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dimanche 2 mai 2021

De l'eau pour les éléphants - Sara Gruen

En résumé.

Jacob Jankowski a quatre-vingt-dix ans, ou quatre-vingt-treize, ça fait longtemps qu'il a arrêté de compter. Pensionnaire dans une maison de retraite, son quotidien se trouve être chamboulé par l'arrivée d'un cirque itinérant qui s'installe juste en face du foyer. Cet événement qui apporte joie et effervescence à ses congénères plonge Jacob dans ses souvenirs, le ramenant des années en arrière, quand il a lui même intégré la troupe des frères Benzini. A l'époque, début des années 30, il terminait ses études vétérinaires. Il ne lui restait plus qu'un examen à passer pour ensuite rejoindre le cabinet de son père, lui-même vétérinaire. Seulement quelques jours avant la dernière ligne droite, ses parents sont tués dans un accident de voiture. Jacob devient sans le sou. Désemparé, paralysé par le chagrin et la peur devant sa copie à remplir, il décide de s'enfuir, montant sur un coup de tête dans le train qui passait près du campus. Un train par comme les autres puisqu'ils embarque artistes de cirque et ouvriers vers une nouvelle ville où installer le chapiteau et donner quelques représentations. Jacob se fait embaucher en tant que vétérinaire, mais déchante vite. La cruauté de la direction envers les animaux mais aussi les hommes, l'appât du gain, les conditions de vie le bouleversent. Heureusement que la jolie Marlène, la seule à pouvoir apprivoiser les chevaux sauvages, est là pour adoucir ses peines et l'aider à trouver une place.

Mon avis.

Voici un livre que j'avais repéré il y a quelques temps déjà, mais dans lequel je viens seulement de me plonger, alors que le Canada, nationalité de l'auteur, est à l'honneur ce mois-ci dans mon challenge En 2021, je voyage... Une lecture qui m'a faite voyager dans le temps et dans l'espace, à la découverte de ce qu'était le cirque aux États-Unis en pleine crise économique suite au krach de 29 et à l'époque de la prohibition.

J'ai d'abord été sensible au projet de l'auteur. Après avoir dégoté des photos de cirques itinérants datant de cette époque, Sara GRUEN s'est beaucoup documentée pour en savoir un peu plus sur les conditions de vie et de travail des hommes et des bêtes qui prenaient part à cette folle aventure. Ce n'est qu'après avoir amassé une somme conséquente d'informations qu'elle s'est lancée dans l'écriture de ce livre. Celui-ci s'est donc trouvé enrichi par cette démarche qui lui a permise d'intégrer à son récit fictionnel des anecdotes réelles, rendant l'ensemble conforme à ce qu'était la vie des cirques à cette époque. Cela se ressent clairement tout au long du récit. Aidée par les photos présentes à chaque fin de chapitre, je me suis complètement immergée dans les souvenirs de Jacob, j'ai encore les images qui apparaissent devant mes yeux, ces trains bondés, les paillettes des artistes alors que les ouvriers vivaient dans la misère, devant bien souvent renoncer à leur paie pour amortir de mauvaises tractations engagées par la direction, le sourire des spectateurs alors que ce qui se passait en coulisses était bien plus sombre, les grandes tablées, la présence de ces animaux exotiques et la prestance des chapiteaux contrastant avec la pauvreté des hommes qui les montaient à la force de leurs bras. Cette vie décousue, parfois dangereuse mais libre, s'oppose à la vie de Jacob désormais enfermé dans cette maison de retraite aux règles liberticides. Les chapitres alternent, opposant passé et présent, on se demande même si un même homme a pu vivre de tels extrêmes au cours d'une seule vie. La nostalgie de Jacob nous émeut, son envie d'être autonome face aux recommandations des médecins qui l'infantilisent nous révoltent, lui qui a tant fait, et qui a été témoin de tellement de choses. Être confiné dans un lieu si protecteur, après avoir été exposé pendant des années à la dureté de la vie dans un cirque.

Si j'ai apprécié ma lecture, c'est davantage pour son aspect documentaire que pour la relation Jacob/Marlène qui occupe également beaucoup de place dans le récit. J'ai trouvé que cette relation n'était pas assez développée et approfondie. C'est une évidence dès les premiers chapitres que ces deux-là finiront ensemble. L'auteur devait tellement en être convaincue qu'elle n'a pas pris le temps de laisser progresser cette relation, on passe presque d'un rapide coup d’œil à l'amour fou. Le mari de Marlène et accessoirement le patron de Jacob, a un côté assez caricatural, le méchant face auquel il est facile de paraître plus humain, plus doux, plus sensible. Il ne s'agissait pas de le dépasser, il s'agissait juste de se débarrasser de lui. Ainsi il n'a pas été compliqué pour Jacob de passer pour l'amant idéal aux yeux de Marlène face à son rival antipathique. Je suis également restée un peu sur ma faim sur la place des éléphants dans l'intrigue. Ils sont annoncés dans le titre et dans la quatrième de couverture présentant Rosie, l'éléphante, comme le troisième personnage clé, aux côtés de Marlène et Jacob. Finalement, Rosie n'est pas du tout omniprésente dans le récit, elle a juste un rôle clé dans le dénouement. D'autres personnages secondaires sont bien plus développés comme le nain Walter ou encore le vieux Camel, à juste titre car ils apportent vraiment un truc en plus à l'histoire.

En somme, une lecture agréable, que j'ai dévorée, les pages se tournent très vite tant le style d'écriture est simple et fluide. Je retiendrais principalement la découverte de l'univers du cirque aux États-Unis dans les années 30 ainsi que ces personnages qui ont fait le bonheur de milliers de spectateurs, plus que l'histoire d'amour entre Marlène et Jacob. Vraiment je vous le conseille !
 
Dernières infos.

De l'eau pour les éléphants a été publié en 2007 pour la version française et compte 402 pages. Le roman a été adapté à l'écran en 2011 par Francis LAWRENCE. Il met en scène Reese WHITHERSPOON et Robert PATTINSON.

Ma note.
Challenges.
 
* Défi lecture 2021 : Consigne 36 - Un livre contenant un nombre de chapitres inférieur à votre âge - 16/100
En 2021... Je voyage : Canada (+ 25 points)

samedi 24 avril 2021

L'Iliade - Homère

En résumé.

