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samedi 24 avril 2021

L'Iliade - Homère

En résumé.

Dix ans... Dix ans que les flottes grecques, menées par le belliqueux Agamemnon, campent sur le rivage de l'imprenable ville de Troie. Dix ans que des hommes meurent, nuit et jour, soit pour conquérir la ville de Priam, soit pour se protéger des assauts des Achéens. Dix ans que Ménélas, frère d'Agamemnon espère récupérer la ravissante Hélène, sa femme, volée par le prince troyen Pâris. Dix ans que les dieux de l'Olympe veillent sur les mortels, chacun ayant choisi son camp au prix de nombreuses querelles. Seulement, en quelques jours, les choses se précipitent, enfin. Une peste s'abat sur les Grecs, c'est l'hécatombe. La raison est toute simple : Agamemnon a volé Chriséis, la fille du prêtre d'Apollon, et malgré les offrandes, le vieil homme refuse de la lui rendre. Apollon, fou de rage, tue sans relâche les Grecs. Afin de cesser ces pertes colossales, Agamemnon accepte de se débarrasser de Chriséis, à condition qu'Achille lui livre Briséis, son propre trophée de guerre. Achille, un des héros de la guerre de Troie, finit par accepter, uniquement pour cesser l’hémorragie dans le camp grec, mais c'est décidé, lui et ses Myrmidons, des guerriers redoutables, décident d'abandonner le combat pour faire payer à Agamemnon son orgueil démesuré. Achille sera rejoint par Thétis, sa mère, qui part demander à Zeus de faire fléchir les Grecs afin de venger son fils. C'est le début d'affrontements d'une cruauté sans commune mesure, attisés par les dieux qui défendent chacun leur camp. Une guerre principalement menée par les héros grecs Ajax, Diomède et Ulysse face aux héros troyens Hector et Énée. Une guerre qui sera finalement gagnée non pas par la force mais par la ruse.

Mon avis.

Ayant découvert et beaucoup aimé l'Odyssée au lycée, j'ai toujours eu envie de me plonger dans l'Iliade mais il faut bien le dire, ce n'est pas un livre qui se lit à la va-vite, le soir avant d'aller se coucher. Alors j'ai repoussé, repoussé jusqu'à enfin trouver le courage de m'y mettre en ce mois d'Avril. Ce qui m'a aussi motivé, c'est un nouveau projet d'article sur le blog que j'espère bientôt pouvoir mener à bien.

Il est difficile d'écrire une chronique sur cet incontournable de la littérature classique. Tellement de choses ont été dites à son sujet, tellement de reprises ont été faites, que ce soit au cinéma, dans l'univers du livre (B.D, contes) ou encore pour des séries télévisées. Ce sont d'ailleurs sur ces dérivés de l'Iliade que je me suis appuyée pour entamer ma lecture car j'avais très peur que les faits racontés par Homère soient inaccessibles. J'ai donc mené deux lectures en parallèle : celle de la version originale et celle d'un conte pour la jeunesse, écrit par Gilian CROSS et illustré par Neil PARKER. Cette seconde lecture m'a permis d'avoir les grandes lignes, et de faire du tri dans ce qu'il était important de retenir pour la suite de l'histoire. J'ai également visionné durant ma lecture la série Les grands mythes proposée par Arte qui retrace également l'histoire de la guerre de Troie. Ainsi, j'ai pu avoir accès au contexte général, et à tout ce qui n'est pas dit dans le texte original mais qui explique pourtant tant de véhémence sur les plages troyennes. Je reviendrai sur ces sources, et bien d'autres, dans un futur article que j'espère bientôt pouvoir rédiger. Ce fut donc une lecture très riche, nourrie par des apports extérieurs qui, j'en suis certaine, m'ont aidée à apprécier à sa juste valeur le récit de cette guerre légendaire et mystérieuse.

Je pense qu'il est important d'avoir connaissance d'éléments de contexte avant de se plonger dans l'Iliade, car Homère attaque dans le dur. Il n'évoque rien des origines de la guerre de Troie, il entame directement son récit par la querelle qui oppose Agamemnon à Achille. De même, la fin nous laisse un peu sur notre faim (sans mauvais jeu de mots) car il n'évoque rien du fameux cheval, ruse d'Ulysse, pour mettre le feu à la ville de Troie et ainsi signer l'arrêt de la guerre. Dans le même temps, certains passages peuvent rebuter de par leur longueur, pour des faits qui ne sont finalement pas si importants et la quantité de personnages présentés peut nous faire perdre la tête, surtout que l'auteur peut désigner une même entité par des vocables différents. C'est donc une lecture qui demande une grande concentration pour suivre tous les tenants et les aboutissants, se souvenir des membres de chaque camp et ne pas perdre le fil des décisions de Zeus qui varient au grès du charme des déesses qui viennent lui demander des faveurs.

Malgré ces bémols qui ont été facilement gommés par les informations contenus dans les autres supports que j'ai utilisés, j'ai vraiment beaucoup apprécié ma lecture de l'Iliade. J'ai aimé le côté épique, malgré la cruauté et la violence décrites, je me suis complètement sentie spectatrice de cette bataille. Je vois encore cette plage emplie de corps défaits, transpercés, ces odeurs nauséabondes, ces navires par centaines, majestueux, qui se tiennent droit sur des eaux troubles, face à la majestueuse Troie, ses ruelles, les vêtements somptueux de la reine Hécube et la beauté d'Hélène, j'entends le bruits des lances qui fouettent le vent, le cliquetis de l'acier, les cris de tous ces hommes qui se battent sans relâche. Et puis le merveilleux des dieux de l'Olympe, leur charisme qui brille, le goût de l'ambroisie et des animaux que l'on sacrifie pour s'attirer la bienveillance des immortels. Pour moi, l'Iliade, c'est ça, un ensemble de sensations qui nous font voyager dans le temps et dans l'espace. Ce n'est pas seulement une bataille sanglante, c'est aussi l'incarnation des travers humains. Un condensé d'humanité, pour le meilleur et pour le pire, l'orgueil, la jalousie, le désir de posséder, de conquérir, de s’accaparer ce qui appartient à l'autre, la démonstration de sa puissance et de sa force et l'envie de dominer, mais aussi l'amitié, l'amour filial, conjugal et le souhait d'honorer ses morts. A ce jeu-là, les immortels ne valent pas mieux que les mortels. J'ai trouvé leurs batailles d'égo assez amusantes, ils gouvernent les mortels mais ils sont restés de vrais enfants ! L'Iliade a deux niveaux d'interprétation : c'est une guerre entre mortels, mais c'est une guerre aussi entre dieux, leur fraternité n'ayant jamais été autant mise à rude épreuve. Au fil de ma lecture, je me suis aussi attachée aux héros et j'avais choisi mon camp (les Troyens). Même si on connaît l'issue de la guerre, c'est difficile de rester neutre, on est forcément poussés à prendre partie. En revanche, ce n'est pas une surprise, mais il ne faut trop en demander quant à la condition des femmes... Trophées de guerre, veuves éplorées, tentatrices, charmeuses, pleureuses... L'Iliade est véritablement une histoire de bonhommes, même si la guerre de Troie a éclaté à cause de la beauté d'une femme.

Jamais chronique n'aura été aussi longue ! C'est qu'il est compliqué de résumer cette œuvre incontournable au sujet d'une guerre qui n'a peut-être jamais existé ou du moins pas comme Homère le relate. Malgré le côté dense et aride de la chose, j'ai vraiment apprécié ma lecture. Je l'ai vécue comme un véritable roman d'aventures, aux scènes dignes des plus grands péplums. Je vous conseille de vous plonger un jour dans ce classique, avec à côté un ou deux autres supports de vulgarisation qui vous aideront très certainement à mieux comprendre et mieux apprécier cette lecture qui peut paraître décourageante de prime abord. N'oublions pas qu'elle est issue d'une tradition orale et qu'elle était initialement chantée, et non faite pour être écrite.

Dernières infos.

L'Iliade compte 552 pages (texte original, sans les notes et d'éventuels dossiers explicatifs selon les éditions) et aurait été conçue entre 850 et 750 avant J.C puis mise à l'écrit au VIème siècle.

Ma note.
Challenges.

