Dans les années 1930, en Algérie, Younes et sa famille sont contraints de quitter leurs terres agricoles après un ultime incendie. Sans le sous, ils débarquent dans les faubourgs d'Oran, logés dans un taudis, au milieu d'une pauvreté sans nom. Le père du jeune garçon s'acharne nuit et jour à trouver du travail pour nourrir sa famille mais bientôt cela ne suffit plus. L'oncle, pharmacien, propose d'adopter Younès pour lui offrir un avenir meilleur. Younès sera désormais Jonas, et il grandira auprès de son oncle et de sa tante, au train de vie plus que confortable. Après un incident, la famille recomposée quitte à son tour Oran pour rejoindre Rio Salado, un village principalement habité par des colons venus d'Espagne et renommé pour son activité viticole. C'est là que Jonas passera sa vie, nouera une amitié forte avec Simon, Jean-Christophe et Fabrice, rencontrera les beaux yeux d'Emilie, pour finir par se laisser surprendre par une guerre atroce qui bouleversera tous ses repères.
Mon avis.
Voilà une lecture entamée un peu par hasard, alors que je cherchais de nouveaux auteurs étrangers pour mon challenge "En 2021... Je voyage". Si j'avais déjà beaucoup entendu parlé de Yasmina KHADRA, je n'avais encore jamais lu un de ses ouvrages. Après quelques explorations, j'ai pensé que Ce que le jour doit à la nuit serait celui qui me tenterait le plus, parmi sa bibliographie étendue. Je ne me suis pas trompée, ce fut une lecture riche et chargée en émotions.
C'est bien le personnage de Younès, devenu Jonas, qui nous accompagne durant la totalité du récit - un récit narré à la première personne et qui retrace toute une vie, depuis les premières tragédies jusqu'aux regrets qui accompagnent ce jeune homme devenu grand-père. Une vaste fresque qui se lit pourtant facilement. La longueur idéale, un peu plus de quatre cent pages, certaines époques sont balayées assez rapidement alors que les événements principaux sont analysés avec plus de détails. La plume de Yasmina KHADRA est précise, travaillée, et sert à merveille ce personnage si complexe qu'est Younès. Le décor est planté avec efficacité, un cocktail de sensations me saisissent désormais quand je pense à ce livre : la puanteur des faubourgs d'Oran, la chaleur qui écrase ces terres d'Algérie, la maison de Younès, que j'imagine avec beaucoup de verdure, et sa vue sur les vignes, la musique qui résonne dans les bals pour célébrer les vendanges, la maison des Cazenave, blanche, majestueuse, avec vue sur les collines desséchées. Il y a l'émotion aussi qui me saisit, celle d'avoir eu le sentiment de partager cette vie faite d'un enchaînement de tragédies.
Même si la guerre d'Algérie arrive en toile de fond dans les derniers chapitres, Ce que le jour doit à la nuit est avant tout le récit d'une existence, marquée par les malheurs, plus que par le bonheur. Il ne faut pas y voir un plaidoyer pour tel ou tel camp, juste l'histoire d'un jeune homme, né algérien mais élevé à la française, un jeune homme qui a toujours eu du mal à se positionner, que ce soit pour se définir une identité comme pour dire oui à la femme de sa vie. Par lâcheté peut-être, pas peur de trahir, parce qu'on ne lui a jamais demandé de choisir dans ses premières années, parce qu'il a de nombreuses fois subi le déracinement... Il est difficile de porter un jugement sur l'attitude de Younès tant sa position est compliquée à tenir. J'ai surtout été émue par cette vie qui a été faite d'actes manqués, les espoirs déçus et les regrets qui hantent à l'approche de la fin. Ces personnes que l'on croise, que l'on aime puis qu'on laisse partir, avec une douleur tellement vive qu'elle empêche des retrouvailles ultérieures. C'est un des travers de la vie qui m'obsède et j'ai trouvé un écho à tous mes questionnements dans les réflexions de Younès. Ainsi, j'ai vécu ce livre plus comme une découverte de différents personnages aussi complexes les uns que les autres que comme un récit sur la guerre d'Algérie et la difficulté à choisir un camp, même si ce thème est bien évidemment abordé par l'auteur. Pour moi qui n'avais jamais lu à ce sujet, je trouve que c'est d'ailleurs une bonne entrée en matière, pas trop de date, ni de politique, juste la petite histoire encore une fois, le chagrin vécu dans les deux camps, ceux qui ont été opprimés et qui ont pris les armes, et ceux qui ont été contraints de s'exiler alors qu'ils considéraient l'Algérie comme leur terre natale, n'ayant jamais foulé le sol français auparavant. Il n'y a pas de parti pris dans cette histoire, juste des hommes, des faits et des choix à faire ou à ne pas faire.
Une première rencontre avec Yasmina KHADRA réussie et prometteuse. L'histoire de Younès démontre une justesse dans les réflexions, l'émotion qui m'a saisie en fin de livre m'a laissée dans un état de mélancolie puissant. Si jamais vous ne connaissez pas cet auteur, je vous conseille de commencer par ce livre. Et si jamais vous avez déjà lu un livre de l'auteur, je vous conseille quand même de vous plonger dans celui-là !
Dernières infos.
Ce que le jour doit à la nuit a été publié en 2008 et compte 413 pages. Il a été adaptée en film en 2012 par Alexandre ARCADY.
Ma note.
Challenges.
* 100 livres à lire en 2021 : 9/100
* Défi lecture 2021 : Consigne 94 - Un livre dont le titre contient un moment de la journée (aube, matin, matinée, après-midi, soir, crépuscule, nuit...) - 9/100
* En 2021... Je voyage : Algérie (+ 20 points)
Une magnifique rencontre pour moi aussi...quel roman ! J'avais déjà vu le film avant de lire le roman et la problématique m'intéressait. On parle peu de la guerre d'Algérie et j'avais envie de lire ce roman qui semblait l'aborder finalement un peu " des deux côtés " et c'est effectivement ce que j'ai ressenti en le lisant. J'ai aussi été beaucoup émue par les mots de Yasmina Khadra et j'ai aussi apprécié le personnage nuancé de Younès, un peu entre deux " camps ". Une belle réussite. :)
RépondreSupprimerJe partage entièrement ton avis. J'aime ces livres qui nous invitent à saisir toute la complexité d'un événement historique via la "petite histoire", incarnée ici par Younès. Je pense que je ne vais pas tarder à me procurer l'adaptation en film, j'ai hâte de me replonger dans cette histoire.
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