Dix ans... Dix ans que les flottes grecques, menées par le belliqueux Agamemnon, campent sur le rivage de l'imprenable ville de Troie. Dix ans que des hommes meurent, nuit et jour, soit pour conquérir la ville de Priam, soit pour se protéger des assauts des Achéens. Dix ans que Ménélas, frère d'Agamemnon espère récupérer la ravissante Hélène, sa femme, volée par le prince troyen Pâris. Dix ans que les dieux de l'Olympe veillent sur les mortels, chacun ayant choisi son camp au prix de nombreuses querelles. Seulement, en quelques jours, les choses se précipitent, enfin. Une peste s'abat sur les Grecs, c'est l'hécatombe. La raison est toute simple : Agamemnon a volé Chriséis, la fille du prêtre d'Apollon, et malgré les offrandes, le vieil homme refuse de la lui rendre. Apollon, fou de rage, tue sans relâche les Grecs. Afin de cesser ces pertes colossales, Agamemnon accepte de se débarrasser de Chriséis, à condition qu'Achille lui livre Briséis, son propre trophée de guerre. Achille, un des héros de la guerre de Troie, finit par accepter, uniquement pour cesser l’hémorragie dans le camp grec, mais c'est décidé, lui et ses Myrmidons, des guerriers redoutables, décident d'abandonner le combat pour faire payer à Agamemnon son orgueil démesuré. Achille sera rejoint par Thétis, sa mère, qui part demander à Zeus de faire fléchir les Grecs afin de venger son fils. C'est le début d'affrontements d'une cruauté sans commune mesure, attisés par les dieux qui défendent chacun leur camp. Une guerre principalement menée par les héros grecs Ajax, Diomède et Ulysse face aux héros troyens Hector et Énée. Une guerre qui sera finalement gagnée non pas par la force mais par la ruse.

Mon avis.

Ayant découvert et beaucoup aimé l'Odyssée au lycée, j'ai toujours eu envie de me plonger dans l'Iliade mais il faut bien le dire, ce n'est pas un livre qui se lit à la va-vite, le soir avant d'aller se coucher. Alors j'ai repoussé, repoussé jusqu'à enfin trouver le courage de m'y mettre en ce mois d'Avril. Ce qui m'a aussi motivé, c'est un nouveau projet d'article sur le blog que j'espère bientôt pouvoir mener à bien.

Il est difficile d'écrire une chronique sur cet incontournable de la littérature classique. Tellement de choses ont été dites à son sujet, tellement de reprises ont été faites, que ce soit au cinéma, dans l'univers du livre (B.D, contes) ou encore pour des séries télévisées. Ce sont d'ailleurs sur ces dérivés de l'Iliade que je me suis appuyée pour entamer ma lecture car j'avais très peur que les faits racontés par Homère soient inaccessibles. J'ai donc mené deux lectures en parallèle : celle de la version originale et celle d'un conte pour la jeunesse, écrit par Gilian CROSS et illustré par Neil PARKER. Cette seconde lecture m'a permis d'avoir les grandes lignes, et de faire du tri dans ce qu'il était important de retenir pour la suite de l'histoire. J'ai également visionné durant ma lecture la série Les grands mythes proposée par Arte qui retrace également l'histoire de la guerre de Troie. Ainsi, j'ai pu avoir accès au contexte général, et à tout ce qui n'est pas dit dans le texte original mais qui explique pourtant tant de véhémence sur les plages troyennes. Je reviendrai sur ces sources, et bien d'autres, dans un futur article que j'espère bientôt pouvoir rédiger. Ce fut donc une lecture très riche, nourrie par des apports extérieurs qui, j'en suis certaine, m'ont aidée à apprécier à sa juste valeur le récit de cette guerre légendaire et mystérieuse.

Je pense qu'il est important d'avoir connaissance d'éléments de contexte avant de se plonger dans l'Iliade, car Homère attaque dans le dur. Il n'évoque rien des origines de la guerre de Troie, il entame directement son récit par la querelle qui oppose Agamemnon à Achille. De même, la fin nous laisse un peu sur notre faim (sans mauvais jeu de mots) car il n'évoque rien du fameux cheval, ruse d'Ulysse, pour mettre le feu à la ville de Troie et ainsi signer l'arrêt de la guerre. Dans le même temps, certains passages peuvent rebuter de par leur longueur, pour des faits qui ne sont finalement pas si importants et la quantité de personnages présentés peut nous faire perdre la tête, surtout que l'auteur peut désigner une même entité par des vocables différents. C'est donc une lecture qui demande une grande concentration pour suivre tous les tenants et les aboutissants, se souvenir des membres de chaque camp et ne pas perdre le fil des décisions de Zeus qui varient au grès du charme des déesses qui viennent lui demander des faveurs.

Malgré ces bémols qui ont été facilement gommés par les informations contenus dans les autres supports que j'ai utilisés, j'ai vraiment beaucoup apprécié ma lecture de l'Iliade. J'ai aimé le côté épique, malgré la cruauté et la violence décrites, je me suis complètement sentie spectatrice de cette bataille. Je vois encore cette plage emplie de corps défaits, transpercés, ces odeurs nauséabondes, ces navires par centaines, majestueux, qui se tiennent droit sur des eaux troubles, face à la majestueuse Troie, ses ruelles, les vêtements somptueux de la reine Hécube et la beauté d'Hélène, j'entends le bruits des lances qui fouettent le vent, le cliquetis de l'acier, les cris de tous ces hommes qui se battent sans relâche. Et puis le merveilleux des dieux de l'Olympe, leur charisme qui brille, le goût de l'ambroisie et des animaux que l'on sacrifie pour s'attirer la bienveillance des immortels. Pour moi, l'Iliade, c'est ça, un ensemble de sensations qui nous font voyager dans le temps et dans l'espace. Ce n'est pas seulement une bataille sanglante, c'est aussi l'incarnation des travers humains. Un condensé d'humanité, pour le meilleur et pour le pire, l'orgueil, la jalousie, le désir de posséder, de conquérir, de s’accaparer ce qui appartient à l'autre, la démonstration de sa puissance et de sa force et l'envie de dominer, mais aussi l'amitié, l'amour filial, conjugal et le souhait d'honorer ses morts. A ce jeu-là, les immortels ne valent pas mieux que les mortels. J'ai trouvé leurs batailles d'égo assez amusantes, ils gouvernent les mortels mais ils sont restés de vrais enfants ! L'Iliade a deux niveaux d'interprétation : c'est une guerre entre mortels, mais c'est une guerre aussi entre dieux, leur fraternité n'ayant jamais été autant mise à rude épreuve. Au fil de ma lecture, je me suis aussi attachée aux héros et j'avais choisi mon camp (les Troyens). Même si on connaît l'issue de la guerre, c'est difficile de rester neutre, on est forcément poussés à prendre partie. En revanche, ce n'est pas une surprise, mais il ne faut trop en demander quant à la condition des femmes... Trophées de guerre, veuves éplorées, tentatrices, charmeuses, pleureuses... L'Iliade est véritablement une histoire de bonhommes, même si la guerre de Troie a éclaté à cause de la beauté d'une femme.

