lumières nous redonnent de l'espoir. Cela ne va pas vous surprendre, j'ai principalement aimé les passages où l'auteur s'attarde à décrire la société congolaise, ainsi que le présent politique du pays. Quelques morceaux de chapitres sont consacrés aux ravages causés par la colonisation, ainsi qu'à la lente et difficile reconstruction de ce pays gangrené par la corruption, et la violence imposée par les différentes milices. La richesse des sols congolais attire la convoitise des pays occidentaux mais aussi de plus en plus de la Chine, mais par un jeu de passe-passe, aucun bénéfice ne revient dans les mains de la population qui vit dans l'insalubrité la plus totale. L'auteur nous fait ressentir un environnement fait de débrouille, étouffant de chaleur, encore très guidé par le chamanisme, où l'insécurité domine et où le danger peut être partout, sous des formes diverses dont le vol est une des menaces les plus courantes semble t-il puisque c'est même devenu un mode de vie. En milieu de livre, l'auteur s'éloigne de Kinshasa, pour aider un ami mais aussi pour s'extraire de l'ambiance pesante de la capitale, et part à la découverte des contrées reculées de ce vaste pays. Les peuples autochtones, bien que très en marge de la mondialisation ont tout de même été infiltrés par le mode de vie à l'occidentale. C'est d'ailleurs l'étude de ces populations qui lui vaudra son premier succès journalistique.

Bien que ces sujets soient très intéressants, ils n'ont pas suffisamment été développés à mon goût. Je reste sur une déception face à ce récit qui était pourtant plein de promesses. L'impression d'être passée à côté de quelque chose, peut-être l'aurais-je mieux apprécié si je l'avais lu d'une traite... Si vous êtes un passionné de l'histoire africaine ou simplement curieux de modes de vie bien éloignés des nôtres, je vous conseille ce livre, sinon passez votre tour !
Dernières infos.

Kinshasa jusqu'au cou à été publié en 2017 et compte 344 pages.

Ma note.
Challenges.

100 livres à lire en 2020 : 44/100
Défi lecture 2020 : Consigne 29 - Livre dont la couverture représente un paysage urbain - 44/100

dimanche 1 novembre 2020

Les impatientes - Djaïli Amadou Amal

En résumé.

Ramla, Hindou et Safira sont trois jeunes femmes peules - ethnie que l'on retrouve dans la zone du Sahel et qui court sur plusieurs pays. Nous sommes ici dans le Nord du Cameroun. Ces trois femmes sont réunies par un événement commun, l'événement le plus important d'une vie dans la tradition peul et musulmane, le mariage. Ramla et Hindou s'apprêtent à être unies à deux hommes qu'elles n'ont pas choisis, deux hommes violents et uniquement préoccupés par leur prospérité, autant filiale que financière. Safira, quant à elle, est déjà mariée au mari de Ramla et s'apprête à accueillir sa co-épouse au sein de la concession, ensemble de bâtiments qui accueillent les différentes femmes de l'homme et sa progéniture. Safira non plus n'a pas choisi de partager son mari, la polygamie est un fait courant chez les peul. Ramla, en plus de dire adieu à ses rêves d'émancipation et de subir les assauts d'un mari violent, devra également faire face à l'hostilité de Safira, bien décidée à défendre son territoire. Trois femmes qui devront apprendre la patience, le munyal, principe cher des peul, afin d'accepter l'inacceptable.

Mon avis.

La médiathèque dans laquelle travaille mon choupi a la chance d'être bien fournie en romans de la rentrée littéraire. Après avoir parcourue l'étagère qui les accueille, mon choix s'est arrêté sur ce livre écrit par une auteur camerounaise, peule, musulmane et acquise à la cause des femmes. J'avais envie d'une lecture provenant d'autres horizons, et le côté témoignage (puisque l'auteur a elle-même été mariée à 17 ans) m'a attirée.

Je ne vous cache pas que ce livre fut un quasi-coup de cœur. Sur le plan de la forme déjà, trois voix se succèdent, racontant à la première personne cet événement si particulier qu'est le mariage. Peut-être parce que j'ai eu directement accès aux pensées et aux émotions de ces jeunes femmes, je me suis sentie complètement happée par ces vies douloureuses. Les chapitres sont brefs et le style d'écriture est limpide, allant droit à l'essentiel. Dès les premières lignes, on est projeté aux côtés de ces femmes qui ne sont encore que des filles, on les voit toutes chétives et toutes tremblantes, on les sent complètement angoissées et désorientées face à leur père et au restant de leur famille, on entend les prières, les chants qui les exhortent à faire preuve de munyal, de patience, d'abnégation en fait, sans nommer explicitement ce devant quoi elles devront faire preuve de patience, la volonté inébranlable de leurs hommes. Si ce livre ne fait qu'à peine 240 pages, il aura su m'emporter et je suis certaine que je m'en souviendrai encore dans quelques mois tellement je l'ai lu avec indignation, tournant les pages sans m'arrêter, chaque fois un peu plus atterrée par la barbarie.

Je n'avais encore jamais eu l'occasion de lire sur les peuls, encore moins sur la condition des femmes dans cette ethnie. L'originalité du thème m'a donc séduite, j'apprécie toujours d'être immergée dans un univers complètement différent du mien, qui plus est lorsque le récit s'inspire de faits réels, comme c'est le cas ici. Si le thème principal est la condition féminine, plusieurs sous-thèmes sont abordés : la polygamie, le poids de la religion, la place de l'homme dans la société, tout puissant, la répression des émotions des femmes qui sont uniquement reléguées aux tâches du quotidien et à l'éducation des enfants, l'absence d'école pour les jeunes filles qui peuvent se marier dès l'âge de 11 ans, la question de l'argent et de la richesse en toile de fond, l’apparat, l'absence de révolte, l'acceptation tacite de ce système alors même que beaucoup de femmes semblent en souffrir. Ces femmes sont réduites au silence, traitées en objet, violées, battues, rabaissées et dénigrées. Le pire est qu'elles ne peuvent trouver de réconfort auprès de personne puisque même leurs mères, leurs tantes entretiennent ce système, elles-mêmes terrorisées par leurs propres époux et bien trop occupées à survire au sein de la concession, à faire leur place face à des co-épouses enragées. Le personnage de Hindou va même jusqu'à devenir folle, tellement affaiblie par les coups de son mari et désemparée devant son entourage qui l'exhorte à faire preuve de munyal. Un roman qui présente des faits atroces, mais bien réels malheureusement.

Je pense que ce livre passera inaperçu, face aux best-seller livresques. Pour autant, je vous encourage à ne pas passer à côté. Il se lit vite, il est percutant, il permet aussi de se documenter sur d'autres injustices dont on parle peu, mais qui sont malheureusement toujours d'actualité. A mettre décidément sous le pied du sapin dans quelques mois !
Dernières infos.

Les impatientes a été publié en 2020 et compte 240 pages.

Ma note.

Challenges.

100 livres à lire en 2020 : 41/100
Défi lecture 2020 : Consigne 62 - Lire le dernier livre d'un auteur - 41/100