dimanche 5 août 2018

Le fil des souvenirs - Victoria Hislop

En résumé.

1917. Un incendie ravage Thessalonique, ville du Nord de la Grèce. L'atelier textile de Kostantinos Komninos, jusqu'alors en plein essor, est dévasté. Ironie du sort, c'est aussi ce jour-là que son seul fils, Dimitris, voit le jour, lui dont le destin est tout tracé, lui qui doit reprendre et faire prospérer l'empire paternel. En attendant les reconstructions, la famille se réfugie rue Irini, dans les quartiers populaires de la ville. 

Quelques années plus tard, la Turquie décide de se rebeller contre la Grèce qui l'a envahie au fil des ans. Pour éviter le pire, un échange de population est proposé en guise d'accord. Les musulmans qui peuplaient Thessalonique et ses alentours devront rejoindre la Turquie alors que les Grecs qui ont fait leur vie là-bas devront revenir sur leurs terres natales. C'est ainsi que Katerina, originaire de Smyrne (aujourd'hui Izmir en Turquie), débarque rue Irini, avec sa mère d'adoption, ayant perdu sa mère biologique lors de l'embarquement à bord des bateaux de réfugiés. Pour lutter contre le chagrin de ne plus voir sa mère, la petite fille développe rapidement une passion pour la couture, à tel point qu'elle deviendra une des couturières les plus douées de la ville.

Les destins de ces deux jeunes gens vont se mêler, se démêler pour finir par se mêler définitivement, avec en toile de fond les guerres successives, la montée de l'antisémitisme, l'accroissement des inégalités ou encore le chômage.

Mon avis.

Comme pour beaucoup d'autres lecteurs, j'ai découvert la plume de Victoria Hislop l'été dernier, avec L'Île des oubliés, dans lequel elle retrace l'histoire de l'île de Spinalonga, au large de la Crète, qui accueillit pendant de nombreuses années des gens atteints de la lèpre. Ayant apprécié ma lecture, j'ai décidé de récidiver avec Le fil des souvenirs, dans lequel l'auteur explore de nouveau l'histoire grecque. La structure reste la même, dans la mesure où le récit s'ouvre sur Dimitris et Katerina âgés, qui décident de raconter leur histoire à leur petit-fils. J'ai trouvé cela dommage, d'une part parce que ça n'apporte rien à l'histoire, d'autre part parce que ça enlève une part de suspense : on sait d'ores-et-déjà qu'ils vont finir ensemble et auront des enfants. L'auteur aurait pu directement entrer dans le vif du sujet, qui est déjà très dense en lui-même.

En effet, le résumé que j'ai fait du livre est long, chargé d'informations, et pourtant je ne vous ai pas tout dit. Il faut dire que ce livre est extrêmement riche. Dès les premières pages, on monte à bord d'une machine à remonter le temps afin de traverser le XXème siècle à pas de géants, à coups de secousses et de ralentissements. Cette fresque familiale (on part de l'arrière petit-fils pour remonter jusqu'à l'arrière grand-père) permet à l'auteur d'évoquer l'histoire de Thessalonique, la véritable héroïne du livre, qui a su résister à plusieurs incendies, aux deux guerres mondiales, aux conflits avec la Turquie, aux migrations de populations, aux idées fascistes, au débarquement des allemands et j'en passe. Grâce à l'évolution des personnages, on passe de tableau en tableau, nous donnant parfois l'impression d'avoir plusieurs livres en un, tellement on est à chaque fois projeté dans une ambiance différente. Comme pour L'Île des oubliés, j'ai trouvé ce projet très intéressant, l'histoire de ce pays étant rarement mise en scène dans des livres à destination du grand public. D'ailleurs, j'aurais aimé que les détails historiques soient encore plus nombreux, j'ai parfois eu l'impression de ne pas saisir les enjeux portés par des camps adverses. Néanmoins, j'ai eu le sentiment d'apprendre plein de choses, tout en me faisant plaisir.

Car évidemment, même si l'intrigue prend ses racines dans l'Histoire, ce n'est pas un livre historique et nos personnages sont là pour nous le rappeler. On ne peut pas non plus dire que ce livre est une romance car cela n'occupe qu'une infime partie de l'histoire. Avant cela, les personnages ont dû traverser une quantité d'événements douloureux, qui nous permettent de bien comprendre les répercussions de décisions prises à une échelle qui les dépasse. Il semble que Victoria Hislop avait à cœur de mentionner la tolérance et la fraternité qui existait dans la ville entre juifs, musulmans et chrétiens avant que les événements ne viennent bouleverser l'organisation si méticuleuse de ces familles qui s'entraidaient avec beaucoup de plaisir. Dimitris incarne aussi d'autres valeurs, comme le courage et l'audace d'aller à l'encontre des opinions de son père, de se battre au nom de sa patrie et pour sa patrie. Ainsi, les personnages apportent un supplément d'âme à l'histoire et lui donne du relief, de même que le décor qui tient surtout à l'industrie textile. Avec Katerina, couturière hors pair, nous avons affaire au champ lexical du textile : les matières, les points, les robes qu'elle confectionne pour la mère de Dimitris, tout cela nous donne une impression de douceur et colore cette histoire très sombre par moments. Le passé de Thessalonique est ainsi vivifié, mis en rythme, et devient plus personnel grâce à tous ces personnages qui vont se croiser, et donner de l'émotion aux faits historiques que l'on trouve dans les manuels d'Histoire.

Je n'ai pas trouvé ce livre plus ou moins bon que L'Île des oubliés. Il explore tout simplement un autre pan de l'Histoire et je ne saurai que vous le conseiller pour vos prochaines lectures estivales. Voyage dans le temps et dans l'espace garanti !

D'un coup d’œil, les plus, les moins.

+ Une fresque familiale bien fouillée et documentée qui nous permet d'apprendre plein de choses sur l'histoire de Tessalonique durant le XXème siècle.
+ Grâce aux personnages, l'histoire est rythmée et on passe de tableau en tableau à vive allure.
+ Le décor (Thessalonique et l'industrie textile) colore les passages sombres.

- L'introduction qui n'apporte rien à l'histoire et casse le suspense.

Dernières infos.

Le fil des souvenirs a été publié en 2013 et compte 545 pages. Si vous avez aimé Le fil des souvenirs, Victoria Hislop est également l'auteur de L'Île des oubliés, Une dernière danse ou encore Cartes postales de Grèce.

Ma note.

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