samedi 13 juin 2020

Le Cycle de l'invisible - Eric-Emmanuel Schmitt

Sur cette page, découvrez mes avis sur les romans composant le Cycle de l'invisible - cycle rédigé par un auteur que l'on ne présente plus, Eric-Emmanuel SCHMITT et consacré aux spiritualités. Ce cycle comporte à ce jour huit romans très courts qui mettent en scène, chacun à leur tour, un enfant et une spiritualité. 

TROISIÈME ROMAN : Oscar et la dame rose.

En résumé : Oscar a dix ans et sa maison, c'est l'hôpital. Atteint d'une maladie incurable, il sait que ses jours sont comptés. Face aux médecins et à ses parents qui lui mentent délibérément sur la gravité de son état, il va trouver du réconfort auprès de Mamie-Rose, une des dames roses bénévoles qui rendent visite aux enfants malades pour leur apporter un peu de douceur. Mamie-Rose est la seule qui ose lui dire la vérité et qui ose le bousculer dans son quotidien, pas étonnant pour une soi-disant catcheuse renommée. C'est aussi elle qui va le convaincre d'écrire à ce Dieu auquel l'enfant ne croyait pas, pour apaiser ses peines et l'encourager à croire aux douze derniers jours, ceux qu'Oscar vivra pleinement, comme si chaque jour représentait dix ans, cent-vingt ans, pour finir par s'éteindre doucement.

Mon avis : Je le conçois, Oscar et la dame rose ne décrocherait pas la palme du résumé le plus joyeux. Toutefois, ne jamais se fier aux apparences, ce roman, bien qu'ayant tous les ingrédients d'une lecture tire-larmes, n'est pas larmoyant. Il y a suffisamment d'humour et de douceur pour contrebalancer le destin malheureux de ce petit garçon qui n'a rien demandé. Vous l'aurez sans doute compris à l'évocation de Dieu, ce roman est consacré au christianisme. Néanmoins, je trouve que la question de la spiritualité n'est pas franchement mise au centre du livre. Certes, ce livre est construit sur la succession de lettres qu'Oscar envoie à Dieu, pour lui raconter son quotidien, ses joies et ses peines et pour lui demander des petites faveurs, dans le genre Aladdin et la lampe magique. Mais je ne vois pas dans cette correspondance à sens-unique le point de départ du bien-être du petit garçon. C'est plutôt la relation qu'il entretient avec Mamie-Rose qui lui donne la force de vivre alors qu'il se sait condamné. Ce sont dans les souvenirs de la vieille dame, son passé amusant de catcheuse et les stratagèmes qu'elle met en place pour lui donner de nouvelles raisons de vivre, qu'Oscar puise sa détermination à profiter de chaque instant. Leur relation, autant que la personnalité d'Oscar, sont émouvantes à lire. Toutefois, je crois que ce livre est trop rapide (une centaine de pages) pour totalement se laisser prendre au jeu. Du moins, ce fut mon cas. Si j'ai apprécié ma lecture sur le moment, parce que pleine de fantaisie et attendrissante, je suis rapidement passée à autre chose une fois le livre refermé et je ne suis pas sûre que l'histoire d'Oscar me poursuivra encore longtemps. De même, j'ai eu le sentiment de passer un peu à côté du rôle central qu'était censé jouer le fait de croire en un Dieu supérieur.

Ma note : 3/5

Challenges :
Défi lecture 2020 : Consigne 46 - Livre dont le titre comporte le nom d'une couleur - 21/100

CINQUIÈME ROMAN : Le sumo qui ne pouvait pas grossir.

En résumé : Alors qu'il n'est âgé que de quinze ans, Jun a déjà connu la misère et le désarroi. Ayant fui sa famille dont il refuse de parler, il vend de la marchandise pour touristes dans les rues de Tokyo. Sans le sou, il dort à la belle étoile et se dit allergique à l'humanité. Le court de sa vie va prendre une nouvelle tournure grâce à sa rencontre avec Shomintsu, un maître qui entraîne des sumo au combat et qui décèle en Jun "un gros" malgré sa consistance toute frêle. D'abord hermétique à la parole de cet inconnu déterminé à l'inviter à un combat de sumos, il se laisse progressivement convaincre. Ce sera une révélation pour lui et cela va le mener vers une autre vision de la vie, de sa vie et de son histoire. 