* Défi lecture 2021 : Consigne 65 - Un livre d'un auteur de l'Antiquité - 15/100
En 2021... Je voyage : Grèce (+ 20 points)

samedi 23 mai 2020

Les aventures de Tom Sawyer - Mark Twain

En résumé.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que Tom Sawyer aura profité de sa jeunesse ! Jeune garçon intrépide et aussi malin qu'un singe lorsqu'il s'agit de faire des bêtises, Tom habite sur les rives du Mississipi, dans la ville imaginaire de Saint-Petesburg, dans l'Etat du Missouri, dans la partie sud des Etats-Unis (je ne peux pas être plus précise). Nous sommes dans les années 1830/1840, pas de console, pas de téléphone, pas de télévision, faut bien s'occuper avec ce qu'on a. Et croyez moi, Tom ne manque pas d'imagination pour mettre en rogne sa tante Polly ou encore pour faire l'école buissonière. Tom et ses amis, Joe Harper et le vagabond Huckleberry Finn, vont tour à tour se lancer dans plusieurs aventures, ils se feront pirates, explorateurs, brigands et j'en passe et des meilleures. Jusqu'au jour où la rigolade va tourner au vinaigre, lorsque les jeunes garçons seront témoins d'un meurtre. Comme si cela ne suffisait pas, l'assassin sème derrière lui un trésor. L'aventure ultime pour nos bandits en herbe !

Mon avis.

"Tom Sawyer, c'est l'Amérique, le symbole de la liberté !" Ca y est, vous aussi, vous avez la musique en tête ? Je suis désolée, vous allez me maudire... De Tom Sawyer, je ne connaissais que cette chanson entêtante, et quelques épisodes de dessin animé regardés dans ma tendre jeunesse. Il était donc temps que je me plonge dans ce classique de la littérature américaine afin d'en apprendre davantage sur ce héros célébrissime, dont les aventures sont largement inspirées des propres aventures de Mark TWAIN, lorsqu'il n'était encore qu'un tout jeune enfant.

Si ce roman est souvent classé dans le rayon jeunesse, il s'adresse aux petits et grands, sans grande distinction, chacun venant y piocher ce qu'il souhaite. Le style d'écriture est tout fait accessible, du moins dans cette édition proposée par Folio, le texte peut se lire à voix haute, sur le ton de l'aventure et du suspense pour captiver les plus petits, comme à voix basse, au calme, pour laisser voyager les plus grands. Le rêve et l'innocence sont les premiers adjectifs qui me viennent en tête pour qualifier ce récit. Tom nous rappelle ces possibilités infinies que seule l'enfance nous offre, la possibilité de porter un chapeau et de se croire pirate, d'échanger une noix comme s'il s'agissait d'un louis d'or ou encore d'offrir un anneau de fer à son amoureuse pour être lié à elle jusqu'à la fin de ses jours. Si l'on ne s'ennuit pas, c'est parce que Tom ne tient pas en place et vit une multitude d'événements en peu de temps. Il y a bien sûr les pitreries habituelles et quotidiennes, mais il y a aussi cet amour pour la jeune Becky qui connaît des hauts et des bas, et plus grave cette histoire de meurtre, un vrai, pas de ceux qu'on invente pour se faire peur le soir - meurtre qui donnera ensuite lieu à une véritable chasse au trésor. Tom est donc sur les tous feux, comment voulez-vous qu'il trouve encore le temps d'aller à l'école ?

Même si j'ai apprécié ma lecture dans l'ensemble, précisément parce que j'ai eu l'impression de voyager dans un autre univers, un autre temps et d'autres espaces, j'ai quand même le sentiment d'être resté sur ma faim. Je ne sais pas trop expliqué pourquoi, peut-être parce que ça va trop vite, que les aventures se déroulent devant nos yeux sans que l'on puisse véritablement s'attarder sur les personnages et sur cette époque d'avant la guerre de Sécession. Je crois que je m'attendais à une critique de la société de l'époque plus marquée. Certes, Tom Sawyer incarne des valeurs de liberté, de rebellion, notamment contre la foi et Mark TWAIN se sert de lui pour tourner en dérision certaines superstitions qui étaient très répendues jadis mais l'analyse n'est pas évidente à mener. Je m'attendais donc à trouver dans cette lecture un récit d'aventures mais aussi un récit aux conotations politiques. Si j'ai eu le premier, je n'ai pas eu le deuxième. Je comptais également sur le carnet de lecture qui accompagne Les aventures de Tom Sawyer dans cette édition mais lui aussi m'a un peu déçu, je l'ai trouvé trop court et pas assez analytique, j'aurais aimé qu'il m'en apprenne davantage sur les lieux et l'époque d'écriture de ce livre. 

Un goût d'inachevé perdure depuis que j'ai refermé ce livre, le sentiment d'être passé à côté de ce classique. Certes embarquée par les péripéties du jeune Tom, encore qu'elles sont expédiées assez rapidement, j'ai l'impression d'être restée en surface des choses, et de m'être trop peu attachée à l'univers pour qu'il perdure dans ma mémoire. Je vous conseille cette lecture si vous avez soif d'aventures, en ces temps où il est recommandé de rester chez soi, et si vous souhaitez vous remémorer vos propres exploits de l'enfance.
Dernières infos.

Les aventures de Tom Sawyer ont été publiées en 1876 et compte 352 pages. De multiples adaptations ont été réalisées, au cinéma, à la télévision, en BD.... La plus connue reste très certainement celle des japonais qui en ont fait un dessin animé de 49 épisodes dans les années 1980. A savoir que Marks TWAIN est également l'auteur des Aventures de Huckleberry Finn, qui s'attardent donc cette fois-ci sur l'ami de Tom.

Ma note.
Challenges.

Défi lecture 2020 : Consigne 56 - Livre dont l'action se déroule au XIXème siècle  - 18/100

dimanche 5 avril 2020

Mémoires d'une jeune fille rangée - Simone de Beauvoir

En résumé.

Simone DE BEAUVOIR, célèbre écrivain et philosophe, principalement connue pour son ouvrage "Le deuxième sexe" et pour avoir fait avancer la cause des femmes, revient dans ce livre sur son enfance, son adolescence et l'entrée dans sa vie de jeune femme. Née dans une famille bourgeoise, d'une mère très pieuse et un peu pincée, et d'un père plutôt fantasque et passionné de théâtre, Simonde DE BEAUVOIR s'est peu à peu construite, tantôt en accord avec les idéaux de ses parents, tantôt en opposition. Ce sont véritablement les livres qui l'aident à avancer et c'est auprès d'eux qu'elle trouve des réponses aux innombrables questions qu'elle se pose. Ils jouent aussi le rôle de l'ami qui console lorsque la jeune Simone sera prise dans des tourments sentimentaux inextricables. De ses premières années à son obtention de l'agrégation de philosophie - année au cours de laquelle elle rencontre Jean-Paul SARTRE - nous découvrons, dans ces quelques pages, les éléments fondateurs de la pensée de cette grande intellectuelle française.

Mon avis.

De Simone DE BEAUVOIR, je ne connaissais pas grand chose à vrai dire. L'auteur du "Deuxième Sexe", oui, la compagne de Jean-Paul SARTRE, oui aussi, mais ça s'arrêtait là. C'est mon amoureux qui a d'abord lu ce bout d'autobiographie puis il me l'a conseillé, car certains passages lui faisaient penser à moi. C'est donc avec empressement et curiosité que je me plongeai dans cet écrit, à la recherche de réponses que je me suis moi-même posée il y a quelques années.

Difficile de donner un avis critique sur les écrits d'un intellectuel aussi charismatique et reconnu que Simone DE BEAUVOIR. Alors je vais juste livrer ici mon impression de lectrice, en toute humilité et sans prétention aucune. La première impression qui me vient est celle d'une lecture longue et laborieuse. Les premières pages, où elle raconte essentiellement son enfance m'ont vite lassée, je peinais à m'identifier à elle, petite fille née dans une famille bourgeoise et à l'éducation marquée par la religion chrétienne. Je ne maîtrisais quasiment aucune référence historique qui borde son récit, et donc je me suis trouvée bien en peine d'imaginer une ambiance à ses souvenirs. Cette impression de longueur s'est poursuivie tout au long de ma lecture, mais elle s'est un peu apaisée, avec l'évolution de Simone vers des raisonnements plus adultes et les nouvelles rencontres qu'elle fait au fil des années. Autant j'ai trouvé la narration de son amitité avec Zaza intéressante, autout la narration de sa pseudo-histoire d'amour avec son cousin Jacques m'a vraiment ennuyée et m'a paru interminable. Ce sentiment d'interminable est, je crois, renforcé par le fait que tout est rédigé d'un bloc. Le récit est seulement scindé en quatre parties qui correspondent peu ou prou aux ruptures qui viennent poser les jalons de l'évoluation de sa pensée. A l'intérieur de ces parties, au nombre de pages conséquent, aucun chapitre, seules quelques coupures imposées par les paragraphes. Là où les chapitres contribuent habituellement au rythme dans une histoire, ici la pensée se déploie de façon illimitée, selon le propre rythme de son auteur et le lecteur peut parfois s'y noyer.

La deuxième impression qui me vient est plus positive. J'ai vraiment apprécié certains passages, certaines réflexions dans lesquelles j'ai pu un peu m'identifier. Il va de soi que je n'ai pas l'intelligence de Simone DE BEAUVOIR mais là où nous nous rejoignons, c'est sur le côté humain, nous sommes toutes les deux des femmes. J'ai apprécié ces passages où elle raconte le bonheur que lui procurent les livres et surtout l'aide qu'ils lui apportent lorsqu'elle traverse des passages délicats. Même si je ne connais pas la moitié des références littéraires qu'elle donne (ou du moins, que de nom), j'ai aimé son rapport intime à ces histoires qui l'aident à se positionner dans la vie. J'ai aussi aimé la narration de ses épisodes dépressifs comme euphoriques car peu de gens connaissent ces montagnes russes désagréables, qui plongent l'être qui en est la victime tantôt dans le déssaroi le plus complet, tantôt dans la joie la plus intense. J'ai aussi aimé la personne qu'est Simone DE BEAUVOIR. J'ai aimé le fait qu'elle ne soit pas, durant ces premières années en tout cas (après je ne sais pas), uniquement tournée sur sa carrière professionnelle et sa réussite. Elle reste encore très influencée par les relations qu'elle noue, notamment avec ses amis, et ce sont celles-là qui la font souffrir ou qui sont au coeur de son épanouissement, plus que la réussite à je ne sais quel examen élitiste. 

La dernière impression qui me vient est la satisfaction. La satisfaction d'avoir rencontré cette femme dont je connais désormais un peu plus que les grands poncifs qui nous sont servis habituellement. Je ne suis pas sûre de me plonger dans l'immédiat dans un autre de ses livres, qui sont quand même des gros morceaux, mais d'ici quelques années, et si cela correspond à mon humeur, pourquoi pas.

Une lecture aux premières notes de longueur et d'ennui mais qui prend de la saveur et du caractère au fur et à mesure de la dégustation. Je vous conseille ce livre si vous avez envie d'en savoir plus sur cette femme que l'on ne présente plus. Préparez vous tout de même à une lecture laborieuse, ce n'est pas le genre de lecture divertisante que l'on lit au bord de la plage !
Dernières infos.

Mémoires d'une jeune fille rangée a été publié en 1958 et compte 473 pages.

Ma note.
Challenges.

Défi lecture 2020 : Consigne 30 - Livre écrit par une femme (à lire durant le mois de Mars).
* Les 100 livres à lire au moins une fois (14/100)

samedi 19 octobre 2019

Chagrin d'école - Daniel Pennac

En résumé.

Un énième livre sur l'école ? Non, plutôt un premier livre sur le cancre, cet individu indésirable, souvent placé au fond de la classe, et promu à un avenir indésirable lui aussi. Daniel PENACCHIONI, l'auteur célèbre, notamment connu pour la saga des Malaussène fait part ici de son passé de cancre, mais aussi de son présent de professeur et du chemin qui l'a conduit de l'un à l'autre, de ces professeurs salutaires, qui ont su le tirer de ce mal-être de cancre qui l'a poursuivi pendant des années. Cette autobiographie est entrecoupée de réflexions de l'auteur sur, entre autres, le système scolaire actuel, l'évolution de la place d'élève au cours des dernières décennies et le métier d'enseignant, le vrai, celui qui ose s'intéresser vraiment à ces élèves.

Mon avis.

En ces temps de rentrée - même si un mois est déjà passé, déjà - j'avais envie, en tant que lectrice mais aussi en tant qu'enseignante, de me plonger dans un bouquin sur l'école. Celui-ci avait rejoint ma PAL cet été après une razzia dans une ressourcerie comme on les connaît dans le Nord, c'était donc l'occasion de l'en sortir. De Daniel PENNAC, je connaissais surtout le premier tome des Mallaussène, Au bonheur des ogres, que j'avais aimé, sans plus mais qu'il faudrait que je relise, car j'avais eu le sentiment de passer à côté de ma lecture. Je fus donc ravie de retenter l'expérience Daniel PENNAC avec ce livre, très célèbre, Chagrin d'école.

Lors de ma lecture, je fus un peu déroutée par l'agencement des divers chapitres et des diverses anecdotes. Moi qui pensais avoir affaire à une autobiographie de bout en bout, avec pour commencement, les débuts difficiles de l'auteur à l'école et pour fin sa réussite en tant que professeur de français et auteur renommé, je fus surprise que tout soit mélangé. Les passages personnels côtoient des passages réflexifs sur le système scolaire, l'auteur part parfois dans des digressions qui ont pu me perdre et m'ennuyer à certains moments. Les deux dimensions sont intéressantes et se nourrissent l'une l'autre mais une meilleure organisation de leur narration m'aurait peut-être davantage aidéE à entrer dans cette lecture, que j'ai parfois plus balayé que lu.

Si certains passages m'ont laissée de marbre (je pense notamment à la longue digression sur la signification du "y" dans la langue française), d'autres m'ont captivée et m'ont fait réfléchir à l'élève que j'ai été et à l'enseignante que je suis. J'ai d'abord aimé la définition qu'il donne du cancre : non pas cet élève qui refuse l'école, moqueur, parfois violent avec ses camarades et ses professeurs, mais cet élève qui se donne les moyens de réussir mais qui n'y arrive pas, qui ne comprend pas ce qui lui est expliqué ou ce qui lui est demandé. C'est une définition que je trouve par ailleurs émouvante, car j'imagine bien tous ces élèves (et j'en ai côtoyés durant ma scolarité) qui font des efforts surhumains pour correspondre aux attentes de leurs parents, de l'école mais aussi de la société, et qui peinent toujours à atteindre la moyenne, souvent laissés de côté par ces diverses instances alors que leur confiance en eux s'érode, sans compter l'impact de cette souffrance sur la construction de soi et de son avenir. J'ai aussi aimé le passage où il évoque le métier d'enseignant. Il explique très justement à mon sens que ce qui caractérise le bon professeur, c'est sa capacité à deviner avec précision les difficultés de ses élèves et à y remédier, détricoter ce qui a été tricoté pour fabriquer un nouveau pull, plus solide. La difficulté de ce métier ne réside pas dans la transmission de savoirs, savoir-faire et savoir-être mais plutôt dans la compréhension des difficultés des élèves et des moyens, parfois novateurs, pour les contourner. Ce sont ces quelques (rares) professeurs, exerçant leur métier avec passion et finesse qui ont d'ailleurs sorti l'auteur de sa spirale infernale. Enfin, j'ai aimé toute la réflexion qu'il a sur l'élève client et la place de l'enfant en tant que consommateur, au même titre que l'adulte qui possède les revenus. Dans ces mêmes chapitres, il aborde également le désir d'avoir des enfants - désir dont les mécanismes sous-jacents ont bien évolué au cours de ces dernières décennies.

En conclusion, une lecture un peu mitigée, qui m'a déçue du point de vue narratif, avec cette organisation un peu brouillonne du récit, mais plusieurs passages m'ont vraiment marquée et j'y pense encore alors que j'ai refermé ce livre il y a déjà plusieurs semaines. Je vous le conseillerais donc si vous vous intéressez un minimum à l'école et à son univers, sinon passez votre chemin !
Dernières infos.

Chagrin d'école a été publié en 2007 aux éditions Gallimard et compte 298 pages. Il obtint le prix Renaudot en 2007.

Ma note.

dimanche 5 mai 2019

Pierre et Jean - Guy de Maupassant

En résumé.

La famille Roland, famille bourgeoise du XIXème siècle accueille en son sein deux frères que tout oppose : l'aîné, Pierre, médecin, brun, impulsif et colérique et le cadet, Jean, avocat, blond, calme et gentil. Ces deux hommes, qui semblent s'entendre malgré les différences marquées, voient leur fraternité ébranlée par une nouvelle à laquelle ils ne s'attendaient pas. La famille découvre qu'à sa mort, l'un de leurs vieux amis a décidé de léguer la totalité de son héritage à Jean. Cette générosité divise, entre ceux qui y voient l'occasion de se faire mousser dans la bonne société et de lancer Jean dans son activité d'homme de loi et ceux qui s'interrogent sur ce don qui ne touche qu'un seul membre de la famille. Pierre, mû par une jalousie qu'il peine à contenir, fait partie des sceptiques. Ses interrogations le mènent à déterrer de vilains secrets de famille...

