En résumé.
Gaby grandit au Burundi, petit pays de l'Afrique de l'Ouest possédant une frontière commune avec le Rwanda. Gaby, fruit du métissage entre un père français et une mère rwandaise a une enfance heureuse : des parents qui le protègent, une petite sœur qu'il adore, ses amis de l'impasse avec qui il fait les quatre cents coups et ses jours d'école pendant lesquels il écrit à sa correspondante française. Au fur et à mesure des mois puis des années, ces bonheurs d'enfance vont s'effacer pour laisser place au monde cruel des adultes. La séparation de ses parents, la guerre civile qui éclate au Burundi très vite suivie par le génocide rwandais transforment la vision qu’a Gaby du monde. Bien qu’encore jeune, il doit composer avec la peur, l'insécurité qui l'habite en permanence mais aussi l'incompréhension devant ce monde qui change autour de lui.
Mon avis.
On ne présente plus Gaël FAYE, auteur-compositeur-interprète, rappeur et écrivain. Son premier roman Petit pays a fait grand bruit lors de sa parution en 2016, et a obtenu le Prix Goncourt des Lycéens. Cela fait un moment que j'avais envie de le lire, mais je trouvais toujours d'autres lectures à faire passer en priorité. Maintenant, c'est chose faite, je comprends mieux pourquoi ce roman a été et est encore un succès des librairies.
Durant toutes ces années, j'ai entendu dire que ce roman portait sur le génocide rwandais. Je m'attendais donc à lire une autobiographie relatant l'histoire de Gaël FAYE, mais aussi à en apprendre un peu plus sur cet événement historique dont la cruauté a marqué les esprits. Finalement, j'ai été surprise de n'avoir rien de tout cela. Peut-être que l'intrigue est très largement inspirée par la propre histoire de l'auteur, mais ici les faits sont signés Gaby. Dans la première moitié du livre, il est avant tout question de son enfance au Burundi, pays qui a recueilli sa mère lorsque le Rwanda a connu ses premières crises. Son quotidien est narré avec l’innocence propre à l’enfance, mais les mots employés et le raisonnement tiennent parfois à la lucidité propre au monde des adultes. La tension monte crescendo au fur et à mesure que les crises politiques se succèdent. L’atmosphère joyeuse de ce quartier de Bujumbara laisse progressivement la place à une ambiance délétère, les visages se transforment, les gens s’enferment chez eux pour s’abriter des tirs des différents clans. Dans les dernières pages, l’horreur de la guerre, ses conséquences psychologiques sur ceux qui ont perdu leurs proches nous frappent particulièrement. En seulement 200 pages, c’est un virage à 360° que l’auteur opère, pour bien faire apparaître la complexité humaine avec d’un côté l’insouciance préservée de l’enfance et d’un autre, la barbarie la plus totale qui est capable de surgir à tout moment.
Contrairement à l’image que j’avais de ce livre, l’objectif de l’auteur n’est pas de retracer les événements de la crise politique burundaise, ni ceux du génocide rwandais d’un point de vue historique, mais plutôt de les raconter comme il les a vécus. Ainsi, on n’a très peu d’éléments détaillés sur les causes réelles des conflits, ni sur les forces qui s’opposent, on se concentre davantage sur les émotions du narrateur et sur la façon dont il perçoit les changements qui s’opèrent autour de lui. Ainsi, les enfants avec qui il a rigolé, avec qui il a volé des mangues, avec qui il a fait des petites bêtises, ont pris les armes. Eux qui étaient décrits comme des chefs de gang plutôt naïfs sont devenus de véritables chefs de guerre avec pour seule volonté la protection de leur quartier. Ces enfants ont dû grandir en quelques jours, alors que les coups d’état ne leur laissaient pas de répit, alors qu’il fallait choisir un clan pour survivre. Gaby, observant toute cette violence s’emparant de ses amis, a quant à lui choisi les mots, les livres qu’il empruntait chez sa voisine grecque. Alors que le monde s’écroulait autour de lui, il a choisi ce moment pour découvrir de nouveaux univers et se laisser happé par le pouvoir de la littérature. Les mots face aux armes, en voilà un combat noble. Si j’ai mis du temps à m’installer dans cette histoire, j’ai été très émue par les dernières pages. L’horreur décrite, ce que devient la mère de Gaby, la mesure de ces événements atroces sont difficiles à lire mais donnent à ce roman toute sa valeur dramatique. On referme ce livre en se disant que de tels meurtres ne devraient plus se reproduire, d'autant plus pour des raisons aussi futiles. Pourtant, la guerre, charriant avec elle son lot de drames, ce sentiment d’insécurité si difficile à supporter, a encore cours dans plusieurs parties de notre monde.
Voilà une lecture très émouvante. Plus que le génocide rwandais ou la guerre civile burundaise, Gaël FAYE explore les ravages de la guerre sur l’enfant qu’il a été mais aussi sur ses proches. Même si l’action prend place dans deux pays africains marqués par l’instabilité politique, les mots de l’auteur ont quelque chose d’universel. La façon dont son univers a basculé peut concerner chaque être humain, à partir du moment où il se sent menacé. Un roman à lire, d’autant plus qu’il peut être vite dévoré en quelques heures d'un après-midi pluvieux.
Dernières infos.
Petit pays a été publié en 2016 et compte 224 pages. Il a obtenu le Prix Goncourt des Lycéens la même année.
Ma note.
Challenges.
* Défi lecture 2022 : Consigne 85 - Livre qui contient une référence au terrorisme ou à un attentat - 35/100