Mon avis : Un jeune garçon aveuglé par les préjugés, emprisonné dans sa façon de se concevoir et de concevoir l'altérité, mais qui va progressivement s'ouvrir, faire tomber un à un les blocages qui l'empêchaient de vivre, notamment grâce à la méditation. Cela vous rappelle très certainement le bouddhisme, et il s'agit bien de cela dans cette cinquième partie du cycle de l'invisible. Je me suis beaucoup reconnu dans le personnage de Jun, même si sa transformation ne me parle pas vraiment, tellement elle est rapide et a un côté "idéal" qui l'empêche d'être réelle. Si les réflexions amorcées sont intéressantes, notamment sur les préjugés, sur nos visions parfois étriquées, l'inconvénient est ici le même que pour les autres romans du cycle, c'est beaucoup trop court. Pas le temps de soumettre le lecteur à réflexion, que Jun a déjà franchi de nouvelles étapes dans sa quête de lui-même. Certains développements mériteraient d'être plus approfondis. Je pense que cette histoire, qui plus est originale car le milieu des sumos est peu présent dans la littérature, serait une base de travail intéressante pour un roman plus long. Malgré ces petits bémols, j'ai quand même apprécié cette lecture, tant certains côtés ont résonné en moi. La leçon que je retiendrais le plus, même si elle n'est pas nouvelle, c'est que les choses peuvent changer du tout au tout, lorsqu'elles sont regardées sous un autre angle.

Ma note : 3/5

Challenges :

Défi lecture 2020 : Consigne 25 - Livre dont le titre contient une négation - 46/100

SIXIÈME ROMAN : Les dix enfants que Madame Ming n'a jamais eus.

En résumé : Au pays où la politique de l'enfant unique bride des millions de familles dans leur désir de fonder une large et belle fratrie, Madame Ming a réussi à avoir dix enfants. Du moins, c'est ce qu'elle fait croire à cet homme d'affaire français qui la rencontre dans les toilettes du Grand Hotêl de Yunhai où la vieille femme exerce le métier de dame Pipi. Au fil des conversations interrompues par ces hommes aux envies pressantes ou par les allers et venues plus ou moins longues de l'homme d'affaire, Madame Ming lui raconte les aventures pour le moins farfelues de ses enfants imaginaires. Alors que son interlocuteur n'a d'abord qu'une seule obsession, lever les mensonges de la dame Pipi, il se laisse prendre au jeu et finit par l'écouter, avec un plaisir non dissimulé, fabuler autour d'une vie qu'elle aurait aimé avoir, comme si la quête de vérité n'était plus prioritaire dans leurs échanges.

Mon avis : Comment parler de la Chine, pays immense, terre de contrastes et d'une richesse culturelle incroyable ? Par où commencer ? Eric-Emmanuel SCHMITT fait le choix de partir sur la piste du Confucianisme, nouvelle spiritualité explorée dans le cadre du Cycle de l'invisible. Dans ce très court roman (une centaine de pages), c'est le personnage de Madame Ming qui incarne la pensée de Confucius et la sagesse transmise à tout un peuple. Les citations sont nombreuses et ont pour vocation, semble t-il, à faire réfléchir le narrateur, engoncé dans sa pensée occidentale, mais aussi le lecteur. Au-delà de la diversité des cultures, la réflexion sur le mensonge et la vérité est universelle et c'est bien ce qui nous occupe une bonne partie du livre. A partir de quel moment est-il bon de dire la vérité ? Est-ce que toute vérité est bonne à dire ? Trouver refuge dans l'imaginaire est-il si dangereux que ça ? Voilà quelques questions posées par les échanges entre les deux protagonistes. Si j'ai trouvé ces pistes intéressantes, je trouve que ce livre est trop court pour amorcer une réelle réflexion. Les pages s'enchaînent, avec elles des citations de Confucius, quelques phrases qui nous piquent de part leur justesse, mais difficile d'aller plus loin tellement l'histoire se fait rapide. Une lecture qui se veut agréable, le personnage de Madame Ming étant divertissant et tellement loufoque qu'il nous arrache quelques sourires, mais je pense que je ne garderai malheureusement pas cette histoire en tête pendant bien longtemps. Un livre qui se lit, se relit et se re-relit pour bien s'en imprégner. 