Mon avis.

Ce court roman, ou cette longue nouvelle - la question du genre divise - trônait dans ma bibliothèque depuis quelques années déjà. Il y a quelques mois, alors que je n'avais plus le temps de lire pour des raisons professionnelles, j'ai quand même eu envie de me plonger dans un court récit, plutôt classique. Mon choix s'est porté sur celui-ci, n'ayant lu jusque là qu'un écrit de Guy de Maupassant, Bel ami.

Avec Pierre et Jean, l'auteur emmène le lecteur dans sa Normandie bien-aimée, dans la ville du Havre pour être précise, au sein d'une famille appartenant à la petite bourgeoisie des commerçants. Ce récit est publié à l'époque où les courants réaliste et naturaliste se déploient. De ce que j'en ai lu, ce récit semble s'inscrire dans les deux courants, sans pour autant réunir tous les traits caractéristiques de l'un ou de l'autre, qui le classerait dans une seule catégorie. Mes connaissances sur les courants littéraires étant à ce jour très restreintes, je laisse le soin à des plus experts de trancher la question. Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'il s'agit bien dans cet écrit de décrire une réalité sociale, la vie de ces petits bourgeois qui commencent à intéresser les artistes (peintres, écrivains) de l'époque. Toutefois, l'auteur ne s'arrête pas seulement à une étude sociologique de ses personnages, il les dissèque, les analyse et se sert de sa plume pour décrire leur psychologie. Je n'ai pas trouvé l'intrigue particulièrement haletante. Non, la force du livre est plutôt dans cette fouille cérébrale de la famille Roland, et surtout des deux frères. J'ai aimé le style de Maupassant, à la fois concis, pertinent mais simple. Son écrit reste tout à fait accessible, et je me suis sentie happée par ses descriptions chirurgicales des sentiments de chaque personnage.

Il est question dans ce livre d'un fils illégitime, caché par la mère, à cette époque où les mœurs en font quelque chose de tabou, en particulier dans les hautes strates de la société. Plus généralement, c'est le thème de la famille qui est exploré, des liens que l'on croit légitimés par une filiation de sang et qui volent en éclats lorsqu'une tout autre vérité apparaît. Avec elle, les personnages redécouvrent des sentiments déjà éprouvés par le passé, mais dont l'intensité reste nouvelle : le sensation d'être trahi par la mère, la douleur de constater que les liens familiaux construits reposent sur un mensonge, la menace du qu'en-dira-t-on, la jalousie, la perte de confiance dans ses repères. Un dernier thème est abordé par l'auteur, un thème qui renforce l'ampleur des tourments des personnages, celui de la mer. Le récit s'ouvre par une partie de pêche et s'achève sur une scène dans le port du Havre. La mer est là pour symboliser tout à tour la sérénité des personnages comme la violence de leurs émotions. Pierre va souvent sur le port pour réfléchir. L'observation du ressac des vagues contre les rochers accompagne ses réflexions, qui s'achèveront par la découverte de la vérité. Pierre et Jean n'aurait pas pu mériter meilleur cadre qu'une ville côtière pour voir se développer cette intrigue qui est surtout affaire de sentiments.

En résumé, un petit classique qui se lit bien et vite, aux thèmes riches, pertinents et approfondis. Si vous êtes intéressés par cette histoire, je vous conseille de vous procurer un livre qui s'accompagne d'une partie analyse (édition des collèges ou lycées). Cette partie m'a bien aidée pour situer le récit dans son temps, et en saisir tous les enjeux.

D'un coup d’œil, les plus, les moins.

+ La richesse des thèmes abordés : les liens familiaux, le fils illégitime, la mer.
+ L'analyse psychologique des personnages et la justesse des termes employés.
+ Un classique tout à fait accessible, à la plume agréable !

- Certains passages peuvent paraître longs mais ils ne gâchent en rien l'expérience de lecture.

Dernières infos.

Ce livre, publié en 1888, compte 159 pages.

Ma note.

dimanche 26 août 2018

Orgueil et Préjugés - Jane Austen

En résumé.

La famille Bennet ne sait plus où donner de la tête... Leurs cinq filles sont désormais en âge de se marier. Leur trouver un homme riche et occupant une position honorable dans la hiérarchie sociale est devenu une urgence si elles veulent être à l'abri du besoin. Car non, en raison d'une vieille loi anglaise, elles ne pourront pas hériter de la maison familiale, qui repartira dans les mains d'un cousin un peu barbant, Mr Collins, à la mort de leur père. Comme les choses se goupillent plutôt bien, de nouveaux locataires viennent occuper une riche demeure non loin de là. Et comme une bonne nouvelle en entraîne une autre, les nouveaux locataires sont deux mâles célibataires, le gentil Mr Bingley, accompagné de son ami bien orgueilleux mais à la tête d'une fortune, Mr Darcy. C'est décidé, Jane, l'aînée ira à Mr Bingley et Elizabeth à Mr Collins, afin de mettre fin à la malédiction qui pèse sur la famille. Mais qu'en sera-t-il des sentiments des principales intéressées dans cette histoire, Jane et Elizabeth Bennet ?

Mon avis.

Mon premier livre de Jane Austen et donc ma première lecture d'Orgueil et Préjugés. Oui, je sais c'est une honte. Il faut dire que j'avais la pression, un classique de la littérature anglaise, adapté un nombre incalculable de fois au cinéma, des commentaires élogieux à la pelle, une note qui frise le record sur Livraddict, j'avais peur de ne pas aimer et de passer à côté de quelque chose. Autant vous dire de suite que mes craintes se sont évanouies dès les premières pages et que ce livre fut un véritable coup de cœur !

On rentre dans cette histoire comme dans un bon bain chaud, rempli de mousse et qui sent le citron (oui parce que le ton est légèrement acidulé quand même). Une de mes craintes était le style de Jane Austen dont je pensais qu'il serait trop riche ou trop ampoulé pour permettre une lecture fluide. Finalement, ce fut le cas, je me suis un peu brûlé les orteils en entrant dans le bain, surtout lors des joutes verbales entre Elizabeth et Darcy (cela dépend peut-être de la traduction) que j'ai eu du mal à comprendre en totalité mais on s'y fait rapidement, on se laisse envelopper par la chaleur des lieux et le piquant des personnages. Le décor est bien planté sans pour autant avoir quinze pages de descriptions. D'ailleurs, seul le domaine de Pemberley est mis à l'honneur. Plus que les paysages et le faciès des personnages, ce qui intéresse en premier lieu Jane Austen est leur caractère. Il n'y a qu'à voir le titre, orgueil et préjugés, tout un programme... La société bourgeoise, la "gentry" anglaise du XIXème siècle qui accueille l'intrigue, est passée au vitriol même si l'auteur y va avec beaucoup de subtilité, sa meilleure arme étant l'ironie. J'ai beaucoup aimé Mr Bennet, qui, agacé par la niaiserie de sa femme, garde sa colère pour lui mais lui fait quelques remarques bien placées et bien grinçantes. Elizabeth incarne les opinions que souhaite défendre Jane Austen. Elle est un peu le mouton noir dans tout ce fatras de bienpensance, l'esprit libre, très certainement la plus intelligente. Elle refuse cette loi tacite selon laquelle le mariage est avant tout une affaire d'argent. Pour elle, il n'y a que l'amour qui puisse unir deux êtres. Malgré ses traits d'esprit, elle n'est pas épargnée par la plume de Jane Austen qui montre combien l'orgueil et les préjugés peuvent conduire au malheur. Ainsi, tout le monde en prend pour son grade, même si Darcy et Elizabeth sont érigés au sommet du tas de fumier, ce qui fait que l'intrigue a du mordant et évite de tomber dans la niaiserie d'une comédie romantique.

