samedi 2 janvier 2021

Chanson douce - Leïla Slimani

En résumé. 
 
Myriam ne supporte plus de s'occuper de ces deux enfants qu'elle a mis au monde. Le linge, les papouilles, les traces de compotes et de purée à la carotte, les cris, les caprices, les couches, elle a envie de tout arrêter, les petites bouilles de Mila et Adam ne lui suffisent plus pour dépasser les désagréments de la maternité. Elle rêve de reprendre sa carrière d'avocate, de briller en société, de fouler le pavé perchée sur ses talons aiguilles, de rire au côté de son mari musicien, une coupe de champagne à la main. La décision a été dure à prendre mais le couple finit par se mettre d'accord pour embaucher une nounou. Face aux femmes sans papier qui se succèdent dans l'appartement parisien pour tenter leur chance, Louise, femme mûre, toute en finesse et en élégance retient leur attention avec ses manières de bourgeoise ratée. Un choix qu'ils ne regretteront pas. Cette femme à tout faire, aussi douce avec les enfants que douée en cuisine s’immisce progressivement dans la vie du couple, leur devient indispensable, nourrit leurs ambitions en même temps qu'elle nourrit les siennes. Des projections sur la vie de l'autre qui finissent par un drame, la mort des deux enfants.
 
Mon avis.
 
Impossible de passer à côté de ce roman dont on a entendu beaucoup parler puisqu'il a permis à son auteur, Leïla SLIMANI, de remporter le prix Goncourt en 2016. J'ai mis du temps à me le procurer, mais j'ai finalement cédé lors d'un passage chez un bouquiniste, poussée par une fièvre acheteuse post premier confinement, en prévision du second. Je ne regrette pas mon achat, de seconde main qui plus est, mais qui restera longtemps sur les étagères de ma bibliothèque tant je suis sûre de le relire plusieurs fois.

Un roman d'une taille tout à fait raisonnable dont les premières pages ne peuvent que saisir le lecteur. "Le bébé est mort", et l'autre va succomber. Autant dire que je ne m'attendais pas à un départ aussi cruel, il aura le mérite de faire planer sur le reste du roman une ambiance pesante, malsaine, d'agonie. Les chapitres, courts, se succèdent, présentant tour à tour les protagonistes de cette histoire abracadabrantesque, Myriam et Paul, un couple de parents pétri d'une ambition tuée dans l’œuf par la naissance de leurs deux angelots, Adam et Mila, les futures victimes qui ne demandaient pourtant que l'affection des ces adultes mal dans leur peau, et celle sur qui tout repose, Louise, une femme aussi douée que déséquilibrée, dont la vie n'aura laissé que des cicatrices qui ne pouvaient la mener qu'au meurtre. Afin de s'immerger le plus possible dans cette atmosphère nauséabonde, je pense qu'il est nécessaire de lire ce roman d'une traite. Contrainte par ma vie quotidienne qui me mène bien trop souvent et bien trop longtemps dans les transports en commun, je pense que j'aurais davantage apprécié ma lecture si elle n'avait pas été aussi interrompue par les annonces de la SNCF, les écouteurs des voyageurs et les arrêts de bus. Quoiqu'il en soit, j'ai complètement été transportée par l'écriture de Leïla SLIMANI et son analyse chirurgicale de ses personnages.

Tout repose là-dessus, les personnages et leurs vices, leurs névroses mal soignées. Les faits décrits sont finalement banals, des jeux d'enfants, des rires après des imitations de cris d'Indiens, des bains, des couchers de soleil sur des îles grecques, une vie de famille. Toutefois, l'auteur nous amène sur d'autres terrains, explore les acteurs de cette vie banale. Le flou qui entoure le personnage de Louise est saisissant, il entretient une forme de suspense qui monte crescendo au fil des pages alors qu'on connaît déjà l'issue. On a envie de comprendre pourquoi et comment tout bascule, la personnalité malade de cette femme nous est progressivement expliquée au fur et à mesure de témoignages sordides. J'ai été subjuguée par le talent de Leïla SLIMANI, cette capacité à écrire si simplement et à décrire des faits de l'ordinaire tout en donnant à l'ensemble une tournure si malsaine. J'ai pu lire à droite à gauche que ce roman serait aussi une histoire de lutte des classes, avec d'un côté un couple bourgeois et d'un autre côté une veuve criblée de dettes et exploitée. Pour être tout à fait honnête, je ne suis pas allée aussi loin dans mon interprétation, j'ai plutôt pris l'histoire au première degré. Je trouve d'ailleurs que cette analyse sociétale n'est pas flagrante, on est plus sur une narration très distancée, une observation sans jugement ni parti pris.

Je vous encourage à ne pas passer à côté de ce livre et à la mettre vite à l'agenda de vos prochaines lectures ! Un style d'écriture incroyablement simple et fluide mais dont le fond est puissant, saisissant par son côté sordide et malsain. On est loin des romans élitistes et trop compliqués pour n'être compris que par une poignée de lecteurs. Un Prix Goncourt mérité et restant accessible pour tous.
Dernières infos.
 
Chanson douce a été publié en 2016 et compte 245 pages. Il a obtenu le Prix Goncourt la même année. Lucie BORTELEAU a porté le livre à l'écran en 2019, mettant en scène Karine VIARD, Leïla BEKHTI et Antoine REINARTZ.

Ma note.
Challenges.
 
Défi lecture 2020 : Consigne 94 - Livre ayant reçu un prix prestigieux (Pulitzer/Goncourt/Nobel) - 49/100

2 commentaires:

  1. Je ne me serais pas forcement tournée vers ce livre mais tu en parles tellement bien que je suis curieuse de le découvrir :)

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    Réponses
    1. Merci d'être passée par là ! Je te le conseille vraiment. En plus, il n'est pas très long, donc si jamais il ne te plaît pas, tu n'auras pas à souffrir trop longtemps !

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