1908, une maison cossue dans le Cher, deux femmes et un homme à tout faire, Céleste, Henriette et Pierre, et leurs maîtres, Anselme et Victoire de Boisvaillant. En apparence, rien pour les unir, à part les petits tracas de la vie quotidienne. Mais celui qui désire gratter le vernis des convenances s'apercevra que Victoire ne touche pas Anselme, ce qui pousse ce dernier à aller voir du côté de Céleste. La jeune fille, qui ne demandait rien à personne, tombe enceinte. Afin de préserver son image du qu'en dira-t-on et d'assurer la descendance de Boisvaillant, on décide que cet enfant ce nommera Adrien et qu'il sera le fils prodigue de Victoire et Anselme. Seulement, la mère nouvellement déclarée ne sait pas y faire avec ce poupon de chair et d'os, elle le néglige, ne lui apporte aucune affection et le petit être commence à être en danger. C'en est trop pour Céleste. Une nuit, elle se faufile dans la chambre de Victoire et ravit l'enfant pour l'emporter avec elle dans sa chambre. Seulement, Madame a des yeux partout, monte quatre à quatre les marches, ouvre grand la porte et assiste à ce spectacle si doux entre une mère et son enfant - une scène qui va bouleverser l'équilibre des relations entre tous ces protagonistes.
Mon avis.
Voilà une lecture qui sort totalement de ma zone de confort ! J'ai croisé sa route sur Livraddict, séduite par la nouvelle couverture des éditions Points, sur laquelle on voit un entrelacement de papillons colorés sur un fond beige. La quatrième de couverture ne me parlait pas vraiment (j'avais peur de m'ennuyer) mais j'ai tellement aimé ce mélange de couleurs pastel que j'ai fini par me décider à l'emprunter à la bibliothèque. Il faut dire aussi que les avis positifs lus sur la toile étaient nombreux.
Comme son nom l'indique, ce livre parle d'amour - l'amour au pluriel, sous toutes ces formes, le vrai, le grand, celui avec un grand A, le cruel, le pervers, le méchant, le jaloux, le filial, l'amical, l'amoureux. L'auteur a su introduire les nuances de façon subtile et intelligente. Ainsi, à travers les expériences de ces personnages, on traverse une large palette de sentiments, en partant de l'amour qui respecte les conventions mais qui n'a aucune valeur au niveau du cœur (Victoire/Anselme) pour aller jusqu'au plus honteux mais le plus ardent, celui entre deux femmes (Victoire/Céleste). Entre deux, on a l'amour (version dévotion) qu'Henriette porte à Pierre, devenu sourd alors qu'il était jeune soldat pendant la guerre. On a aussi l'amour sale, un amour qui n'en est pas vraiment un, celui qu'Anselme mobilise chaque fois qu'il viole Céleste. Enfin, l'un des plus beaux, l'un des plus compliqué, l'amour filial, celui qui se développe entre le mère biologique et son enfant puis entre deux mères qui s'aiment et leur enfant. Cette palette amoureuse est explorée avec beaucoup de minutie par l'auteur, qui prend le temps de développer chaque personnage, chaque sensation, chaque situation, grâce à une plume délicate et libre, à l'image de Victoire et Céleste. Rien n'est laissé au hasard et pourtant la lecture est dynamique. Les chapitres sont très courts, on reste dans l'essentiel, on ne s'encombre pas de l'annexe, ce qui fait que les pages se tournent très vite. La longueur du livre est parfaite pour l'histoire, ni trop ni pas assez, ce qui est plutôt rare pour les romans de cette longueur-là. On est souvent frustré de ne pas en avoir plus.
Évoquer l'homosexualité à cette époque, en ces lieux (la campagne) et dans ce milieu social est un pari plutôt osé mais nécessaire puisque de nombreuses personnes devaient être concernés par ce que vivent les personnages d'Amours, sans parler des personnes hétérosexuelles prises dans un mariage dont elles ne voulaient pas et qui n'ont cessé de rêver à un autre, qui appartenait souvent à une autre classe qu'elles. Ainsi, ce livre cristallise un certain nombre d'interdits en vigueur à l'époque. Léonor de Récondo évoque d'ailleurs la place de l'Eglise, toute puissante et dont le regard sur les affaires sentimentales de ses sujets est jugé comme légitime. Le prête tient une place éminemment importante dans ce livre puisque c'est lui qui conduit Céleste à sa perte, alors même que les deux jeunes femmes avaient réussi à trouver une marge de liberté dans leur maison, osant renvoyer Anselme dans ses tours. Ainsi, parler d'amour est une des meilleures armes que l'auteur a trouvé pour aborder les mœurs du XIXème siècle avec humanité et bienveillance.
Malgré la douceur du livre, l'authenticité des personnages et la force du message, je ressors de ma lecture avec un avis mitigé. S'il m'a marquée, par les images mentales que j'ai créées tout au long de la lecture, je pense avoir été mal à l'aise lors de certaines scènes. Et lorsque je pense à ce livre, une ambiance plutôt oppressante me saisit. Rien de bien grave, cela reste un beau livre que je vous conseille, surtout si vous appréciez cette époque et ces thèmes-là.
D'un coup d’œil, les plus, les moins.
+ Le thème de l'amour est décliné sous toutes ses facettes, de façon détaillée et pertinente.
+ La lecture est fluide, agréable, rythmée. La longueur du livre est adaptée à l'histoire.
- Certaines scènes m'ont mise mal à l'aise.
Dernières infos.
Amours a été publié en 2015 et compte 280 pages. Il a obtenu le prix des libraires la même année.
Ma note.
J'ai beaucoup aimé Amours, ce livre m'a agréablement surprise. Il correspond cependant totalement à l'univers de Léonor de Récondo et elle a traité son sujet à merveille. J'ai aimé l'ambiance du livre, la description de cette société bourgeoise un peu compassée, la belle maison de maîtres en tuf et au toit d'ardoise, le politiquement correct et puis soudain...
RépondreSupprimerEt traiter un si vaste sujet, en si peu de pages et le faire si bien, franchement, c'est tout à l'honneur de l'auteure. ;)
Effectivement, livre déroutant qui ne laisse pas de marbre. A ce jour, c'est le seul livre que j'ai lu de Léonor de Récondo, mais j'ai hâte d'en découvrir un autre pour poursuivre l'exploration de son univers.
Supprimer