J'ai également beaucoup apprécié le rythme de l'histoire. Si l'amour naissant entre Elizabeth et Darcy sert de fil conducteur, plusieurs développements secondaires viennent apporter de l'action, voire du suspense. Combien de fois j'ai eu des difficultés à poser mon livre ! Je l'ai carrément dévoré, souhaitant par dessus tout savoir ce qui allait se passer pour tel ou tel personnage. Je dois avouer qu'un petit récapitulatif des relations entre les différents protagonistes trouvé sur le page Wikipedia du livre m'a été de grand secours quand je ne savais plus qui était lié à qui. Sans ça, on n'a aucun mal à suivre l'intrigue. Tout est tellement bien ficelé, bien pensé pour que les uns et les autres se croisent de façon complètement naturelle. J'avais l'impression d'habiter moi aussi cette partie de l'Angleterre et de suivre les aventures de mes voisins depuis la fenêtre. Elizabeth fut bien évidemment ma voisine préférée. Certes, elle a son petit caractère mais elle pointe tellement bien le manque d'intelligence des autres et de certaines traditions. J'ai aimé sa liberté d'être et d'agir. Le passage où elle refuse la première demande en mariage de Darcy est absolument magistral. Malgré les manières de l'époque, j'ai eu le sentiment de lire une œuvre moderne, pas si éloignée de notre époque. Quelques petites modifications et nous pourrions facilement adapter cette histoire à notre monde contemporain. Rien de surprenant, puisque c'est un livre qui parle de l'Homme et de ses travers, thème intemporel qui a déjà fait couler beaucoup d'entre et qui continuera d'en faire couler...

Avant de vous quitter, je tenais à vous dire quelques mots sur Tibert Editions, l'édition qui a publié cette version d'Orgueil et Préjugés illustrée par Margaux Motin. Il s'agit d'une toute jeune maison d'édition qui a pour objectif d'allier littérature et art pictural. Ainsi, ils publient des grands noms de la littérature sublimés par le talent d'un artiste. Pour le moment, sont disponibles Les hirondelles de Kaboul de Yasmina Kadra et Mrs Dalloway de Virginia Woolf. Pour ma part, j'ai vraiment apprécié mon expérience de lecture avec Orgueil et Préjugés. Le livre est d'une qualité excellente, les illustrations apportent un vrai plus humoristique et artistique et il décore à merveille ma bibliothèque. Je vous laisse aller faire un tour sur leur compte Ulule et sur leur site.

D'un coup d’œil, les plus, les moins.

+ Un regard cynique sur la société bourgeoise dans l’Angleterre du XIXème.
+ Des personnages aux caractères bien marqués, mention spéciale pour Elizabeth.
+ Une intrigue bien ficelée, faite d'une mosaïque d'histoires qui donnent du rythme.
+ Le plume intelligente de Jane Austen qui parvient à montrer avec finesse et subtilité le poids de l'orgueil et des préjugés chez l'Homme.
+ Le charme qui se dégage des lieux.

- Quelques passages un peu difficiles à comprendre (mais ils restent rares)

Dernières infos.

Orgueil et préjugés a été publié en 1813 (pour la version originale) et compte 353 pages. Si vous souhaitez en savoir plus sur ce livre, je vous conseille cet épisode de l'Alchimie d'un roman et cet épisode de La grande table sur France Culture. Si vous n'êtes toujours pas rassasiés, sachez que La compagnie des auteurs (toujours sur France Culture) a consacré quelques épisodes à Jane Austen.

Ma note.
Challenge.

Cette lecture me permet d'avancer dans ces challenges:

mercredi 18 juillet 2018

Le château de ma mère - Marcel Pagnol

En résumé.

Les vacances dans les collines provençales se poursuivent pour Marcel et sa famille. Le petit garçon, lors d'une partie de chasse, fait la connaissance de celui qui va devenir son ami de toujours, Lili des Bellons, un nom rempli de soleil et de cigales. Les deux copains vont passer un été splendide, entre pose de pièges dans la garrigue et confessions pudiques. Mais pour Marcel, la rentrée des classes approche. C'est l'année du certificat d'étude, un passage obligatoire pour ce fils d'instituteur. En parallèle, le manque de la maison de vacances se fait sentir pendant les longs mois d'hiver où la famille n'a d'autre choix que de rester en ville. C'était sans compter la douce Augustine, la maman de Marcel, et Bouzigues, un ancien élève de Joseph, qui vont monter tout un stratagème pour rendre le trajet vers le lieu des tous les plaisirs moins contraignant et donc plus accessible - un trajet qui ne sera pas sans risque.

Mon avis.

Après avoir lu La gloire de mon père l'été dernier, je récidive cet été avec ce second tome de la saga Souvenirs d'enfance écrite par Marcel Pagnol. Je confirme mes impressions, ce sont des lectures idéales pour la période estivale, de quoi nous faire voyager jusqu'en Provence, les fesses bien accrochées à notre transat.

Après l'hommage rendu à son père dans le premier tome, le valeureux Joseph qui vient à bout des bartavelles, Marcel Pagnol vient dans ce second livre titiller notre cœur de guimauve en évoquant sa belle amitié avec le tout jeune Lili et l'audace de la jolie Augustine. Parce que ce livre est avant tout un hommage à sa mère, l'écriture y est sensible bien que nuancée d'orgueil. Il faut bien dire que notre petit Marcel, que l'on a connu tout émoustillé à l'idée d'accompagner ses aînés à la chasse grandit. C'est désormais à lui de faire ses preuves et de montrer qu'il n'est plus un jeune enfant. On le voit mûrir, se forger un caractère, oser se rebeller contre ses parents si doux et faire le fier devant le fameux Lili afin de lui prouver qu'il n'est pas qu'un gars de la ville à la tête bien faite. Ces démonstrations d'une force toute fragile sont touchantes car après les envolées lyriques, le soufflet ne tarde jamais à retomber et on côtoie de nouveau le petit garçon à l’innocence toute frêle. C'est pour se réalisme, cette simplicité dans la plume que j'aime les récits de Marcel Pagnol. Grâce à des mots à la fois très justes et très beaux, il sait décrire l'enfant qu'il a été, gorgé de naïveté et d'idéalisme, ce sentiment que l'on a quand on a à peine 10 ans et que l'on croit dur comme fer qu'on pourra révolutionner la face du monde. Son amitié avec Lili nous arracherait presque les larmes tellement elle est sincère et dépourvue d'artifices. On voit à quel point c'est dur pour eux de se montrer leurs sentiments tout en prenant garde à conserver la virilité des enfants qui deviennent des jeunes hommes.

Peut-être parce que c'est trop bien raconté, les pages se tournent à vitesse grand V et on arrive déjà à la fin alors qu'on pensait n'être qu'au début. Je me suis sentie un peu frustrée, j'aurais souhaité un peu plus de matière, plus de détails qui auraient fait tourné mon moulin à imagination. D'ailleurs, la seconde partie qui explique le titre et la couverture du livre arrive bien tardivement, à tel point que je me suis demandée à plusieurs reprises si le livre était bien conforme à l'adaptation cinématographique. Finalement, on y a droit, à ce trajet raccourci qui fait prendre des risques à notre famille pourtant à cheval sur les conventions. Cette partie est vite expédiée, ce qui est plutôt dommage vu qu'elle constitue le cœur du livre. J'aurais aimé que l'auteur s'y attarde davantage, qu'il prenne le temps de développer les personnages placés sur la route de ces parents si craintifs qui osent pour une fois contourner les règles. C'était aussi une occasion de varier le récit, de donner au lecteur plus de détails sur l'environnement de la villa de vacances, les chemins qui mènent à elle, les voisins, les moyens de transport de l'époque, même si l'on a déjà un aperçu. Je suis donc restée un peu sur ma faim, refermant le livre en me disant que même si ma lecture reste très agréable, il m'a manqué de la substance, du grain à moudre.

D'un coup d’œil, les plus, les moins.

+ La plume de Marcel Pagnol qui rend compte d'une époque remplie d'innocence et déjà révolue.
+ Ce livre est une ode à l'amitié enfantine.
+ L'hommage rendu à Augustine, la mère de Marcel.

- Bien trop court, j'aurais voulu plus à manger !
- Un déséquilibre au niveau des parties, la seconde étant un peu trop courte par rapport à son importance dans l'histoire. 

Dernières infos.

Le château de ma mère date de 1958 et compte 217 pages. Il fait suite à La gloire de mon père et est suivi du Temps des secrets et du Temps des amours. Il a été adapté au cinéma en 1990.

Ma note.

samedi 24 mars 2018

De la terre à la lune - Jules Verne

En résumé.

Faisons un voyage dans le temps et dans l'espace ! Nous sommes aux Etats-Unis, dans la deuxième moitié du XIXème siècle et la Guerre de Sécession (1861 - 1865) vient de s'achever. Le Gun Club, société regroupant des armateurs qui ont contribué à l'évolution de l’efficacité des armes américaines, notamment sur le volet de la balistique, est au chômage : la paix est revenue, plus besoin de canons ! C'est alors que le président, Barbicane est frappé d'une idée géniale. Puisque les progrès ont été considérables, pourquoi ne pas lancer un projectile sur la Lune ? Il n'en fallait pas plus pour déchaîner les foules, elles qui pensaient qu'un tel projet ne serait jamais possible. Mais ce n'est pas fini ! Alors que la construction du Columbiad (le fameux obus) est bientôt terminée, Michel Ardan, un explorateur au charisme extraordinaire, se porte volontaire pour monter à bord et être le premier homme à visiter la Lune. L'hystérie gagne le monde entier, jusqu'à l'embarquement puis le décollage.