Jamais chronique n'aura été aussi longue ! C'est qu'il est compliqué de résumer cette œuvre incontournable au sujet d'une guerre qui n'a peut-être jamais existé ou du moins pas comme Homère le relate. Malgré le côté dense et aride de la chose, j'ai vraiment apprécié ma lecture. Je l'ai vécue comme un véritable roman d'aventures, aux scènes dignes des plus grands péplums. Je vous conseille de vous plonger un jour dans ce classique, avec à côté un ou deux autres supports de vulgarisation qui vous aideront très certainement à mieux comprendre et mieux apprécier cette lecture qui peut paraître décourageante de prime abord. N'oublions pas qu'elle est issue d'une tradition orale et qu'elle était initialement chantée, et non faite pour être écrite.

Dernières infos.

L'Iliade compte 552 pages (texte original, sans les notes et d'éventuels dossiers explicatifs selon les éditions) et aurait été conçue entre 850 et 750 avant J.C puis mise à l'écrit au VIème siècle.

Ma note.
Challenges.

* Défi lecture 2021 : Consigne 65 - Un livre d'un auteur de l'Antiquité - 15/100
En 2021... Je voyage : Grèce (+ 20 points)

dimanche 4 avril 2021

Les larmes noires sur la terre - Sandrine Collette

En résumé.

Il aura fallu un enchaînement de tristes hasards pour précipiter Moe dans le désespoir le plus profond. La rencontre avec cet homme qui l'encourage à quitter son île, Tahiti, pour échouer en banlieue parisienne. La violence et les reproches, les petits boulots éreintants qui ne lui permettent même pas d'être autonome financièrement, une nuit d'infidélité au cours de laquelle son enfant sera conçu. Puis la fuite du domicile, pour échapper à la violence, quelques jours passés chez cette femme qui la rejette à son tour. Tout ça pour échouer dans cette ville misérable, La Casse, un amoncellement de voitures pourries devenues maisons pour ceux qui n'ont plus un sous, ceux qui sont seuls, ceux pour qui le mot "avenir" ne fait plus parti de leur langage. Des véhicules-taudis à perte de vue, la drogue, la prostitution, le travail aux champs payé quelques centimes. C'est dans cet environnement que Moe élèvera son enfant, bien trop triste pour lâcher quelques larmes. Heureusement, quelques rayons de soleil, les yeux de ses voisines, Marie-Thé, Poule, Jaja, Ada la vieille et Nini-peau-de-chien. Des femmes aussi désœuvrées que Moe mais dont l'humanité est toujours intacte. Ensemble, elles font la promesse de se serrer les coudes, pour le meilleur et pour le pire.

Mon avis.

Un livre que j'ai découvert en parcourant la bibliothèque d'une amie aux goûts très sûrs. Aimant les histoires un peu déviantes et aux ambiances sordides, je me suis précipitée dessus, certaine qu'il remporterait mon adhésion. J'ai eu la chance que la médiathèque l'ait dans ses rayonnages. Aussitôt repéré, aussitôt emprunté, aussitôt dévoré.

Il faut avoir le cœur solide pour affronter cette lecture éprouvante. On ressort de là lessivé, broyé, déshumanisé, heurté par le comportement effroyable des hommes. Une ambiance glauque et très sombre pèse sur l'ensemble du roman, un sentiment d'oppression nous saisit à chaque page tournée, on se demande quand cela va s'arrêter, et pourtant ça monte crescendo. L'écriture de Sandrine COLLETTE est incisive, précise, pas de superflu, pas de mot pour heurter directement la sensibilité, mais plutôt de l'implicite, une atmosphère noire et démoralisante qui s'installe progressivement, le déballage de cet ensemble de hasards qui ont conduit à la pauvreté la plus extrême, tout ça tellement réel. On ne sait quasiment rien du passé de Moe, comme si celui-ci était trop heureux pour avoir sa place ici, comme si la jeune femme était désormais tellement prise dans une spirale aliénante que ce qu'elle est au fond ne compte plus. Évanouis les cocotiers, les mers turquoises et les plages de sable blanc, la réalité contraste durement avec ces images pleine de couleurs et de chaleur.

L'essentiel du récit porte sur le quotidien de Moe dans son quartier de La Casse et ses tentatives pour fuir cet univers hors du temps. Un univers entièrement fabriqué par l'auteur, mais dont le réalisme nous effraie, et si ce décor horrifiant prenait place dans quelques années ? Je me suis d'ailleurs renseignée au début de ma lecture pour savoir si tout ça n'était déjà pas une réalité. Le symbole d'une société à bout de souffle dont on commence déjà à voir les contours. L'humain réduit à ses plus vils instincts, des animaux presque, prêts à tout pour survivre dans ce contexte si aliénant et déshumanisant. La présence des autres femmes vient apporter quelques touches de lumière à cette histoire sordide. Mais cela est de courte durée, car on voit à quel point elles ont également été marquées par la vie et plongées elles aussi dans un désespoir qui ne connaît pas de limite. En fait, la luminosité vient de leurs valeurs, auxquelles elles s'accrochent alors que tout pourrait les dévier de la morale. Un message d'espoir, même dans les pires configurations, la solidarité et l'entraide, voire l'amitié perdurent chez certaines personnes. Un mot enfin sur l'enfant, ce bébé que Moe tardera à nommer tant elle essaie de le mettre à distance de toute cette misère, comme si le traiter en objet lui permettrait de ne pas voir tout ça, et lui garantirait un avenir meilleur. Là aussi, l’attitude de Moe vis-à-vis de l'enfant injecte une part de sordide à l'intrigue, l'amour mère-fils étant mis à rude épreuve, il s'agit déjà de survivre avant de parler d'amour.

