Sokcho est une petite ville portuaire de Corée du Sud, à deux pas de la frontière avec la Corée du Nord. En hiver, elle est désertée par les touristes. Seuls les pêcheurs et les poissonniers ont le courage d'y rester pour gagner un peu d'argent. C'est dans ce décor que la narratrice vit. Nous ne connaissons pas son nom, on sait simplement qu'elle travaille dans une petite pension délabrée de la ville où elle s'occupe du ménage, gère l'accueil des pensionnaires et leur fait la cuisine. Elle est toute jeune, fraîchement revenue de ses études à Séoul pour s'occuper de sa mère avec qui elle entretient des relations électriques. Fille d'un Français et d'une Sud-Coréenne, elle rêve à ce pays qu'elle n'a jamais visité et qui porte la moitié de ses origines, la France. Un jour froid, Yan Kerrand, Normand, passe la porte de la pension. Il est dessinateur de BD et vient chercher l'inspiration dans cette région du bout du monde. Une curieuse relation va se mettre en place entre nos deux protagonistes.
Mon avis.
Le printemps fait son retour dans 4 jours (quoiqu'on a un peu de mal à y croire certains jours) et pourtant je me suis plongée dans une lecture d'hiver - un hiver sec, rigoureux, qui met à mal l'écorce des deux protagonistes de ce premier roman d'Elisa Shua Dusapin, elle-même franco-coréenne et qui a mon âge (à 25 ans, être capable d'écrire ces quelques pages, je lui tire mon chapeau !). Je l'avais vu passé il y a quelques temps sur Livraddict, l'avais aussitôt glissé dans ma Wish-List et n'ai donc pas hésité à m'en emparer lorsque je l'ai vu traîné dans le coin des "Ça nous a plu" à la bibliothèque.
Ce roman très court (moins de 200 pages) a fait l'objet de nombreuses chroniques élogieuses sur la toile, mettant en avant la sensibilité dont fait preuve l'auteur. Je suis plutôt d'accord avec ce point. Il s'agit d'une lecture toute en légèreté, à fleur de peau. Le lecteur est témoin de la rencontre entre deux écorchés vifs, deux solitaires, aux blessures à la fois semblables et différentes parce qu'ils sont le fruit de deux cultures aux antipodes l'une de l'autre. A travers cette rencontre et le peu d'échanges qu'ils entretiennent, c'est une quête de soi qui se réalise. On voit la narratrice changer au fil des pages : elle qui n'était que dévotion (par rapport à sa mère, à son petit-ami et à son patron) s'émancipe petit à petit et devient une femme, avec ses désirs à elle, l'envie de plaire et le souci de se débarrasser du poids du regard maternel et des conventions sociales. Elle a misé cette nécessaire liberté dans le corps d'un seul homme, Kerrand, dont elle ne connaît presque rien mais dont elle a romancé et embelli toute la vie, à partir du bruit de sa plume sur le papier à dessin et des résumés de ses précédentes BD. J'ai d'ailleurs trouvé la fin à la fois triste et juste. Triste parce qu'évidemment on espérait autre chose en tant que lecteur. Et juste parce que c'est ainsi que se dénouent les relations dans la vraie vie. Comme très souvent, je trouve que c'est le dénouement qui confère au livre tout son caractère. Celui-ci est réussi et heureusement.
Mes seuls regrets tiennent à la longueur du livre. Il est vraiment très, très court. Je l'ai fait durer sur deux ou trois soirs car j'étais trop épuisée pour lire beaucoup mais il peut être lu en une après-midi sans aucun problème. Certes, il y a le nombre de pages qui est peu élevé mais il y a aussi la longueur des chapitres qui est ridicule. Il y a donc beaucoup de pages vides dans ce livre. La profondeur d'une histoire ne tient pas nécessairement à sa longueur mais dans ce cas-ci, j'ai manqué de temps pour m'attacher aux personnages et savourer leur histoire. J'aurais aimé que certaines scènes soient un peu plus développées, que les chapitres aillent au rythme de l'errance de Kerrand dans cette région complètement désertée, quitte à ce que le rythme soit lent. J'aurais aussi apprécié en savoir plus sur l'histoire de la narratrice : qui était son père, pourquoi elle ne l'a jamais connu, pourquoi elle entretient ce type de relations avec sa mère. Ce roman m'a fait l'effet d'une dégustation : j'ai savouré le moment où j'avais quelque chose en bouche mais une fois avalé, je crains qu'il ne me reste quoi que ce soit sur les papilles.
Une lecture très rapide que je vous conseille pour les après-midi d'hiver lorsque vous avez quelques heures devant vous pour vous évader jusqu'en Corée du Sud !
D'un coup d’œil, les plus, les moins.
+ Une ambiance à la fois délicate et puissante : les personnages sont dépeints avec beaucoup de respect et en même temps on plonge dans leur face sombre.
+ On s'évade en Corée du Sud, à la découverte d'une autre culture.
+ Le dénouement qui donne au livre tout son caractère.
- Le livre est bien trop court !
Dernières infos.
Hiver à Sokcho a été publié en 2016 et compte 140 pages.
Ma note.
Pour le coup, je sors de quelque part, du coup c'est typiquement le genre de lecture qui devrait me convenir en ce moment. En plus l'histoire a l'air à la fois très belle, et très immersive. Bref tu me fais très envie.
RépondreSupprimerEffectivement, c'est une jolie histoire, toute en délicatesse. Elle se lit très vite et pourtant la sensation de dépaysement est bien présente...
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