Mon avis.

De Jules Verne, je ne connaissais pas grand chose avant de me plonger dans cette formidable aventure jusqu'à la Lune. Il y a quelques années, j'avais lu Le tour du monde en 80 jours dont je garde très peu de souvenirs. C'est une amie qui m'a prêté celui-ci et cela tombait plutôt bien car j'avais envie de redécouvrir l'univers si particulier de l'auteur depuis un petit moment.

Jules Verne, né dans le premier quart du XIXème siècle est célèbre pour être l'inventeur du roman scientifique. De la Terre à la Lune en est l'illustration parfaite. Lui qui était agent de change le jour, étudiait les sciences la nuit pour rendre ses écrits aussi réalistes que possible. En tant que lectrice qui fait autant preuve de culture scientifique qu'un têtard, je dois dire qu'on s'y voit, parmi tous ces gens qui pensent que le monde est en train de basculer parce que l'Homme a trouvé le moyen de défier les éléments physiques. La plume de Jules Verne est fabuleuse, elle nous entraîne, comme le ferait un journaliste, dans l'Histoire. Les différents tableaux défilent, tous plus réalistes les uns que les autres et on ne peut être qu'ébahi devant la capacité de l'auteur à être aussi visionnaire. Ce petit ouvrage témoigne de l'esprit de l'époque : la science va changer le monde et les hommes, la course aux progrès est lancée, désormais on ne loue plus le soldat qui tue ses congénères mais l'explorateur qui repousse les limites du possible. C'est aussi l'époque où les scientifiques ne mesurent pas les conséquences que vont avoir leurs inventions sur l'environnement. Il y a aussi cette idée que l'Homme est plus fort que la nature et qu'il peut abolir n'importe quelle contrainte, qu'elle soit spatiale ou temporelle.

Même si j'ai été convaincue par l'ensemble, je regrette les passages purement scientifiques qui sont à mon sens trop nombreux. Il y a quand même trois ou quatre chapitres qui se focalisent uniquement sur la construction de l'obus (les matériaux, la poudre qui va lui donner son impulsion, la construction du canon qui va envoyer dans l'espace le projectile). Les unités de mesure qui donnent leur précision à toutes ses considérations ne sont pas en kilomètres ni en kilogrammes mais en milles ou en lieues. Je sais bien que cela aurait été anachronique mais ce fut une autre des choses qui m'ont un peu refroidie. Heureusement, ces passages ne constituent pas l'intégralité du livre et on finit par suivre l'aventure dans son ensemble. Les passages concernant les querelles entre Barbicane et Nicholl, son rival, la façon dont ils ont réussi à lever des fonds pour financer l'entreprise ou encore le choix du territoire qui accueillera la construction de l'engin sont nettement plus intéressants et offrent une jolie représentation de ce qu'était la vie à cette époque.

Un classique que je recommande, même si certains passages paraissent ennuyeux ! Le talent de Jules Verne est à découvrir !

D'un coup d’œil, les plus, les moins.

+ Les dons de voyance de Jules Verne.
+ Les connaissances qu'il déploie - connaissances qu'il a développées en autodidacte - qui rendent cette aventure extrêmement réaliste.
+ Sa plume qui est très agréable et accessible (même si je doute qu'elle soit très adaptée pour des enfants).
+ Le thème du livre : quelle aventure !
+ En toile de fond, la fresque historique.

- Les passages purement scientifiques avec des unités de mesure qui ne permettent pas des représentations mentales

Dernières infos.

De la Terre à la Lune a été publié en 1865 et compte 247 pages. Il est suivi d'un deuxième tome, un peu moins connu qui s'intitule Autour de la Lune et paru en 1870.  

Ma note.

vendredi 15 décembre 2017

L'ami retrouvé - Fred Uhlman

En résumé.

Nous sommes en 1932 dans un lycée de Stuttgart. Hans, fils d'un médecin juif, est du genre discret à l'école, à tel point qu'il n'a pas d'ami et rêve dans son coin de celui qui pourrait lui offrir cette amitié qu'il idéalise, à la façon d'un poète romantique. Un beau jour, Conrad, un nouvel élève, fait son entrée dans la classe. Il est le descendant d'une famille allemande prestigieuse, de confession protestante. Immédiatement, Hans déploie des trésors d'imagination pour séduire cet ami potentiel. Ses efforts s'avèrent payant puisqu'une belle complicité naît rapidement entre ces deux jeunes hommes passionnés par les mêmes choses et aimant philosopher pendant de longues heures. Mais c'est aussi à cette période qu'Hitler gagne en popularité et insiste de plus en plus sur la nécessité de chasser les juifs hors du pays. Je vous laisse deviner la suite.

Mon avis.

Je l'ai enfin ma lettre U pour le challenge ABC! Je peux vous assurer que ça n'a pas été facile de trouver un roman dont le nom de l'auteur commence par un U, qui me plaise et qui ne soit pas trop long. Finalement, le hasard a bien fait les choses car il m'a permis de découvrir ce classique très très court et plutôt intéressant. Comme quoi, les challenges peuvent être une contrainte mais ils sont aussi l'occasion de mettre un pied hors de sa zone de confort et de rechercher des livres vers lesquels on ne se serait probablement jamais tourné.

Ce livre n'est pas autobiographique mais l'auteur s'est vraiment inspiré de sa propre vie pour mettre en scène le personnage de Hans. Il s'agit d'un jeune homme touchant et mature, à la philosophie remarquable. Je me suis reconnue dans plusieurs passages, lorsqu'il décrit (le texte est à la première personne) sa conception de l'amitié, à savoir une relation sans condition et exclusive, où l'on est prêt à tout offrir à l'autre. J'ai fait la connexion avec Lettre d'une inconnue de Stefan Zweig dans laquelle l'auteur de la lettre fait part de son amour absolu et passionnel au destinataire qu'elle n'a croisé qu'à très peu de reprises. J'ai évolué sur ce terrain mais c'est toujours agréable de trouver des personnages de la littérature qui pense comme soi et qui mettent des mots sur nos propres ressentis. Hans finit par atteindre cette amitié au-delà des croyances religieuses et des positions sociales. Le ciment de leur relation est l'appétit inextinguible pour le savoir. Nous sommes donc dans quelque chose de très pur, de complètement idéalisé et intellectualisé. Cela prend une dimension supplémentaire lorsque l'idéologie nazie se fait ressentir jusque dans le lycée. Les émotions de Hans sont calqués sur ceux de son auteur, ce qui rend le récit encore plus réel.

Thèmes pertinents, identification facile aux personnages, suspense, contexte intéressant, tous les composants y sont pour qu'on ait envie de suivre l'histoire de Hans. C'est juste dommage que le livre soit si court. C'est comme un Paris-Lyon en avion: pas le temps de décoller qu'on a déjà atterri. Il ne m'a fallu que que deux ou trois heures pour lire ces quelques pages, ce qui ne m'a pas laissé le temps de m'approprier l'histoire et de m'y investir. Une fois la dernière page tournée, je ne me souvenais déjà plus des prénoms des protagonistes. Ce thème de l'amitié en temps de guerre aurait pu être développé plus longuement (et à mon avis, il y avait matière à), ce qui aurait donné une autre profondeur à l'intrigue. J'ai donc été déçue, me glissant dans la peau d'un petit enfant à qui on aurait promis un gros oeuf Kinder pour Pâques et qui se retrouve avec des petits oeufs en sucre pas bons.

Pour conclure, l'intérêt historique est là, tous les ingrédients pour faire une jolie histoire sont là mais le gâteau ne gonfle pas. Et on finit par se rabattre sur nos oeufs en sucre!

D'un coup d'oeil, les plus, les moins.

+ L'intérêt historique.
+ Le thème central: l'amitié en temps de guerre alors que les deux amis se positionnent dans des clans adverses.
+ Les deux personnages principaux sont touchants et leur définition de l'amitié est intéressante.

- La rapidité du livre qui ne laisse pas le temps de se projeter dans l'histoire.
- Et le manque de profondeur qui en découle.
- La profusion de termes allemands (noms, citations, etc) qui parfois nous perdent.

Dernières infos.