Une lecture qui n'est pas anodine, dans laquelle on doit se plonger avec prudence car elle peut heurter. Heureusement que j'ai pu l'entrecouper par des journées de travail pour penser à autre chose car son côté très sombre peut vite nous atteindre. Une fois le livre refermé, j'ai eu une grande envie d'une histoire légère, même niaise pour atténuer l'émotion douloureuse des Larmes noires sur la terre.
Dernières infos.

Les larmes noires sur la terre a été publié en 2017 et compte 336 pages.

Ma note.
Challenges.

* Défi lecture 2021 : Consigne 55 - Un livre dont le titre contient une expression grammaticale de localisation (sur) - 11/100
En 2021... Je voyage : France (+ 10 points)

dimanche 21 mars 2021

Ce que le jour doit à la nuit - Yasmina Khadra

En résumé.

Dans les années 1930, en Algérie, Younes et sa famille sont contraints de quitter leurs terres agricoles après un ultime incendie. Sans le sous, ils débarquent dans les faubourgs d'Oran, logés dans un taudis, au milieu d'une pauvreté sans nom. Le père du jeune garçon s'acharne nuit et jour à trouver du travail pour nourrir sa famille mais bientôt cela ne suffit plus. L'oncle, pharmacien, propose d'adopter Younès pour lui offrir un avenir meilleur. Younès sera désormais Jonas, et il grandira auprès de son oncle et de sa tante, au train de vie plus que confortable. Après un incident, la famille recomposée quitte à son tour Oran pour rejoindre Rio Salado, un village principalement habité par des colons venus d'Espagne et renommé pour son activité viticole. C'est là que Jonas passera sa vie, nouera une amitié forte avec Simon, Jean-Christophe et Fabrice, rencontrera les beaux yeux d'Emilie, pour finir par se laisser surprendre par une guerre atroce qui bouleversera tous ses repères.

Mon avis.

Voilà une lecture entamée un peu par hasard, alors que je cherchais de nouveaux auteurs étrangers pour mon challenge "En 2021... Je voyage". Si j'avais déjà beaucoup entendu parlé de Yasmina KHADRA, je n'avais encore jamais lu un de ses ouvrages. Après quelques explorations, j'ai pensé que Ce que le jour doit à la nuit serait celui qui me tenterait le plus, parmi sa bibliographie étendue. Je ne me suis pas trompée, ce fut une lecture riche et chargée en émotions.

C'est bien le personnage de Younès, devenu Jonas, qui nous accompagne durant la totalité du récit - un récit narré à la première personne et qui retrace toute une vie, depuis les premières tragédies jusqu'aux regrets qui accompagnent ce jeune homme devenu grand-père. Une vaste fresque qui se lit pourtant facilement. La longueur idéale, un peu plus de quatre cent pages, certaines époques sont balayées assez rapidement alors que les événements principaux sont analysés avec plus de détails. La plume de Yasmina KHADRA est précise, travaillée, et sert à merveille ce personnage si complexe qu'est Younès. Le décor est planté avec efficacité, un cocktail de sensations me saisissent désormais quand je pense à ce livre : la puanteur des faubourgs d'Oran, la chaleur qui écrase ces terres d'Algérie, la maison de Younès, que j'imagine avec beaucoup de verdure, et sa vue sur les vignes, la musique qui résonne dans les bals pour célébrer les vendanges, la maison des Cazenave, blanche, majestueuse, avec vue sur les collines desséchées. Il y a l'émotion aussi qui me saisit, celle d'avoir eu le sentiment de partager cette vie faite d'un enchaînement de tragédies.

Même si la guerre d'Algérie arrive en toile de fond dans les derniers chapitres, Ce que le jour doit à la nuit est avant tout le récit d'une existence, marquée par les malheurs, plus que par le bonheur. Il ne faut pas y voir un plaidoyer pour tel ou tel camp, juste l'histoire d'un jeune homme, né algérien mais élevé à la française, un jeune homme qui a toujours eu du mal à se positionner, que ce soit pour se définir une identité comme pour dire oui à la femme de sa vie. Par lâcheté peut-être, pas peur de trahir, parce qu'on ne lui a jamais demandé de choisir dans ses premières années, parce qu'il a de nombreuses fois subi le déracinement... Il est difficile de porter un jugement sur l'attitude de Younès tant sa position est compliquée à tenir. J'ai surtout été émue par cette vie qui a été faite d'actes manqués, les espoirs déçus et les regrets qui hantent à l'approche de la fin. Ces personnes que l'on croise, que l'on aime puis qu'on laisse partir, avec une douleur tellement vive qu'elle empêche des retrouvailles ultérieures. C'est un des travers de la vie qui m'obsède et j'ai trouvé un écho à tous mes questionnements dans les réflexions de Younès. Ainsi, j'ai vécu ce livre plus comme une découverte de différents personnages aussi complexes les uns que les autres que comme un récit sur la guerre d'Algérie et la difficulté à choisir un camp, même si ce thème est bien évidemment abordé par l'auteur. Pour moi qui n'avais jamais lu à ce sujet, je trouve que c'est d'ailleurs une bonne entrée en matière, pas trop de date, ni de politique, juste la petite histoire encore une fois, le chagrin vécu dans les deux camps, ceux qui ont été opprimés et qui ont pris les armes, et ceux qui ont été contraints de s'exiler alors qu'ils considéraient l'Algérie comme leur terre natale, n'ayant jamais foulé le sol français auparavant. Il n'y a pas de parti pris dans cette histoire, juste des hommes, des faits et des choix à faire ou à ne pas faire.

Une première rencontre avec Yasmina KHADRA réussie et prometteuse. L'histoire de Younès démontre une justesse dans les réflexions, l'émotion qui m'a saisie en fin de livre m'a laissée dans un état de mélancolie puissant. Si jamais vous ne connaissez pas cet auteur, je vous conseille de commencer par ce livre. Et si jamais vous avez déjà lu un livre de l'auteur, je vous conseille quand même de vous plonger dans celui-là ! 
Dernières infos.

Ce que le jour doit à la nuit a été publié en 2008 et compte 413 pages. Il a été adaptée en film en 2012 par Alexandre ARCADY.

Ma note.
Challenges.

* Défi lecture 2021 : Consigne 94 - Un livre dont le titre contient un moment de la journée (aube, matin, matinée, après-midi, soir, crépuscule, nuit...) - 9/100
En 2021... Je voyage : Algérie (+ 20 points)

samedi 2 janvier 2021

Chanson douce - Leïla Slimani

En résumé. 
 
