samedi 27 juin 2020

Les noces barbares - Yann Queffélec

En résumé.

Nicole n'est encore qu'une gamine quand elle se fait violer par un prétendu soldat américain, qui lui promet monts et merveilles. De cette union forcée, naîtra Ludovic. L'Américain parti, Nicole devra élever seule cet enfant non désiré et symbole de cette nuit de honte et de souffrance. D'abord caché dans le grenier de la demeure des parents de Nicole, des boulangers rustres obsédés par le qu'en-dira-t-on, nourri à coup de lance pierre, il va ensuite rejoindre la maison de Micho, brave gars qui s'est entiché de Nicole. Mais les années passent, et le désir de se débarrasser de cet enfant encombrant ne cesse de grandir dans l'esprit de Nicole. Alors elle le fera passer pour fou, jusqu'à le faire admettre dans une institution pour adultes présentant une déficience intellectuelle. Jusqu'à ce que Ludovic parvienne à s'enfuir, obsédé par son désir de retrouver cette mère qui l'a rejeté depuis ses premiers jours.

Mon avis.

Livre que je connaissais de nom, mais que j'ai redécouvert suite à une discussion avec la maman d'une amie qui était en train de le lire et qui en était bouleversée. Depuis cette discussion, je l'avais gardé en tête et j'ai finalement franchi le pas après avoir vu qu'il était disponible dans ma médiathèque.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce livre ne nous laisse pas indifférent. J'ai d'ailleurs mis du temps avant de trouver l'envie de le chroniquer, encore assaillie par ce sentiment de malaise que l'on éprouve à la lecture et qui perdure une fois les dernières pages tournées. L'histoire tragique de Ludovic est d'un réalisme à couper le souffle, les mots sont tellement simples et concis qu'on a l'impression de pénétrer dans une véritable histoire de famille. Pas de fioriture, pas de tournures superflues, juste l'essentiel pour décrire à quel point le manque d'amour et de considération peut détruire un être, ou du moins l'empêcher de se constituer en tant qu'être. La force de ce récit tient aussi à le personnalité de Ludovic, jeune garçon qui ne se rebelle jamais, qui trouverait presque normale la brutalité dont sa mère et ses grands-parents font preuve à son égard. En même temps, il n'a rien connu d'autre depuis sa naissance. C'est un jeune qui subit, qui avance dans la vie à sa manière, une manière qui ne plait pas car trop empotée et hors du cadre. Personne ne remet en cause l'environnement dans lequel il a grandi, personne ne va aux racines du dysfonctionnement, tous se heurtent à la personnalité de Ludovic et à sa bizarrerie dont lui seul semble responsable. C'est une histoire qui sonne juste, dont la force suffit pour ne pas avoir besoin d'en rajouter, ce qui nous empêche de tomber dans une sorte d'apitoiement malvenu et qui ne ferait pas honneur au personnage de Ludovic.

C'est aussi une histoire de destins. Je ne sais pas si l'auteur croit en la force du destin mais je trouve que tous ses personnages ont ça de commun, cette force irrépressible qui les tire vers l'accomplissement de ce pour quoi ils ont été envoyés sur Terre. Bien sûr, on pense d'abord à Ludovic car il est le personnage central du livre et parce que son destin, tellement empreint de la relation malsaine qu'il le lie à sa mère, ne peut le mener qu'à cette issue fatale. Mais il ne faut pas oublier les autres personnages qui sont eux aussi emportés par le tragique et empêchés dans leur liberté d'aller vers autre chose. Bien évidemment, je pense à Nicole, jeune adolescente ayant très envie de faire comme les adultes, à tel point que ce désir si ardent va la propulser trop vite dans sa nouvelle vie de femme et de mère. Dans les faits, elle restera toujours une fille-mère, engoncée dans le traumatisme de cette nuit affreuse, toujours dépendante des autres (ses parents puis Micho) pour faire tiers dans sa relation avec son fils - relation bien trop complexe pour évoluer vers du mieux. Enfin, il y a le personnage de Micho qui n'aura finalement jamais connu le bonheur, malgré toute la générosité qu'il a à offrir. Le destin le pousse irrémédiablement vers Nicole, tellement aveuglé qu'il est pour ne pas voir à quel point sa nouvelle femme est détraquée. Micho est la seule lumière d'espoir dans toute cette histoire extrêmement glauque.

Glauque, voilà le résumé des Noces barbares. Glauque pour qualifier la nuit au cours de laquelle Ludovic a été créé. Glauque pour qualifier la relation mère - fils qui constitue le cœur de l'intrigue. Glauque pour qualifier l'institution dans laquelle est admis le jeune adolescent. Lecture glauque et puissante, qui m'aura marquée pour plusieurs mois, si ce n'est années.
Dernières infos.

Les noces barbares a été publié en 1985 et compte 344 pages. Il obtient le Prix Goncourt la même année et est adapté au cinéma deux ans plus tard par Marion Hänsel.

Ma note.
Challenges.

Défi lecture 2020 : Consigne 90 - Livre ayant pour thème les relations mère/fils, mère/fille - 23/100

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