En résumé.
On n'en entend peu parler, et pourtant, ils sont partout : les métaux rares. Indium, antimoine, germanium, terres rares, autant de mots qui ne nous évoquent pas grand chose si l'on n'est pas féru de sciences. Et pourtant, nous avons quelques grammes de ces métaux dans nos mains tous les jours, dans nos téléphones et dans nos ordinateurs portables. Ils sont aussi dans nos téléviseurs à écran plat, nos tablettes, nos voitures électriques, nos panneaux solaires, nos éoliennes et plus largement dans nos engins militaires. En fait, ce sont eux qui permettent la grande révolution numérique que nous connaissons actuellement, ils sont aussi indissociables de la fameuse transition énergétique, soit l'abandon du pétrole pour des procédés plus propres. Ainsi, notre avenir, celui d'une planète habitable, repose sur l'emploi de ces métaux rares dans une industrie 2.0. Seulement voilà, l'exploitation de ces métaux posent de sérieux problèmes. Leur rareté, déjà, entre en contradiction avec l'avidité de l'Homme. Leur extraction, ensuite, représente un coût environnemental très important, que l'on délocalise, évidemment. Leur pouvoir géopolitique, enfin, rabat les cartes d'un monde jusqu'alors dominé par la puissance américaine. Celui qui les possède et les exploite devient le roi du monde. Ça, la Chine l'a bien compris.
Mon avis.
Ayant par le passé déjà entendu parler des métaux rares comme étant un des principaux problèmes des voitures électriques, je fus immédiatement attirée par ce bouquin lorsque je parcourais le rayon écologie de ma librairie. Rien qu'à la lecture de la quatrième de couverture, on comprend qu'il est une nécessité de lire à ce sujet, ne serait-ce que parce que les enjeux sont cruciaux pour notre avenir.
Parce que c'est un thème qui m'est cher, j'ai l'habitude de lire sur l'état de notre monde. Réchauffement climatique, modes de consommation outranciers, modèle capitaliste désuet et inadéquat, disparition massive des espèces, pollution chimique, toutes ces problématiques n'ont plus de secret pour moi. Néanmoins, j'avais peu exploré la thématique des métaux rares, et pour cause, personne n'en parle. Alors, les découvertes furent nombreuses mais aussi terrifiantes. Sans être trop long ni trop complexe, cet essai offre un examen approfondi du sujet. Il part d'un état des lieux sur nos besoins en métaux rares qui sont absolument énormes puisqu'on les retrouve partout dans nos nouveaux modes de consommation, en lien avec le numérique, mais aussi avec la transformation verte de nos moyens de produire de l'énergie, ou encore de nous transporter. L'auteur enchaîne ensuite sur le paradoxe entre la rareté de ces métaux et les besoins croissants de l'humanité. A cela s'ajoutent les coûts environnementaux d'extraction qui sont irréels et en complète opposition avec le respect des biens naturels qui devient plus qu'urgent si l'on veut garder une planète à peu près habitable. Ainsi, nous produisons du vert avec des procédés qui polluent encore davantage que l'utilisation du pétrole. Guillaume PITRON finit de nous achever en évoquant les enjeux géopolitiques inhérents à la détention de ces métaux rares. Ainsi, celui qui les possède conserve une longueur d'avance certaine sur les autres pays, quitte à faire pression sur eux en contrôlant l'export de ces matières. Ainsi, la quasi totalité de ces ressources sont aujourd'hui détenues par la Chine, ce qui nous laisse dans un état de dépendance vis-à-vis de ce pays qui ne connaît aucune limite, encore moins environnementale (les métaux sont extraits dans des conditions épouvantables). Cela va même plus loin, puisque grâce à ses stocks impressionnants de métaux rares, elle a pu attirer le savoir-faire étranger en matière de numérique dans ses propres usines pour in fine s'emparer des méthodes de construction et proposer encore mieux à un marché toujours grandissant.
En lisant ce livre documentaire, j'ai évidemment été horrifiée par tout ce qui y est raconté. Mais je crois que ce qui m'a mise le plus en colère est le silence qui est fait autour de l'importance de ces métaux. Tout notre avenir repose sur quelques grammes de ces ressources providentielles et personne n'est au courant, tout le monde se jette à corps perdu dans des solutions qui nous donnent bonne conscience : rouler dans une voiture électrique, envoyer des mails plutôt que des lettres pour faire des économies de papier, télétravailler pour pouvoir jardiner quelques pieds de tomates. Autant d'actes, qui, s'ils donnent l'illusion de bâtir jour après jour un monde meilleur, nous précipitent encore plus vite vers un monde privé de sa biodiversité et quasi-irrespirable. Je suis en colère devant le fait que les décisions soient prises par une poignée d'individus qui ne prennent même pas la peine de présenter les enjeux de ces mêmes décisions. Il faut consommer des voitures électriques, cela nous sauvera, mais sait-on au moins avec quoi et comment ces voitures sont fabriquées ? Nous laisse t-on le choix (éclairé) de nous opposer à ces décisions qui sont enrobées de jolies mots et de pubs obéissant aux règles du green-washing ? Au-delà de cette opacité de l'information et du manque de consultation citoyenne, je suis toujours aussi atterrée devant la capacité de l'Homme à se mentir à lui-même et à s'entêter dans des procédés qui ne sont pas viables, tout ça pour produire toujours plus et s'offrir un confort qui devient inutile. La promesse d'un monde d'après... Peut-être pire que celui du monde d'avant.
Voilà un essai qui demande du courage pour être lu, car ce qu'il dénonce n'a pas de quoi donner du baume au cœur. Pour autant, à l'heure où nos modes de consommation deviennent les thématiques principales du débat public, je pense qu'il est indispensable de lire ce genre de bouquin qui a le mérite de remettre l'église au milieu du village. Quelques pages peuvent paraître un poil techniques, mais l'essentiel est accessible, en tout cas suffisamment pour se faire une idée claire sur le sujet.
Dernières infos.
La guerre des métaux rares a été publié en 2018 et compte 253 pages.
Ma note.
* Défi lecture 2022 : Consigne 65 - Livre dont le titre contient plus de quatre fois la même lettre - 19/100