Ma note : 3/5

Challenges :

Défi lecture 2020 : Consigne 32 - Livre dont le titre contient plus de huit mots - 32/100

SEPTIÈME ROMAN : Madame Pylinska et le secret de Chopin.

En résumé : 
Tout jeune, Eric-Emmanuel SCHMITT est intimidé par cet objet qui trône au beau milieu du salon, le cinquième membre de la famille, un piano droit. Lors de la fête organisée pour ses neuf ans, sa Tante Aimée fait courir ses doigts sur l'instrument et le ranime grâce à quelques airs de Chopin. Le jeune garçon est subjugué, un intérêt nouveau naît pour ce rival sur lequel il a longtemps jeté un regard noir. Il apprend vite à jouer, des mélodies de Bach, de Beethoven, Schubert mais Chopin lui résiste. Fraîchement arrivé à Paris pour ses études, il prend contact avec Madame Pylinska, une pianiste polonaise originale qui donne des cours et qui l’accepte comme élève. Rapidement, le jeune apprenti découvre des méthodes peu orthodoxes pour entrer dans l'univers de Chopin. Tantôt déboussolé, parfois même bousculé par les consignes de la vieille dame, il persiste et plus qu'une façon de jouer, il découvre une façon d'être au monde, apprenant peu à peu à connaître l'artiste de génie mais aussi à se connaître lui-même.

Mon avis : Une fois n'est pas coutume, il n'est pas question d'une religion à proprement parler dans ce très court roman, mais de la musique. Le pouvoir de la musique, qui agit comme un Dieu, il me semble que là est le message d'Eric-Emmanuel SCHMITT. La musique comme nouvelle spiritualité explorée dans le cadre du Cycle de l'invisible. L'auteur relate sa propre expérience et nous embarque vers des chemins insoupçonnés, à la découverte de Chopin et de l'impact qu'il a eu sur deux femmes de son entourage, la Tante Aimée, et Madame Pylinska. Deux femmes pour qui les notes du pianiste se sont avérées être des pansements contre la douleur, des remèdes pour traverser les chagrins, un éveil au monde, une entrée dans des univers inconnus. Comme la foi nous guide vers la connaissance de soi et des autres. Elles, elles ont cru dans le talent de cet artiste chétif. J'ai aimé ces deux personnages féminins, empreints d'une belle sensibilité, la sensibilité des artistes, tellement sensibles qu'elles ont su percer les secrets de leur maître pianiste. Cette sensibilité même que l'auteur n'a pas et qui le fait buter sur les mélodies de Chopin, du moins au début, avant que Madame Pylinska ne l'éveille aux beautés du monde. Eric-Emmanuel SCHMITT s'ouvre, à la musique, à l'amour, et à ce qu'il est profondément. C'est une histoire pleine de tendresse, mais qui s'écoule bien trop vite malheureusement. J'aurais aimé que ce trio soit davantage développé, que les deux personnages féminins soient davantage explorés et gonflent en puissance au fil des pages. Néanmoins, cela reste une lecture agréable, qui doit être à mon avis encore plus signifiante lorsqu'on est soi-même musicien (ce qui n'est pas mon cas).

Ma note : 3/5

Challenges :

* Défi lecture 2021 : Consigne 46 - Un livre dont un des personnages est artiste - 14/100
En 2021... Je voyage : Belgique (+ 20 points)

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