Âgé de 24 ans, Jake ADELSTEIN, originaire du Missouri mais étudiant au Japon, est le premier "gaijin" - étranger - à faire ses débuts en tant que journaliste au sein du Yomiuri Shinbun, le premier quotidien du pays. Très vite, il est envoyé dans l'arrière-pays afin de couvrir des affaires de moeurs. Rien de palpitant pour un journaliste mais cela lui permet de se construire progressivement un réseau et surtout de nouer des relations étroites avec les services de police dont les informations sont précieuses pour pouvoir sortir des articles de qualité et espérer avoir la primauté de l'information sur les concurrents. Au fil des mois, des années, le jeune américain fait son trou dans ce milieu très dur où on ne compte pas les heures, pour finalement attérir à Tokyo. Sa carrière prend alors un véritable tournant puisqu'il est de plus en plus amené à se pencher sur le côté très sombre de la société nippone : yakuzas - la mafia japonaise - crimes, esclavagisme sexuel, corruption, extorsion de fonds, et j'en passe et des meilleures. Des enquêtes qui vont le prendre aux tripes, parfois au risque de perdre les siens et sa propre vie.
Mon avis.
J'ai découvert cette autobiographie/fiction/documentaire sur ce blog que je cite très souvent tant il est inspirant : Horizon des mots. Je ne suis pas une fan du Japon, ni de sa culture, mais je suis toujours intéressée par ce genre de récit à la croisée des genres, qui mêle faits réels et enquêtes policières. Ce mélange des styles est visiblement la marque de fabrique des éditions Marchialy, que j'ai découvertes à cette occasion et dont je ne manquerai pas de me procurer dans un futur proche un autre de leurs ouvrages tant le projet me plaît. Pour en revenir au sujet qui nous préoccupe, Tokyo Vice ne fut pas le coup de coeur que j'espérais, mais j'en ressors quand même satisfaite car j'en ai appris un peu plus sur cette société japonaise que je qualifierais d'ambivalente et parce qu'il s'agit d'un témoignage rare.
Tokyo Vice est une lecture dense à plusieurs égards : son nombre de pages (près de 500 pages), son rythme (les enquêtes se multiplient), son contenu (il est souvent question de crimes) et l'ambiance est oppressante, sans moment de répit. En même temps, il a dû être compliqué pour l'auteur de résumer ce travail de longue haleine et qui a duré une dizaine d'années en un récit qui ne dépasse pas les 500 pages. Même si j'ai toujours pu suivre les affaires qu'il narrait, je me suis souvent sentie un peu perdue, comme semée par quelqu'un qui marcherait trop vite, tant les informations à intégrer sont nombreuses. Entre le système législatif, les différentes strates de la police, les noms japonais de toutes les personnes qu'il rencontre et qui sont impliquées dans plusieurs affaires, je dois avouer que j'ai parfois lâché des bribes, surtout lorsque j'ai lu certains passages en pointillés. Je pense que c'est cet aspect-là du récit qui m'a le plus gêné, le fait de me noyer au milieu des faits et des dizaines de personnes qui sont évoquées, de ne pas comprendre tous les tenants et les aboutissants, de ne pas être bien repéré dans le temps et le déroulé de la vie de l'auteur.
De part le thème du livre, le côté "enquête policière" est présent, mais on ne perd jamais de vue qu'il s'agit avant tout d'un documentaire dont l'objectif est de nous donner une vision la plus exhaustive possible des dessous sombres du Japon. D'ailleurs, les éléments autobiographiques sont peu nombreux et surtout axés sur la vie professionnelle de Jake ADELSTEIN. Da sa vie privée, on ne sait presque rien, à part qu'il se met en couple avec une japonaise et qu'ils ont deux enfants. Ce peu d'informations sur lui, en tant qu'homme, et non en tant que journaliste, nous donne une image assez froide de ce personnage qui trempe dans un milieu lui-même très dur, même si ce qui le pousse à flirter avec la pire espèce est son obsession de justice et surtout de rendre justice à certains de ses amis qui ont été floués par les yakuzas. Je pense qu'il faut être un homme courageux et intelligent pour prendre autant de risques, manier la chèvre et le chou, les yakuzas d'un côté, les policiers de l'autre et aussi bien s'intégrer dans cette société aux moeurs particuliers mais la façon dont il se met en scène ne rend pas hommage à ces qualités indéniables, au contraire elle dresse de lui un portrait plutôt négatif. Cela va d'ailleurs avec l'ambiance du récit qui n'a rien de bien réjouissant. Je ne peux pas dire que j'ai été étonnée par ce qu'il raconte, maintenant que les travers de cette société sont de plus en plus évoqués ici et là. Le récit commence à dater (début des années 2000), et ce qui pouvait être original à l'époque ne l'est peut-être plus aujourd'hui. Espérons d'ailleurs que le système qu'il s'emploie à montrer du doigt a changé depuis.
En bref, une lecture que je conseille à toute personne qui aime ce style où fiction et réalité s'entremêlent. Bien que ce soit un récit très dense, parfois un peu compliqué à suivre, il n'en reste pas moins qu'il est riche en informations et qu'il tend vers une description exhaustive du côté peu connu de ce pays au charme souvent vanté.
Dernières infos.
Tokyo Vice a été publié en 2016 aux éditions Marchialy et compte 475 pages.
Ma note.
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