L'ami retrouvé a été publié en 1971 pour la version originale. Il compte un peu d'une centaine de pages. Il a fait l'objet d'une adaptation cinématographique en 1989.

Ma note.
Challenges.


ABC 2017 - Lettre U (23/26)

samedi 18 novembre 2017

Zazie dans le métro - Raymond Queneau

En résumé.

Jeanne Lalochère confie sa fille Zazie à son oncle Gabriel pour qu'elle puisse tranquillement batifoler avec son amant. La situation ne déplaît pas à la jeune fille puisque c'est l'occasion de mettre enfin un pied dans la capitale et de côtoyer cet engin mystérieux qu'est le métro. Manque de bol, les agents sont en grève. Après avoir lâché tout un tas d'injures, la petite échappe à la surveillance de son oncle et décide de visiter Paris toute seule. Une folle aventure débute alors et le lecteur va se trouver face à des situations toutes plus rocambolesques les unes que les autres et face à des personnages pour le moins étranges. Bienvenue dans le surréalisme à la Queneau !

Mon avis.

Je dois avouer que si le nom de l'auteur ne commençait pas par "Q" et si je n'avais pas un challenge ABC à vite poursuivre, je ne serais très certainement pas allée à la rencontre de ce livre. Cela fait plusieurs années que j'en entends parler (j'ai d'ailleurs failli l'avoir aux épreuves du bac de littérature), sans jamais sauter le pas, découragée devant les commentaires rarement positifs des lecteurs. Désormais, c'est chose faite, je ne suis pas mécontente de ma lecture sans pour autant avoir adoré, loin de là même.

Il faut dire que l'univers que nous propose l'auteur est surréaliste. Un réel travail a été fait sur la langue - la langue qu'on parle entre gens populaires d'un Paris d'après-guerre qui savoure enfin le goût de la liberté (l'écriture de ce livre date de 1959). Le style est très familier et il n'y a quasiment que des dialogues. Même le narrateur se met à employer ce langage châtié. Le rythme de l'histoire est donc très rapide, et on se sent emporté dans les aventures de Zazie, en complète immersion parisienne. Cela nous amène à vivre des situations très cocasses. Le récit se tient et si on s'accroche, il n'est pas difficile de suivre le déroulé des événements. Cependant, on peut rapidement se perdre dans les personnages qui apparaissent, disparaissent puis reviennent sous d'autres identités. Leurs interactions peuvent parfois surprendre: parfois ils réagissent de façon disproportionnée et puis c'est le contraire, ils ne tiennent pas cas de situations graves. Ainsi, on a l'impression d'être dans un réel distordu, entouré de faits et de personnages réels au premier abord et fantasques si on creuse un peu.

A l'image de cette intrigue un peu particulière, il y a certains passages que j'ai bien aimés, ayant l'impression de comprendre enfin où l'auteur voulait en venir puis quelques pages plus loin, je me sentais perdue. L'auteur aborde des thèmes graves comme le viol et la pédophilie et d'autres thèmes tabou à cette époque comme l'homosexualité et les boîtes où se produisent des travestis. Je pensais qu'il avait quelque chose à dire sur ces sujets mais ils sont vite balayés et on ne sait plus trop ce que ça vient faire là. Au terme de ma lecture, j'ai donc cette très désagréable impression d'être passée à côté de quelque chose. Certes, le style est intéressant et l'histoire peut paraître comique et originale mais ces deux points ne compensent pas le sentiment de ne pas avoir su lire entre les lignes. C'est d'autant plus frustrant que Zazie dans le métro est devenue un vrai classique et Raymond Queneau est un auteur réputé, alors je me demande pourquoi je n'ai pas su voir le chef d'oeuvre qui se cache derrière ces quelques pages.

Je ne pensais pas que je serai aussi sévère dans ma notation mais au fur et à mesure que j'écris cette chronique, je me rends compte que je ne retire rien de cette lecture. Je vais donc, à regrets, l'affubler d'un deux fleurs.

D'un coup d'oeil, les plus, les moins.

+ Le travail sur la langue: jeux de mots, langage parlé, nombreux dialogues.
+ Le potentiel comique.

- On ne comprend pas où l'auteur veut en venir.
- On peut vite se sentir perdu: trop de personnages et de situations étranges.
- L'histoire est trop fantasque pour moi (n'a ni queue ni tête).

Ma note.
Dernières infos.

Zazie dans le métro a été publié en 1959 et compte 240 pages. Ce classique a fait l'objet de nombreuses adaptations: BD, pièce de théâtre et film en 1960. Si vous souhaitez en savoir plus sur cette oeuvre, je vous conseille vivement la chaîne Youtube l'Alchimie d'un roman qui lui a consacré un épisode.

Challenges.

Cette lecture me permet d'avancer dans ces challenges: 
Défi lecture 2017 - Consigne 19: un livre qui se déroule dans une capitale. (36/80)
ABC 2017 - Lettre Q (19/26)

samedi 9 septembre 2017

Thérèse Desqueyroux - François Mauriac

En résumé.

L'histoire de Thérèse Desqueyroux s'ouvre sur un non-lieu prononcé suite à sa condamnation pour avoir tenté d'empoisonner son époux. Elle ne sera pas poursuivie car ce dernier a choisi de nier la vérité afin de préserver sa famille et surtout leur fille du qu'en-dira-t-on typique de ces petits villages reculés des Landes en ce début du XXème siècle. Thérèse n'est pas pour autant soulagée, elle qui souffre de ce mariage arrangé. Elle s'est toujours sentie enfermée par ces pins qui la toisent et par les conventions sociales qui ont fait d'elle une perle rare pour n'importe quel homme préoccupé par l'appât du gain. Pourtant, elle ne sait pas vraiment ce qui l'a conduite à ce geste malheureux, elle n'a que des suppositions. Ce qui est certain est que le silence de Bernard lui coûte très cher puisqu'il l'enferme dans leur chambre, la privant ainsi de tout contact avec l'extérieur. Thérèse va se laisser dépérir, jour après jour, à tel point que Bernard ne sait plus quoi faire d'elle.

Mon avis.

Je vous en ai délibérément beaucoup dit dans ce petit résumé. Ce n'est pas très grave car on ne lit pas Thérèse Desqueyroux pour l'histoire en elle-même mais parce qu'on a envie de partir à la découverte de ce personnage atypique mais ô combien intéressant.

Ce livre est mon tout premier roman de Mauriac. Pourtant, difficile de passer à côté de ce Prix Nobel de littérature, locataire de l'Académie Française et reconnu pour ses explorations dans l'âme humaine. Il y a cinq ans, j'ai rencontré cette fameuse Thérèse dans les salles obscures. J'étais tombée sous le charme de cette femme au caractère bien trempé et à la souffrance qui prend aux tripes. Lorsque je suis tombée sur le récit original de cette histoire qui peut paraître folle dans une boîte à livres d'un parc bordelais (Mauriac est originaire de Bordeaux), je n'ai pas hésité trois secondes et je me suis laissée emporter par l'écriture mauriacienne.

Il m'a quand même fallu du temps pour apprivoiser sa plume. Je me suis d'abord sentie égarée par des tournures de phrases qui en disaient trop sans en dire assez, des descriptions à la fois poétiques et troublantes, du vocabulaire aussi précis que compliqué. J'étais finalement ravie de connaître le cœur de l'histoire car je pense que je n'aurais vraiment rien compris sinon. L'empoisonnement n'est en effet quasiment pas décrit et on ne comprend pas de suite pourquoi Thérèse a été conduite au tribunal. Le temps est aussi distordu: quelques chapitres sont consacrés au présent et aux conséquences de ses actes, en fin et début du roman mais ce qui constitue la majeure partie du livre est le passé de la jeune femme, une longue introspection qui amène peu à peu le lecteur au dénouement. En parallèle de ma lecture, je suis allée sur quelques sites pour lire des résumés et des critiques, j'ai également écouté des émissions de radio consacrées à l'oeuvre mauriacienne. J'avais peur de passer à côté d'un mot, d'une action qui auraient pu fausser mon envie d'entrer dans l'histoire de Thérèse. Ces recherches m'ont bien aidée et m'ont permises, à moitié livre, d'apprécier toute la splendeur de ce petit roman.

