dimanche 24 juin 2018

Rien ne s'oppose à la nuit - Delphine de Vigan

En résumé.

A la manière d'une enquêtrice, Delphine de Vigan a interrogé sans relâche les membres de sa famille, dépoussiéré les vieux cahiers, fouillé dans les cartons, écouté pendant des heures des cassettes audio à la recherche du moindre indice qui pourrait l'aider à comprendre sa mère. Cette femme, Lucile, dont l'avenir semblait prometteur, a lutté toute sa vie contre la bipolarité. Alternant les phases d'euphorie et d'intenses dépressions, elle a marqué à jamais ses deux filles, qui l'ont aimée sans la connaître véritablement. Alors qu'elle a mis fin à ses jours, lasse de supporter le quotidien, l'auteur souhaite, à l'aide des mots, rendre un dernier hommage à ce personnage à la fois si fort et si fragile, tout en racontant ces années compliquées où il est difficile de se construire quand on est écrasé par le poids des secrets familiaux.

Mon avis.

Rien ne s'oppose à la nuit est ma deuxième expérience avec Delphine de Vigan - ma première étant No et Moi. En pleine période d'examens, j'avais besoin d'une lecture inédite mais qui ne me décevrait pas. D'abord attirée par D'après une histoire vraie, je me suis finalement tournée vers celui-ci car il paraitraît que ce serait là le début de cette histoire vraie. Je me félicite de ce choix car ce livre a parfaitement satisfait mon envie d'une lecture à la fois fluide et prenante. 

Il est toujours difficile pour moi de chroniquer ce genre de livre, qui se situe à la frontière entre l'autobiographie et le roman, car je ne me permettrais pas de donner mon avis sur l'histoire en elle-même, qui n'appartient qu'à la famille de Lucile. Mes ressentis vont donc porter uniquement sur l'enrobage, le papier cadeau délicatement placé autour de l'essentiel. Cet enrobage est réussi, simple mais efficace. On a envie d'arracher le papier pour vite entrer dans le vif du sujet. La vigueur avec laquelle on s'empare du cadeau est d'ailleurs perturbante. Je me suis parfois sentie gênée car j'avais l'impression de faire preuve de voyeurisme, prenant dans la face tous ces secrets de famille qui ne me regardent finalement peu, et pourtant on ne peut pas s'arrêter de lire. Même si l'histoire repose sur du vrai, pour apaiser ma gêne, je me suis imaginée un personnage fictif, qui correspondrait à Madame Toutlemonde mais qui serait quand même en dehors de toute forme de réalité. Cette prise de recul avec l'émotion délivrée par le récit est facilitée par l'auteur qui ne qualifie pas sa mère d'un Maman mais d'un Lucile, elle-même prenant ses distances avec le personnage principal de son histoire. Je l'ai donc vue comme un cas clinique, dont on pourrait s'amuser à décortiquer la vie pour essayer de comprendre les événements qui l'ont amené à sa perte. Il faut dire que Delphine de Vigan n'est pas avare en détails. On connaît (presque) tout de Lucile, de son enfance, au milieu de cette fratrie qui nous semble énorme, jusqu'à ses derniers jours, en passant par sa jeunesse douloureuse, étouffée par les non-dits familiaux. J'ai d'ailleurs trouvé la partie consacrée à son enfance un peu longue mais tout de même nécessaire pour pouvoir s'imprégner de la suite. 

Même si j'ai pris mes distances avec Lucile pour ne pas subir de plein fouet toute l'intimité qui l'entoure, ce projet cathartique de l'écrivain m'a parfois mise mal à l'aise. Dès les premières lignes, elle explique le malaise qui est le sien dans l'évocation de ces souvenirs dramatiques. Cela n'est pas dérangeant dans la mesure où l'on comprend qu'elle souhaite avant tout écrire ce livre pour se libérer du poids des secrets qui ont entouré sa mère. Toutefois, elle n'hésite pas à mentionner à plusieurs reprises ce malaise, à l'intensifier, donnant ainsi une impression de répétition. On a presque envie de lui suggérer de ne finalmenent pas l'écrire ou de l'écrire pour elle seule, tant on en vient à se sentir coupable de participer en quelque sorte à cette entreprise délicate et qui lui fait du mal. D'autre part, certains paragraphes m'ont paru décousus. Il n'est pas difficile de retenir les nombreux personnages qui gravitent autour de Lucile. Néanmoins, on passe parfois du coq à l'âne. Peut-être à cause de ce récit parfois décousu, peut-être parce que j'ai mis à distance Lucile, peut-être parce que je suis habituée à des secrets de famille de part mon métier, peut-être parce que Delphine de Vigan en fait parfois des caisses sur sa difficulté à écrire, je ne suis pas ressortie bouleversée de ce roman autobiographique, contrairement à bon nombre de lecteurs. Je pense qu'il m'a manqué un peu plus de subtilité. Ce fut toutefois une belle lecture que je vous recommande lorsque vous aurez envie de robustesse sensible.

D'un coup d'oeil, les plus, les moins.

+ Style fluide, qui accroche le lecteur, on tourne les pages avec avidité.
+ A notre tour, on ressent l'envie de comprendre qui était Lucile.

- Quelques répétitions, notamment la difficulté pour l'auteur d'écrire ce livre
- L'impression de voyeurisme que l'on éprouve parfois.
- Une première partie consacrée à l'enfance de Lucile un peu longue mais nécessaire pour pouvoir s'imprégner de la suite.
- Quelques passages décousus, où on ne saisit pas vraiment les liens.

Dernières infos.

Rien ne s'oppose à la nuit a été publié en 2011 et compte 437 pages. Il a reçu de nombreux prix : le Prix Renaudot des lycéens, le Prix France Télévisions et le Grand Prix "roman" des lectrices de Elle. Si vous êtes séduits par la plume de Delphine de Vigan, sachez qu'elle a également publié No et moi, Un soir de Décembre, D'après une histoire vraie ou encore Jours sans faim.

Ma note.

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