samedi 7 mars 2020

Bienvenue au motel des pins perdus - Katarina Bivald

En résumé.

Alors qu'elle traverse une route perdue de l'Oregon, proche du motel dans lequel elle travaille depuis son adolescence, Henny, accaparée par ses pensées tournées vers son grand amour, est fauchée par un camionneur et tuée sur le coup. Tandis que son corps amoché gît sur ce bitume qu'elle a foulé à de nombreuses reprises, l'âme d'Henny s'incarne en un fantôme omniscient, bien décidé à hanter ce lieu qui l'a vu grandir et s'épanouir. La jeune femme observe l'agitation qui règne autour de son décés, son amie MacKenzie qui est encore tout pour elle, son père à la vision étriquée, ses amis, partis il y a longtemps mais de retour pour un ultime hommage, cette ville de Pine Creek avec ses habitants aussi chaleureux que pris dans leur logique conservatrice et ce motel, délabré, ruiné mais toujours ouvert à ceux qui en éprouvent le besoin. Comme pour panser le choc de l'accident et son départ brutal, Henny se donne une dernière mission, celle de rassembler tous ces êtres perdus et emmurés dans la solitude.

Mon avis.

Ayant apprécié les deux premiers livres de Katarina BIVALD, La bibliothèque des coeurs cabossés et Le jour où Anita envoya tout balader, j'ai eu envie de me lancer dans ce troisième opus lorsque je l'ai croisé sur les rayons de ma médiathèque bien aimée. Il faut dire que la couverture, une fois de plus très colorée et plein de mignonitude (mot à soumettre à l'Académie française), attire l'oeil !

Ce troisième tome reste fidèle à la patte de Katarina BIVALD, qui choisit toujours des histoires ancrées dans le quotidien et mettant en scène des personnages simples, des anti-héros, des Monsieur et Madame Tout le monde qu'elle aime polir pour n'en faire ressortir que le meilleur. Dans ses romans, tout s'installe lentement, au rythme de ces êtres singuliers et banals qu'elle élève au rang de stars, les sentiments sont aussi longs à venir, enfouis sous des couches de faux-semblant. Les rebondissements se font rares, car elle est une partisane des changements de longue haleine, qui prennent du temps pour s'opérer mais qui sont finalement les plus robustes et les plus efficaces. Seule entorse pour ce troisième écrit, l'apparition surréaliste d'un fantôme, le narrateur qui plus est, mais c'est encore avec ce dessein de donner au lecteur une parole vraie, authentique et remplie d'humanité. Je suis toujours sensible à cette bienveillance qui se dégage des romans de Katarina BIVALD, véritable pause de douceur dans un quotidien âpre et dur. Toutefois, cette fois-ci, je n'ai pas su patienter et accepter la lenteur qui m'était proposé. Je trouve que l'histoire peine à décoller et à nous embarquer. On se sent baladé sur plusieurs terrains, celui du passé, celui du présent, celui des morts, celui des vivants, sans trouver d'ancrage. Je ne savais donc plus où donner de la tête et je n'ai pas su garder le fil rouge qui n'apparaît d'ailleurs pas très clairement. La longueur conséquente du récit, près de 600 pages, nous décourage quand on est au beau milieu de celui-ci et que les choses n'accélèrent pas, on attend, on attend ce nouveau souffle mais il ne vient pas. Alors on persévère, jusqu'à la dernière page. Heureusement que certaines réflexions, pas inintéressantes, nous sont proposées, cela apporte de la mâche à ce dessert déséquilibré car englouti sous la chantilly des bons sentiments.

Selon la plupart des chroniques ou présention du livre que j'ai pu lire à droite à gauche, le coeur de ce récit serait la défense de la communauté LGBT et de toutes les questions qui touchent à l'homosexualité. Bien sûr, ce thème est très présent mais il est loin d'être le seul à mes yeux et je dirais même que la question transgenre est finalement très vite balayée par l'auteur, alors que le thème de l'homosexualité est bien plus approfondi, au travers du personnage phare de MacKenzie mais aussi du combat qu'elle a dû mener avec ses amis pour faire accepter son choix dans une petite ville typique de l'Amérique rurale, très conservatrice et ancrée sur des valeurs guidées par la religion. Je ne sais pas si ce combat est tiré de faits réels mais il est en tout cas très réaliste et reflète à la perfection la situation Outre-Atlantique. En lien avec ce premier thème, il y a aussi bien évidemment la question du devenir de ces petites villes, perdues au milieu de la pampa américaine, sérieusement touchées par le chômage et qui s'enlisent dans des positions conservatrices, comme si seule la foi pourrait les sortir du marasme économique, alors que l'acception de choix différents conduiraient à une déroute certaine. Enfin, un dernier thème, celui du deuil, me paraît être au coeur de cet ouvrage, avec ces questions lancinantes qui se posent à chaque fois que ce thème est traité en littérature :  comment se reconstruire lorsqu'un être cher disparaît ? Comment lui laisser encore une place alors qu'il n'est plus là ? Comment gérer ses émotions, le chagrin bien sûr, mais aussi la frustration de ne pas être allé au bout de ses projets avec lui ou elle ? Quelles sont les différentes manières de vivre le deuil, selon qu'on est parent, ami ou amant de la personne disparue ? Trois problématiques puissantes qui marquent, au travers de ses personnages, l'engagement de Katarina BIVALD pour une société progressiste et profondément humaine.

Le sentiment d'être un peu passée à côté de l'histoire d'Henny et de ses accolytes, malgré toute la bienveillance qui demeure et l'engagement que l'on sent de la part de l'auteur sur des problématiques très actuelles. Pour moi, trop de longueur, trop de répétitions et pas assez de rebondissements. Je vous le conseille toutefois si vous êtes à la recherche d'une histoire où espace et temps s'étirent et vous enveloppent dans un nuage de douceur.
Dernières infos.

Bienvenue au motel des pins perdus a été publié en 2019 et compte 565 pages.

Ma note.
Challenges.

Défi lecture 2020 : Consigne 52 - Lire un livre dans lequel il est mentionné une chanson réelle (p. 108 - Tunnel of love de Bruce SPRINGSTEEN)

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