A première vue, on peut être tenté de condamner sévèrement la conduite de Thérèse, à raison d'ailleurs. Et puis au fil des pages on en vient à éprouver de la sympathie pour la tortionnaire et une vive antipathie pour la victime. Le lecteur a uniquement accès au point de vue de Thérèse, largement décrit. On décèle en elle une personne très intelligente qui s'ennuie à en faire mourir les autres. Elle se sent comme prisonnière d'une cage dorée, elle dont le destin a été tracé dès sa naissance, de part les intérêts que son père avait à nouer avec la famille de son époux. Cet ennui conduit à la haine et la jalousie, déjà jeune fille lorsque sa grande amie et demie sœur de Bernard, Anne, avait trouvé le grand amour aux côtés d'un homme plutôt frivole. Thérèse ne l'a jamais supporté, elle qui n'a jamais connu l'amour vrai. On côtoie aussi cette dureté dans la relation à sa fille qu'elle n'a pas désirée et qui est peu présente dans ses réflexions. On voit bien à quel point toute cette sensibilité et cette intelligence réprimées par la norme ont conduit à faire d'elle une femme perdue, venimeuse et tourmentée par des questions auxquelles elle ne trouve pas de réponse.

J'ai beaucoup pensé pendant ma lecture à Madame Bovary. Flaubert et Mauriac avaient en commun d'avoir choisi leurs héroïnes un peu comme objets d'expiation. Mauriac a déclaré lors d'un célèbre interview qu'il aurait très certainement fini comme Thérèse Desqueyroux s'il ne s'était pas autant épanoui dans sa vie. La littérature et la reconnaissance lui ont permis de mettre des mots, au travers de ses personnages (principalement féminins), sur ce besoin d'utiliser sa sensibilité et son intelligence pour ne pas se retrouver à son tour enfermé dans une cage. C'est d'ailleurs intéressant de voir qu'il choisit à chaque fois des personnages qui sont en contradiction avec ses valeurs: lui est pieux alors que Thérèse est agnostique, il cherche à tout prix à éviter le pêché alors que Thérèse y plonge la tête la première.

Voilà une chronique assez longue mais il y a vraiment beaucoup à dire sur ce petit roman. Je vous encourage vraiment à aller le lire et je vous conseille de ne pas vous laisser désarçonné par les premières pages.

D'un coup d’œil, les plus, les moins.

+ La profondeur du personnage de Thérèse Desqueyroux.
+ Le renversement de situation: on en vient à aimer le coupable et à détester la victime.
+ En creux, la double analyse qu'on peut faire de la société de l'époque (et notamment du rôle de la femme)  mais aussi de la vie de Mauriac.

- La complexité de la plume de Mauriac qui nous perd parfois.

Dernières infos.

Thérèse Desqueyroux a été publié en 1927 et compte 148 pages. Le roman a été adapté au cinéma à deux reprises, en 1962 par Georges Franju et en 2012 par Claude Miller, mettant en scène Audrey Tautou et Gilles Lelouche.

François Mauriac est également l'auteur de Génétrix et du Nœud de Vipères, parmi ses plus connus.

Si vous souhaitez en savoir plus sur l'écrivain, je vous conseille d'aller faire un tour ici (2000 ans d'histoire sur France Inter) et ici (une série d'émissions lui ont été consacrées sur France Culture).

Ma note.
Challenges.

Cette lecture me permet d'avancer dans ces challenges:
Défi lecture 2017 - Consigne 13: Un livre d'un auteur de sa région. (27/80)

samedi 19 août 2017

Poil de carotte - Jules Renard

En résumé.

Poil de carotte a les cheveux si roux qu'on les pense rouge, il marche bizarrement et il a des réflexions qui débordent du cadre. Cela fait de lui l'enfant raté d'une famille qui se donne des airs bourgeois. Sa mère, une femme extrêmement antipathique, le rejette et profite de n'importe quelle occasion pour l'humilier. Son père brille par son absence. Grand frère Félix et Sœur Ernestine, plutôt que de protéger leur vilain petit canard, marchent dans le sillon de leur mère et ont choisi de faire de Poil de carotte un cobaye pour leurs expériences mal intentionnées. Alors le petit garçon va se construire comme il peut et on voit bien les dégâts que peuvent causer le manque d'amour et de tendresse des parents envers leur enfant.

Mon avis.

J'avais beaucoup aimé l'adaptation télévisée de Poil de Carotte par Richard Bohringer mettant en scène Fanny Cottençon dans le rôle de la mère Lepic et Antoine NGuyen dans le rôle de Poil de carotte. Ce film m'avait émue aux larmes tellement il est simple dans sa cruauté. Quand je suis tombée sur le célèbre classique dans une boîte à livres d'un parc de ma ville, j'ai eu envie de découvrir la version initiale de cette histoire. J'en ressors avec un sentiment plutôt mitigé et surtout pas à la hauteur du téléfilm.

Pour commencer, j'ai été surprise par l'articulation du livre. Celui-ci se découpe en très brefs chapitres qui sont en fait des tableaux de la vie du petit garçon, comme si Jules Renard avait choisi quelques extraits des railleries dont Poil de carotte était victime et nous les avait présentés, à la façon d'une salle d'exposition d'un musée de l'injustice. L'histoire n'a donc pas de fil rouge, et le tout paraît un peu décousu. D'ailleurs, on ne se sait quasiment rien des protagonistes. A chaque fois, une anecdote est choisie, et on a en quelque sorte une morale de l'histoire dans les dernières lignes. On sait que cette histoire naît dans les propres souvenirs de l'auteur. Peut-être a-t-il choisi certains faits particulièrement marquants pour les partager avec le lecteur via le personnage de Poil de carotte.

Ensuite, le livre est censée s'adresser à la jeunesse car il met en scène un petit garçon qui a des activités de petit garçon. Néanmoins, je reste très sceptique et c'est certain que je ne le ferais pas lire à mes enfants. Certes, l'histoire peut être servie à un jeune public, encore faut-il qu'elle soit accompagnée d'explications. J'ai été marquée par toute la violence qui se dégage de ces quelques pages. D'abord et bien sûr la violence affective et psychologique dont Poil de carotte est victime: on se moque de lui, on l'humilie, on ne l'aime pas, on le néglige et on le bat, juste parce qu'il ne présente pas comme les autres. On peut aller plus loin en parlant de violence physique mais cette fois-ci à l'encontre des animaux présents autour du jeune garçon. Ce dernier les tue et les réduit en bouillie (je pense notamment au tableau du chat), comme s'il transférait son déficit d'affection dans l'acharnement contre des bêtes inférieures à lui. Il se maltraite aussi puisqu'il veut se suicider, pour enfin échapper au courroux maternel. Toujours un classique jeunesse ? Alors que je referme le livre, je n'ai toujours pas trouvé les réponses aux questions que je me pose en ce qui concerne le tableau "Les joues rouges" où il est question de maître d'étude (Violone) qui embrasse sur le front un jeune interne alors que les autres sont censés être endormis. J'ai eu beau cherché sur Internet, je n'ai pas trouvé d'autres personnes qui euent été choqué par de tels agissements que je ne trouve pas si innocents que ça. Mais peut-être que cela relève d'une incompréhension de ma part... Toujours un classique jeunesse ? Au terme de ma lecture, j'en doute fort, à moins d'adapter le texte initial en texte jeunesse un peu plus léger.

Finalement, je ne sais pas trop si je me suis attachée au personnage de Poil de carotte. Évidemment, j'ai été touchée par toute l'injustice et toute la cruauté qui se dégagent du livre. Cependant, je n'ai pas réussi à me ranger du côté de Poil de carotte, peut-être parce qu'il m'a justement manqué de l'affect, ne serait-ce que de la part de l'auteur, qui aurait pu être distillé tout au long d'une histoire suivie. En fait, on se rend bien compte que Poil de carotte est sans arrêt rabaissé mais on n'a jamais accès à ses ressentis profonds, sauf dans les derniers chapitres au cours desquels il ose enfin se rebeller et verbaliser toute la haine qu'il éprouve contre sa mère. A ce moment-là, j'ai éprouvé de la peine.

D'un coup d’œil, les plus, les moins.

+ Intéressant de connaître le texte initial qui a donné vie à ce personnage célèbre.
+ L'injustice du comportement de la famille Lepic à l'égard de leur petit dernier est dénoncée avec force.

- Toute la violence qui se dégage du récit n'est pas adaptée à un jeune public.
- L'articulation des chapitres fait de l'histoire quelque chose de morcelé (à l'image de Poil de carotte) et bride l'émotion qu'on peut ressentir à la lecture de ce classique.

Dernière infos.

Poil de carotte a été publié en 1894 et compte 157 pages. Il a fait l'objet de nombreuses adaptations cinématographiques, télévisées ou animées.

Ma note.
Challenges.

Cette lecture me permet d'avancer dans ces challenges: