samedi 8 mai 2021

Florida - Olivier Bourdeaut

En résumé.
 
Pour fêter l'entrée dans sa septième année, Elizabeth Vernn reçoit en cadeau une jolie robe de princesse, mais ce n'est pas tout. Accompagnée de sa mère, elle se dirige vers son premier concours de mini-miss. La petite fille est heureuse, qui ne rêverait pas à son âge de jouer les princesses le temps d'une journée, le jour de son anniversaire qui plus est ? Contre toute attente, Elizabeth gagne le concours. Sa mère l'imagine déjà Miss America. Les compétitions s'enchaînent tous les samedis aux quatre coins de la Floride mais Elizabeth finira toujours seconde. Sa mère se désole, son père ne dit rien, la petit fille commence à trouver le temps long. Les préparatifs deviennent de plus en plus exigeants, répétitions jusqu'à l'épuisement de la bonne démarche et du bon discours, pose de faux cils, maquillage et le clou du spectacle, opération chirurgicale pour corriger un léger décollement de l'oreille. C'en est trop, Elizabeth ne veut plus de ces rituels, elle veut être autre chose, elle veut se venger de cette mère qui l'a privée de son enfance. Elle s'enlise dans une colère froide, machiavélique, son corps, ce corps lorgné par tous, va devenir son arme, celui qui va lui permettre de détruire la mère et le père, mais aussi de s'autodétruire.

Mon avis.

On connaît essentiellement Olivier BOURDEAUT pour son premier succès, En attendant Bojangles. Bien qu'il soit dans ma PAL depuis un certain temps, ce n'est pas avec lui que j'entame ma découverte de cet auteur qui semble s'inscrire ici dans un registre bien différent avec son dernier roman, Florida. Je suis tombée dessus un peu par hasard, en parcourant des yeux l'étagère des nouveautés de ma médiathèque. La couverture m'a interpellée, elle résume à elle seule l'ambiance du roman, une espèce de tristesse mêlée à un désir de vengeance masqués par la beauté d'un corps et d'un regard. Le thème des concours de mini-miss m'a également séduit, c'est un thème peu courant dans la littérature, et j'ai directement adhéré au parti pris de l'auteur, il en a fait quelque chose de violent, qui détruit en profondeur l'image qu'une petite fille peut avoir d'elle-même, et qui a des répercussions substantielles sur le développement d'une personne.

Comme bon nombre de lecteurs, je n'ai éprouvé aucune forme d'attachement pour Elizabeth. Mais je crois que l'objectif de l'auteur n'était pas de faire éprouver à ses lecteurs de la compassion pour ce monstre de colère qui grandit au fil des pages. Son objectif était peut-être plutôt de proposer un personnage entier, à l'attitude tranchée, brut de décoffrage, un personnage qui ne laisse pas indifférent. Elizabeth a mis sept ans à grandir dans la tête d'Olivier BOURDEAUT, et cela s'en ressent clairement. C'est un personnage abouti, dont la hargne est tellement travaillée qu'on a l'impression d'avoir affaire à un témoignage. C'est un roman extrême, que ce soit dans ce qu'il raconte, ou dans la façon dont il a été pensé et écrit. Elizabeth s'adresse directement à nous avec des mots et des pensées acerbes, elle nous prend parfois à partie, nous qui sommes témoin de sa propre descente aux enfers, depuis ce premier concours de mini-miss à sa passion pour le bodybuilding. Cela peut choquer, cela peut déranger aussi car on se sent finalement impuissant face à tant de désarroi, cela peut aussi interroger, est-elle une petite fille gâtée qui a pris les choses trop à cœur, ou a-t-elle juste été détruite par ces compétitions de mini-miss, le paroxysme du superficiel et du narcissisme ? En tous les cas, elle reflète ce que l'auteur pense de ces exercices imposées aux petites filles, que du mal, et à juste titre. Une réflexion est engagée autour du rapport au corps, et comment il peut être le reflet de combats internes. Elizabeth passera par toutes les phases, la mise en avant de sa beauté, puis la déformation de son instrument à plaire et enfin le façonnage à l'extrême de ses reliefs avec l'entrée dans le bodybuilding. Au-delà du personnage d'Elizabeth, il est aussi question des parents et comment leurs projections (mère) ou leur absence de projection (père) ont pu avoir des retentissements conséquents sur l'expression de la personnalité de leur fille. On n'accède jamais à leurs pensées mais c'est le poids de l’éducation et des actes parentaux qui interrogent davantage ici.

L'écriture se veut percutante, ciselée, on ne peut rester insensible, et on est forcés de choisir son camp, même si ce ne sera pas par compassion. Les premiers chapitres sont pourtant un peu poussifs, l'impression qu'il fallait remplir les pages. Le tout prend de l'ampleur lorsque la jeune fille est envoyée en pension. Son plan pour prendre sa revanche se met en place petit à petit, l'auteur lâche les chevaux, ça devient plus fluide. Néanmoins, on sent tout au long du roman que c'est une histoire américaine qui a été écrite par un Français. Je ne sais pas vraiment pourquoi j'ai eu cette impression, mais je sais qu'elle m'a empêchée de me plonger complètement dans l'histoire d'Elizabeth. Je trouve qu'il manque un côté très américain, qui aurait peut-être encore plus accentué le côté showbiz et paillettes, ou le côté gigantisme. On sent que le tout est rédigé par quelqu'un qui observe, qui décrit les plages de Miami mais qui n'y a jamais vécu (je me trompe peut-être), qui décrit l'ambiance sordide des concours de mini-miss mais qui n'a jamais été spectateur. C'est donc un peu déroutant d'avoir affaire à ce personnage si bien campé mais qui ne semble pas habiter là où elle prétend habiter. Il manque une dimension supplémentaire à ce qu'elle nous raconte pour qu'on puisse s'immerger complètement.

Contrairement à quelques critique que j'ai pu lire, je n'ai trouvé aucune touche d'humour dans ce livre. Au contraire, j'ai trouvé qu'il était très sérieux dans la problématique qu'il aborde mais aussi dans le travail engagé autour du personnage d'Elizabeth. J'ai été sensible au projet de l'auteur, et je repenserai souvent au désarroi d'Elizabeth, ainsi qu'à sa vie torturée. Je vous laisse le découvrir, en espérant que le destin de cette mini-miss bodybuildée de vous laissera pas non plus indifférents.

Dernières infos.

Florida a été publié en 2021 et compte 254 pages.

Ma note.

Challenges.

* Défi lecture 2021 : Consigne 45 - Un livre dont la couverture montre un personnage assis - 17/100

3 commentaires:

  1. Je l'ai emprunté aussi à la bibliothèque, par hasard, attirée par la couverture également. Et je n'ai pas non plus été plus enthousiasmée que cela. Je n'ai détesté mais je ne me suis pas tellement attachée à Elizabeth. Un projet en effet pourtant intéressant, mais je ne m'attendais pas à lire ce type de récit. Tant pis pour cette fois.

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    1. Je comprends ta déception... Je pense que c'est le genre de livre qui clive : soit on adore, soit on est déçu. Je loue toutefois l'auteur pour sa rigueur, il a choisi un parti pris et le tient jusqu'au bout du livre. Ce ne fut pas une complète déception pour moi car il y a certains aspects que j'ai bien aimés, mais certains points de détails m'ont empêchée d'être complètement emballée.

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  2. Je n'avais pas accroché à En attendant Bojangles donc ce que tu dis sur ce roman ne me donne pas envie de retenter cet auteur.

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