Myriam ne supporte plus de s'occuper de ces deux enfants qu'elle a mis au monde. Le linge, les papouilles, les traces de compotes et de purée à la carotte, les cris, les caprices, les couches, elle a envie de tout arrêter, les petites bouilles de Mila et Adam ne lui suffisent plus pour dépasser les désagréments de la maternité. Elle rêve de reprendre sa carrière d'avocate, de briller en société, de fouler le pavé perchée sur ses talons aiguilles, de rire au côté de son mari musicien, une coupe de champagne à la main. La décision a été dure à prendre mais le couple finit par se mettre d'accord pour embaucher une nounou. Face aux femmes sans papier qui se succèdent dans l'appartement parisien pour tenter leur chance, Louise, femme mûre, toute en finesse et en élégance retient leur attention avec ses manières de bourgeoise ratée. Un choix qu'ils ne regretteront pas. Cette femme à tout faire, aussi douce avec les enfants que douée en cuisine s’immisce progressivement dans la vie du couple, leur devient indispensable, nourrit leurs ambitions en même temps qu'elle nourrit les siennes. Des projections sur la vie de l'autre qui finissent par un drame, la mort des deux enfants.
 
Mon avis.
 
Impossible de passer à côté de ce roman dont on a entendu beaucoup parler puisqu'il a permis à son auteur, Leïla SLIMANI, de remporter le prix Goncourt en 2016. J'ai mis du temps à me le procurer, mais j'ai finalement cédé lors d'un passage chez un bouquiniste, poussée par une fièvre acheteuse post premier confinement, en prévision du second. Je ne regrette pas mon achat, de seconde main qui plus est, mais qui restera longtemps sur les étagères de ma bibliothèque tant je suis sûre de le relire plusieurs fois.

Un roman d'une taille tout à fait raisonnable dont les premières pages ne peuvent que saisir le lecteur. "Le bébé est mort", et l'autre va succomber. Autant dire que je ne m'attendais pas à un départ aussi cruel, il aura le mérite de faire planer sur le reste du roman une ambiance pesante, malsaine, d'agonie. Les chapitres, courts, se succèdent, présentant tour à tour les protagonistes de cette histoire abracadabrantesque, Myriam et Paul, un couple de parents pétri d'une ambition tuée dans l’œuf par la naissance de leurs deux angelots, Adam et Mila, les futures victimes qui ne demandaient pourtant que l'affection des ces adultes mal dans leur peau, et celle sur qui tout repose, Louise, une femme aussi douée que déséquilibrée, dont la vie n'aura laissé que des cicatrices qui ne pouvaient la mener qu'au meurtre. Afin de s'immerger le plus possible dans cette atmosphère nauséabonde, je pense qu'il est nécessaire de lire ce roman d'une traite. Contrainte par ma vie quotidienne qui me mène bien trop souvent et bien trop longtemps dans les transports en commun, je pense que j'aurais davantage apprécié ma lecture si elle n'avait pas été aussi interrompue par les annonces de la SNCF, les écouteurs des voyageurs et les arrêts de bus. Quoiqu'il en soit, j'ai complètement été transportée par l'écriture de Leïla SLIMANI et son analyse chirurgicale de ses personnages.

Tout repose là-dessus, les personnages et leurs vices, leurs névroses mal soignées. Les faits décrits sont finalement banals, des jeux d'enfants, des rires après des imitations de cris d'Indiens, des bains, des couchers de soleil sur des îles grecques, une vie de famille. Toutefois, l'auteur nous amène sur d'autres terrains, explore les acteurs de cette vie banale. Le flou qui entoure le personnage de Louise est saisissant, il entretient une forme de suspense qui monte crescendo au fil des pages alors qu'on connaît déjà l'issue. On a envie de comprendre pourquoi et comment tout bascule, la personnalité malade de cette femme nous est progressivement expliquée au fur et à mesure de témoignages sordides. J'ai été subjuguée par le talent de Leïla SLIMANI, cette capacité à écrire si simplement et à décrire des faits de l'ordinaire tout en donnant à l'ensemble une tournure si malsaine. J'ai pu lire à droite à gauche que ce roman serait aussi une histoire de lutte des classes, avec d'un côté un couple bourgeois et d'un autre côté une veuve criblée de dettes et exploitée. Pour être tout à fait honnête, je ne suis pas allée aussi loin dans mon interprétation, j'ai plutôt pris l'histoire au première degré. Je trouve d'ailleurs que cette analyse sociétale n'est pas flagrante, on est plus sur une narration très distancée, une observation sans jugement ni parti pris.

Je vous encourage à ne pas passer à côté de ce livre et à la mettre vite à l'agenda de vos prochaines lectures ! Un style d'écriture incroyablement simple et fluide mais dont le fond est puissant, saisissant par son côté sordide et malsain. On est loin des romans élitistes et trop compliqués pour n'être compris que par une poignée de lecteurs. Un Prix Goncourt mérité et restant accessible pour tous.
Dernières infos.
 
Chanson douce a été publié en 2016 et compte 245 pages. Il a obtenu le Prix Goncourt la même année. Lucie BORTELEAU a porté le livre à l'écran en 2019, mettant en scène Karine VIARD, Leïla BEKHTI et Antoine REINARTZ.

Ma note.
Challenges.
 
Défi lecture 2020 : Consigne 94 - Livre ayant reçu un prix prestigieux (Pulitzer/Goncourt/Nobel) - 49/100

dimanche 1 novembre 2020

Les impatientes - Djaïli Amadou Amal

En résumé.

Ramla, Hindou et Safira sont trois jeunes femmes peules - ethnie que l'on retrouve dans la zone du Sahel et qui court sur plusieurs pays. Nous sommes ici dans le Nord du Cameroun. Ces trois femmes sont réunies par un événement commun, l'événement le plus important d'une vie dans la tradition peul et musulmane, le mariage. Ramla et Hindou s'apprêtent à être unies à deux hommes qu'elles n'ont pas choisis, deux hommes violents et uniquement préoccupés par leur prospérité, autant filiale que financière. Safira, quant à elle, est déjà mariée au mari de Ramla et s'apprête à accueillir sa co-épouse au sein de la concession, ensemble de bâtiments qui accueillent les différentes femmes de l'homme et sa progéniture. Safira non plus n'a pas choisi de partager son mari, la polygamie est un fait courant chez les peul. Ramla, en plus de dire adieu à ses rêves d'émancipation et de subir les assauts d'un mari violent, devra également faire face à l'hostilité de Safira, bien décidée à défendre son territoire. Trois femmes qui devront apprendre la patience, le munyal, principe cher des peul, afin d'accepter l'inacceptable.

