En résumé.
Ramla, Hindou et Safira sont trois jeunes femmes peules - ethnie que l'on retrouve dans la zone du Sahel et qui court sur plusieurs pays. Nous sommes ici dans le Nord du Cameroun. Ces trois femmes sont réunies par un événement commun, l'événement le plus important d'une vie dans la tradition peul et musulmane, le mariage. Ramla et Hindou s'apprêtent à être unies à deux hommes qu'elles n'ont pas choisis, deux hommes violents et uniquement préoccupés par leur prospérité, autant filiale que financière. Safira, quant à elle, est déjà mariée au mari de Ramla et s'apprête à accueillir sa co-épouse au sein de la concession, ensemble de bâtiments qui accueillent les différentes femmes de l'homme et sa progéniture. Safira non plus n'a pas choisi de partager son mari, la polygamie est un fait courant chez les peul. Ramla, en plus de dire adieu à ses rêves d'émancipation et de subir les assauts d'un mari violent, devra également faire face à l'hostilité de Safira, bien décidée à défendre son territoire. Trois femmes qui devront apprendre la patience, le munyal, principe cher des peul, afin d'accepter l'inacceptable.
Mon avis.
La médiathèque dans laquelle travaille mon choupi a la chance d'être bien fournie en romans de la rentrée littéraire. Après avoir parcourue l'étagère qui les accueille, mon choix s'est arrêté sur ce livre écrit par une auteur camerounaise, peule, musulmane et acquise à la cause des femmes. J'avais envie d'une lecture provenant d'autres horizons, et le côté témoignage (puisque l'auteur a elle-même été mariée à 17 ans) m'a attirée.
Je ne vous cache pas que ce livre fut un quasi-coup de cœur. Sur le plan de la forme déjà, trois voix se succèdent, racontant à la première personne cet événement si particulier qu'est le mariage. Peut-être parce que j'ai eu directement accès aux pensées et aux émotions de ces jeunes femmes, je me suis sentie complètement happée par ces vies douloureuses. Les chapitres sont brefs et le style d'écriture est limpide, allant droit à l'essentiel. Dès les premières lignes, on est projeté aux côtés de ces femmes qui ne sont encore que des filles, on les voit toutes chétives et toutes tremblantes, on les sent complètement angoissées et désorientées face à leur père et au restant de leur famille, on entend les prières, les chants qui les exhortent à faire preuve de munyal, de patience, d'abnégation en fait, sans nommer explicitement ce devant quoi elles devront faire preuve de patience, la volonté inébranlable de leurs hommes. Si ce livre ne fait qu'à peine 240 pages, il aura su m'emporter et je suis certaine que je m'en souviendrai encore dans quelques mois tellement je l'ai lu avec indignation, tournant les pages sans m'arrêter, chaque fois un peu plus atterrée par la barbarie.
Je n'avais encore jamais eu l'occasion de lire sur les peuls, encore moins sur la condition des femmes dans cette ethnie. L'originalité du thème m'a donc séduite, j'apprécie toujours d'être immergée dans un univers complètement différent du mien, qui plus est lorsque le récit s'inspire de faits réels, comme c'est le cas ici. Si le thème principal est la condition féminine, plusieurs sous-thèmes sont abordés : la polygamie, le poids de la religion, la place de l'homme dans la société, tout puissant, la répression des émotions des femmes qui sont uniquement reléguées aux tâches du quotidien et à l'éducation des enfants, l'absence d'école pour les jeunes filles qui peuvent se marier dès l'âge de 11 ans, la question de l'argent et de la richesse en toile de fond, l’apparat, l'absence de révolte, l'acceptation tacite de ce système alors même que beaucoup de femmes semblent en souffrir. Ces femmes sont réduites au silence, traitées en objet, violées, battues, rabaissées et dénigrées. Le pire est qu'elles ne peuvent trouver de réconfort auprès de personne puisque même leurs mères, leurs tantes entretiennent ce système, elles-mêmes terrorisées par leurs propres époux et bien trop occupées à survire au sein de la concession, à faire leur place face à des co-épouses enragées. Le personnage de Hindou va même jusqu'à devenir folle, tellement affaiblie par les coups de son mari et désemparée devant son entourage qui l'exhorte à faire preuve de munyal. Un roman qui présente des faits atroces, mais bien réels malheureusement.
Je pense que ce livre passera inaperçu, face aux best-seller livresques. Pour autant, je vous encourage à ne pas passer à côté. Il se lit vite, il est percutant, il permet aussi de se documenter sur d'autres injustices dont on parle peu, mais qui sont malheureusement toujours d'actualité. A mettre décidément sous le pied du sapin dans quelques mois !
Dernières infos.
Les impatientes a été publié en 2020 et compte 240 pages.
Ma note.
Challenges.
* 100 livres à lire en 2020 : 41/100
* Défi lecture 2020 : Consigne 62 - Lire le dernier livre d'un auteur - 41/100
* Défi lecture 2020 : Consigne 62 - Lire le dernier livre d'un auteur - 41/100
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire