samedi 8 août 2020

Beignets de tomates vertes - Fannie Flagg

En résumé.

Evelyn Couch traverse une crise existentielle. A l'approche des cinquante ans, elle dresse le bilan de sa vie, de sa relation platonique avec son mari et noie ses regrets dans des sucreries qui entretiennent un embonpoint qu'elle n'assume plus. Les visites dominicales à la belle-mère, placée à la maison de retraite de Rose Terrace ne font qu'aggraver les choses puisqu'elles ne cessent de rappeler à Evelyn ce qui l'angoisse le plus : vieillir. S'echappant régulièrement de la chambre de la vieille dame pour dévorer ses sucreries dans le hall commun, elle fait la rencontre de Mrs Threadgoode, une dame de 86 ans, très bavarde sur le quotidien de la maison de retraite, mais aussi sur son passé. L'évocation de ses souvenirs de vie à Whistle Stop, petit village reculé d'Alabama, entre les années 30 et 70, permettent progressivement à Evelyn de s'évader de ses préoccupations et de se réconcilier avec son passé pour aller de l'avant.

Mon avis. 

Déçue il y a quelques années par ma lecture de Miss Alabama et ses petits secrets, je ne pensais pas un jour retenter l'expérience Fannie FLAGG. J'ai finalement revu ma copie lorsque j'ai appris qu'un film, Beignets de tomates vertes, existait et souhaitant le visionner, je préférais lire le roman au préalable. Ce fut une bonne surprise, à tel point que j'ai eu l'impression que ce n'était pas la même personne qui avait rédigé les deux romans.

L'entrée dans le roman est un peu déroutante puisqu'on suit réellement deux histoires : d'une part celle d'Evelyn Couch et Mrs Threadgoode, en 1986 ; d'autre part celle de la famille Threadgoode et plus globalement du village de Whistle Stop entre les années 30 et 70. Afin de rendre cela possible, les chapitres sont écrits selon trois points de vue : celui de Mrs Threadgood qui raconte, sous forme de monologue le plus souvent, ses souvenirs à Evelyn, celui de Dot Weems, habitante de Whistle Stop qui rédigeait à cette époque-là une gazette reprenant les actualités du village et enfin, celui du narrateur externe. Si on a du mal à s'y retrouver au début, les choses finissent par s'agencer plutôt bien et c'est finalement une richesse que d'avoir ces trois points de vue. Le narrateur externe complète les souvenirs de Mrs Threadgoode qui restent, bien évidemment, subjectifs et qui manquent parfois d'information. De même, la page de la gazette nous plonge encore plus dans le passé et renforce l'authenticité des événements narrés. Si je me suis faite à ces changements de point de vue au fil des chapitres, en m'aidant des dates mentionnées par l'auteur, j'ai eu plus de difficultés à me repérer dans les personnages. Ils sont vraiment nombreux, entre la famille Threadgoode qui compte neuf enfants si mes souvenirs sont bons, le personnel qui travaille au sein du café ouvert par une des filles de la famille, Idgie Threadgoode, puis leurs enfants, les gens de passage, le shérif du village, etc. Face à ce flot d'informations, je me suis surtout focalisée sur les histoires des personnages qui m'intéressaient le plus, à savoir Idgie et Ruth, sa compagne, Frank Bennett, Railroad Bill et Evelyn Couch.

Les destins de tous ces personnages finissent par se croiser et par se retrouver, pour former cette ambiance si particulière de ce petit village de l'Alabama à une époque marquée par les chamboulements sociaux. Si l'on a vraiment affaire à un roman retraçant la destinée de ses personnages, on sent, en toile de fond, le contexte qui oriente ces mêmes destinées. D'abord, la crise de 1929 qui accroît la pauvreté et qui voit le nombre de vagabonds augmenter, tous venant trouver refuge au café tenu par Idgie et Ruth qui n'hésitent pas à offrir le couvert et un peu de travail aux plus démunis. Ensuite, la question raciale avec la menace du Ku Klux Klan, et l'expulsion des personnes noires, qui trouvent également auprès de la famille Threadgoode une protection sans faille. Enfin, il y a la désertion progressive de ces territoires, nés des chemins de fers, ayant connu l'apogée et puis qui déclinent lorsque les réseaux ferroviaires ferment et lorsque les grandes villes, comme Birmingham pour l'Alabama, se déploient de plus en plus et attirent une population auparavant rurale. Malgré ces sujets assez durs, le roman donne une impression de douceur, comme si Whistle Stop était une sorte de bulle, une parenthèse dans un contexte marqué par la violence et la pauvreté, ses membres incarnant une humanité sincère et authentique, face à un mouvement souhaitant justement diviser les hommes et aller vers plus d'invidualisme. Seul regret, j'aurais aimé que la question de l'homosexualité, simplement évoquée au travers des personnages d'Idgie et Ruth, soit davantage traitée, on devine, notamment chez Ruth, le poids des conventions sociales mais c'est dommage de ne pas avoir plus approfondi le sujet. J'ai apprécié de croiser la route de ce roman sans prétention, qui offre au lecteur une immersion dans une partie de l'histoire américaine au travers de personnages travaillés, aux personnalités fortes et engagées. Si certains passages peuvent sembler rébarbatifs, d'autres nous tiennent en haleine, et l'auteur aboutit ainsi à une forme d'équilibre qui, je pense, peut plaire au plus grand nombre.

En conclusion, un roman agréable, qui peut peut-être dérouter sur sa forme dans un premier temps mais dont le fond est travaillé et qui offre un aperçu de la vie dans un coin reculé de l'Alabama à une époque particulière de l'histoire des Etats-Unis. Je vous le conseille, vous ne perdrez pas votre temps !
Dernières infos.

Beignets de tomates vertes a été publié en 1987 et compte 466 pages. Il a été adapté au cinéma en 1991 par Jon AVNET.

Ma note.
Challenges.
Défi lecture 2020 : Consigne 44 - Livre dont le titre comporte le nom d'un végétal - 29/100

2 commentaires:

  1. J'ai un autre roman de Fannie Flagg dans ma PAL "La dernière réunion des filles à la station service". Je vais le lire avant de me lancer dans celui-ci. Encore faut-il adhérer au style je pense.

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    1. Je le connais de nom mais je ne l'ai jamais lu... Je guetterai donc ton avis ! Pour ce qui est de son style, je n'arrive pas bien à le définir... Autant j'avais vraiment été déçue par Miss Alabama et ses petits secrets, autant j'ai été agréablement surprise par Beignets de tomates vertes. Peut-être qu'un l'un est un accident de parcours ou l'autre une réussite, une troisième lecture me permettrait peut-être de me faire un avis définitif !

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