Mon avis.

La médiathèque dans laquelle travaille mon choupi a la chance d'être bien fournie en romans de la rentrée littéraire. Après avoir parcourue l'étagère qui les accueille, mon choix s'est arrêté sur ce livre écrit par une auteur camerounaise, peule, musulmane et acquise à la cause des femmes. J'avais envie d'une lecture provenant d'autres horizons, et le côté témoignage (puisque l'auteur a elle-même été mariée à 17 ans) m'a attirée.

Je ne vous cache pas que ce livre fut un quasi-coup de cœur. Sur le plan de la forme déjà, trois voix se succèdent, racontant à la première personne cet événement si particulier qu'est le mariage. Peut-être parce que j'ai eu directement accès aux pensées et aux émotions de ces jeunes femmes, je me suis sentie complètement happée par ces vies douloureuses. Les chapitres sont brefs et le style d'écriture est limpide, allant droit à l'essentiel. Dès les premières lignes, on est projeté aux côtés de ces femmes qui ne sont encore que des filles, on les voit toutes chétives et toutes tremblantes, on les sent complètement angoissées et désorientées face à leur père et au restant de leur famille, on entend les prières, les chants qui les exhortent à faire preuve de munyal, de patience, d'abnégation en fait, sans nommer explicitement ce devant quoi elles devront faire preuve de patience, la volonté inébranlable de leurs hommes. Si ce livre ne fait qu'à peine 240 pages, il aura su m'emporter et je suis certaine que je m'en souviendrai encore dans quelques mois tellement je l'ai lu avec indignation, tournant les pages sans m'arrêter, chaque fois un peu plus atterrée par la barbarie.

Je n'avais encore jamais eu l'occasion de lire sur les peuls, encore moins sur la condition des femmes dans cette ethnie. L'originalité du thème m'a donc séduite, j'apprécie toujours d'être immergée dans un univers complètement différent du mien, qui plus est lorsque le récit s'inspire de faits réels, comme c'est le cas ici. Si le thème principal est la condition féminine, plusieurs sous-thèmes sont abordés : la polygamie, le poids de la religion, la place de l'homme dans la société, tout puissant, la répression des émotions des femmes qui sont uniquement reléguées aux tâches du quotidien et à l'éducation des enfants, l'absence d'école pour les jeunes filles qui peuvent se marier dès l'âge de 11 ans, la question de l'argent et de la richesse en toile de fond, l’apparat, l'absence de révolte, l'acceptation tacite de ce système alors même que beaucoup de femmes semblent en souffrir. Ces femmes sont réduites au silence, traitées en objet, violées, battues, rabaissées et dénigrées. Le pire est qu'elles ne peuvent trouver de réconfort auprès de personne puisque même leurs mères, leurs tantes entretiennent ce système, elles-mêmes terrorisées par leurs propres époux et bien trop occupées à survire au sein de la concession, à faire leur place face à des co-épouses enragées. Le personnage de Hindou va même jusqu'à devenir folle, tellement affaiblie par les coups de son mari et désemparée devant son entourage qui l'exhorte à faire preuve de munyal. Un roman qui présente des faits atroces, mais bien réels malheureusement.

Je pense que ce livre passera inaperçu, face aux best-seller livresques. Pour autant, je vous encourage à ne pas passer à côté. Il se lit vite, il est percutant, il permet aussi de se documenter sur d'autres injustices dont on parle peu, mais qui sont malheureusement toujours d'actualité. A mettre décidément sous le pied du sapin dans quelques mois !
Dernières infos.

Les impatientes a été publié en 2020 et compte 240 pages.

Ma note.

Challenges.

100 livres à lire en 2020 : 41/100
Défi lecture 2020 : Consigne 62 - Lire le dernier livre d'un auteur - 41/100

samedi 27 juin 2020

Les noces barbares - Yann Queffélec

En résumé.

Nicole n'est encore qu'une gamine quand elle se fait violer par un prétendu soldat américain, qui lui promet monts et merveilles. De cette union forcée, naîtra Ludovic. L'Américain parti, Nicole devra élever seule cet enfant non désiré et symbole de cette nuit de honte et de souffrance. D'abord caché dans le grenier de la demeure des parents de Nicole, des boulangers rustres obsédés par le qu'en-dira-t-on, nourri à coup de lance pierre, il va ensuite rejoindre la maison de Micho, brave gars qui s'est entiché de Nicole. Mais les années passent, et le désir de se débarrasser de cet enfant encombrant ne cesse de grandir dans l'esprit de Nicole. Alors elle le fera passer pour fou, jusqu'à le faire admettre dans une institution pour adultes présentant une déficience intellectuelle. Jusqu'à ce que Ludovic parvienne à s'enfuir, obsédé par son désir de retrouver cette mère qui l'a rejeté depuis ses premiers jours.

Mon avis.

Livre que je connaissais de nom, mais que j'ai redécouvert suite à une discussion avec la maman d'une amie qui était en train de le lire et qui en était bouleversée. Depuis cette discussion, je l'avais gardé en tête et j'ai finalement franchi le pas après avoir vu qu'il était disponible dans ma médiathèque.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce livre ne nous laisse pas indifférent. J'ai d'ailleurs mis du temps avant de trouver l'envie de le chroniquer, encore assaillie par ce sentiment de malaise que l'on éprouve à la lecture et qui perdure une fois les dernières pages tournées. L'histoire tragique de Ludovic est d'un réalisme à couper le souffle, les mots sont tellement simples et concis qu'on a l'impression de pénétrer dans une véritable histoire de famille. Pas de fioriture, pas de tournures superflues, juste l'essentiel pour décrire à quel point le manque d'amour et de considération peut détruire un être, ou du moins l'empêcher de se constituer en tant qu'être. La force de ce récit tient aussi à le personnalité de Ludovic, jeune garçon qui ne se rebelle jamais, qui trouverait presque normale la brutalité dont sa mère et ses grands-parents font preuve à son égard. En même temps, il n'a rien connu d'autre depuis sa naissance. C'est un jeune qui subit, qui avance dans la vie à sa manière, une manière qui ne plait pas car trop empotée et hors du cadre. Personne ne remet en cause l'environnement dans lequel il a grandi, personne ne va aux racines du dysfonctionnement, tous se heurtent à la personnalité de Ludovic et à sa bizarrerie dont lui seul semble responsable. C'est une histoire qui sonne juste, dont la force suffit pour ne pas avoir besoin d'en rajouter, ce qui nous empêche de tomber dans une sorte d'apitoiement malvenu et qui ne ferait pas honneur au personnage de Ludovic.

C'est aussi une histoire de destins. Je ne sais pas si l'auteur croit en la force du destin mais je trouve que tous ses personnages ont ça de commun, cette force irrépressible qui les tire vers l'accomplissement de ce pour quoi ils ont été envoyés sur Terre. Bien sûr, on pense d'abord à Ludovic car il est le personnage central du livre et parce que son destin, tellement empreint de la relation malsaine qu'il le lie à sa mère, ne peut le mener qu'à cette issue fatale. Mais il ne faut pas oublier les autres personnages qui sont eux aussi emportés par le tragique et empêchés dans leur liberté d'aller vers autre chose. Bien évidemment, je pense à Nicole, jeune adolescente ayant très envie de faire comme les adultes, à tel point que ce désir si ardent va la propulser trop vite dans sa nouvelle vie de femme et de mère. Dans les faits, elle restera toujours une fille-mère, engoncée dans le traumatisme de cette nuit affreuse, toujours dépendante des autres (ses parents puis Micho) pour faire tiers dans sa relation avec son fils - relation bien trop complexe pour évoluer vers du mieux. Enfin, il y a le personnage de Micho qui n'aura finalement jamais connu le bonheur, malgré toute la générosité qu'il a à offrir. Le destin le pousse irrémédiablement vers Nicole, tellement aveuglé qu'il est pour ne pas voir à quel point sa nouvelle femme est détraquée. Micho est la seule lumière d'espoir dans toute cette histoire extrêmement glauque.

Glauque, voilà le résumé des Noces barbares. Glauque pour qualifier la nuit au cours de laquelle Ludovic a été créé. Glauque pour qualifier la relation mère - fils qui constitue le cœur de l'intrigue. Glauque pour qualifier l'institution dans laquelle est admis le jeune adolescent. Lecture glauque et puissante, qui m'aura marquée pour plusieurs mois, si ce n'est années.
Dernières infos.

Les noces barbares a été publié en 1985 et compte 344 pages. Il obtient le Prix Goncourt la même année et est adapté au cinéma deux ans plus tard par Marion Hänsel.

Ma note.
Challenges.

Défi lecture 2020 : Consigne 90 - Livre ayant pour thème les relations mère/fils, mère/fille - 23/100

samedi 20 juin 2020

Le temps des secrets - Marcel Pagnol

En résumé.

Le jeune Marcel a désormais onze ans et s'éloigne peu à peu des jeux d'enfants pour entrer dans l'adolescence, qu'il aborde avec insouciance et naïveté. Lors de nouvelles vacances dans les collines de l'arrière pays marseillais, il se rend vite compte que les années se succèdent mais ne se ressemblent pas. Lili des Bellons, son tendre ami, n'est plus disponible pour l'accompagner dans la pose de pièges, il est désormais dévolu aux travaux des champs, aux côtés de son père. Marcel, dans un premier temps attristé par cet abandon forcé, trouve de nouvelles occupations lorsqu'il croise au détour d'un chemin la belle Isabelle. Sa beauté, sa position sociale qu'elle fait croire très respectable, son autorité conduisent Marcel à l'aimer quasi instantanément. Vient alors le temps des secrets, les pudiques, ceux de l'amour. Le jeune garçon s'absente de plus en plus et délaisse sa famille, ainsi que le jeune Lili. Néanmoins, les secrets ne sont pas faits pour durer et son manège sera un jour dévoilé. Cela s'accompagnera de la fin des vacances, et du retour à la vie marseillaise. Une nouvelle année scolaire débute, mais celle-ci est toute particulière puisque Marcel fait son entrée au Lycée. L'occasion pour lui de poursuivre sa quête d'identité.

Mon avis.

Je pense avoir toujours vu ce livre trôner sur les étagères de la bibliothèque familiale et avoir toujours entendu ma mère en parler avec beaucoup d'émotion et d'humour, le présentant comme un livre qui a bercé sa jeunesse. Lu il y a bien des années, j'ai décidé, à l'approche des beaux jours, de me replonger dans l'enfance de Marcel PAGNOL, après avoir lu il y a deux ou trois étés de cela les deux premiers opus qui précèdent celui-ci dans la tétralogie des Souvenirs d'enfance, La gloire de mon père et Le château de ma mère.

Même si j'avais beaucoup apprécié ces deux premières lectures, celle du Temps des secrets fut encore plus agréable. Peut-être la joie de retrouver cet univers si chantant, coloré et innocent, ce temps où les bonheurs simples existaient encore, une balade dans les collines, un jeu d'Indiens, les veillées nocturnes, sans télé ni téléphone pour parasiter l'instant présent. A chaque fois que je me plonge dans ces livres me viennent des évocations de toutes sortes : le chant des cigales, le rire de l'oncle Jules, l'accent chantant d'Augustine, la lumière qui plonge sur le vert des collines et le gris des pierres, l'odeur des mijotés et la chaleur des chemins gravillonnés. Tout ceci enrobé par l'insouciance enfantine qui exacerbe encore plus cette entrée sensorielle dans l'évocation des souvenirs et rend ces journées encore plus épiques, comme si l'on avait affaire à un roman d'aventures. L'arrivée de nouveaux personnages comme Isabelle et sa famille viennent rythmer les vacances du jeune Marcel et amènent avec eux de nouvelles évocations : je pense notamment à l'épisode de la diarrhée qui accable Isabelle, à chaque fois j'en ai des hauts le cœur, rien que d'imaginer l'odeur dans la maison, renforcée par celle des crottes de chats, tout cela dans un mobilier tombant en ruine et poussiéreux.

Le petit plus de ce troisième volume est l'entrée de Marcel dans l'adolescence. Cela s'accompagne nécessairement de nouveaux questionnements et positionnements qui ne sont pas inintéressants et qui je pense font écho en chacun de nous. La question centrale du changement (corporel, mental voire idéologique) bien sûr, mais aussi la durabilité de l'amitié, lorsque les jeux ne sont plus assez présents pour lier deux jeunes garçons qui ont des vies si différentes, l'arrivée du sentiment amoureux aussi et toute la horde de sentiments contradictoires que Marcel éprouve vis-à-vis de sa famille (la trahison, l'impression d'agir à leur insu et de leur cacher des choses tout en voulant leur faire croire qu'il est encore un petit garçon naïf). Cette évolution du jeune Marcel se poursuit avec son entrée au lycée. Il s'agit là de la deuxième partie du livre. Elle fut pour moi plus laborieuse, j'ai éprouvé quelques longueurs, notamment lors de la description des professeurs et des autres élèves. Toutefois, ces quelques chapitres restent capitaux dans le sens où on voit à quel point Marcel se cherche et se compare aux autres pour se construire lui-même. Lui, le fils d'un instituteur respecté, toujours premier dans son école de quartier, sage et méritant est désormais confronté aux élèves pas si sages, aux professeurs et aux salles qui changent, au grand nombre qui le pousse à vouloir se démarquer des autres. Ainsi, ce livre marque la fin du jeune Marcel tel qu'on l'a connu dans les deux premiers volumes.

A l'heure où les départs en vacances semblent incertains et où les voyages ne doivent plus se faire aussi lointains, je ne peux que vous conseiller de vous plonger dans les Souvenirs d'enfance de Marcel PAGNOL. Dépaysement garanti, sans bouger de son transat, à l'ombre d'un arbre feuillu. Ce livre est qui plus est empreint d'humour et d'émotion, garantissant un moment de lecture très agréable.
Dernières infos.

Le Temps des secrets a été publié en 1960 et compte 311 pages. Il fait partie de la tétralogie Souvenirs d'enfance. Il est précédé de La gloire de mon père, Le château de ma mère et est suivi du Temps des Amours.

Ma note.
Challenges.

Défi lecture 2020 : Consigne 66 - Livre de l'un de ces auteurs : Balzac, Morrison, Pagnol, Duras, Sagan, Aymé - 22/100

samedi 16 mai 2020

La commanderie - Alain Ade

En résumé.

1360. Thomas CORTEMAIN n'est encore qu'un enfant, fils de paysan dans la région de Cahors, lorsqu'il croise pour la première fois Constance, la fille du seigneur, et en tombe fou amoureux. Quelques jours après cette rencontre fortuite, la famille de Thomas est tuée et leur village brûlé. Le jeune garçon, désormais livré à lui-même, erre pendant plusieurs années, ne fréquentant pas toujours les bonnes personnes, jusqu'à se faire engager une quinzaine d'années plus tard en tant que capitaine des gardes par la commanderie d'Assier, sorte de place forte gérée par l'Ordre des Hospitaliers et proposant essentiellement du repos et des soins aux nombreux pèlerins. Alors que Thomas y mène une existence heureuse, faite de ripailles et de débauche, son destin va rapidement basculer à l'arrivée d'Hugues d'Avènes, grand ponte de l'Ordre des Hospitaliers, venu poser ses valises à la commanderie pour se lancer à la recherche du Trésor des Templiers, le fameux, objet de toutes les convoitises. De fil en aiguille, Thomas va se retrouver mêlé à cette recherche, qui ne sera pas sans danger, et surtout qui pèsera pour l'éternité sur sa relation avec la belle Constance DE MONTET.

Mon avis.

Une lecture pour le moins inatendue, livre offert à mon amoureux pour Noël, écrit par Alain ADE qui est également l'auteur de la série Le village français, principalement connue pour avoir été adaptée et diffusée sur France Télévisions. Je lis rarement des romans historiques, non pas que ça ne m'intéresse pas, mais surtout parce que je suis une bille en histoire et donc me perds souvent dans les personnages et les intrigues. Je fais donc une exception avec La commanderie, chaudement recommandé par l'amoureux en question et je dois un peu l'avouer, attirée comme beaucoup, par ce sujet un peu gossip du Moyen-Âge, le trésor des Templiers.

La légende des Templiers a déjà fait couler beaucoup d'encre et je crois que l'ambition de ce livre n'est pas d'apporter une nouvelle pierre à l'édifice. Bien que le mystère qui entoure le trésor des Templiers soit le fil conducteur de l'intrigue, j'ai trouvé que la résolution de l'énigme est finalement minoritaire face au décor qui se déploie sous nos mirettes. J'ai eu davantage l'impression de lire une tranche de l'Histoire et surtout d'assister au quotidien d'une commanderie, véritable scène de théâtre pour ces acteurs incontournables du Moyen-Âge que sont les hommes d'Eglise, les seigneurs et leurs princesses, les manants, les tenancières de bordel et les paysans travaillant dans les champs. Tous s'y croisent, nouent des pactes en dépit du respect des conventions et des rangs sociaux, se séduisent, s'entretuent, se trahissent et se rabibauchent. Ainsi, l'intrigue autour de la recherche du trésor des Templiers n'est finalement que le support qui permet à ces personnages d'être et d'agir, et qui permet au lecteur d'être le témoin d'une parcelle de la vie au Moyen-Âge. D'ailleurs, la recherche en elle-même du trésor n'est pas beaucoup exploitée et les énigmes qui jallonent la course au trésor sont résolues sans grande difficulté. Le suspense ne tient pas à ces étapes intermédiaires, mais plutôt à une résolution de l'énigme finale, qui nous tient forcément en haleine, de même que le dénouement de toutes les petites intrigues secondaires qui se sont nouées au fil du récit.

Pas besoin d'être un cador en Histoire pour comprendre l'intrigue. Les explications de mon amoureux ferru d'histoire m'ont été d'une grande aide au tout début pour comprendre le contexte historique mais je pense que l'on peut s'en sortir sans avoir ces informations et uniquement en se basant sur celles qui sont données par l'auteur au fil de la narration de l'histoire. Il s'agit d'un récit très romancé, et donc accessible au plus grand nombre. J'ai beaucoup aimé les personnages dont les traits sont approfondis. J'ai juste été un peu déçue par les personnalités des deux protagonistes, Thomas CORTEMAIN et Constance DE MONTET qui sont assez caricaturaux, le méchant qui devient gentil, la belle sans aucun défaut... J'ai préféré les personnages secondaires que j'ai trouvés plus authentiques et intéressants, comme le mèdecin SABET ou Aygline, une des servantes de la commanderie ou encore Barbe, la soeur de lait de Constance. Ces personnages m'ont vraiment transportée dans cette ambiance particulière du Moyen-Âge, j'ai aimé ce voyage dans le temps, même si je sais que la véracité historique doit être encore plus crue que ce qui est raconté. Je me suis attachée à leur quotidien, si rudimentaire mais dont la force tient à cette foi inébranlable et à cette volonté d'accomplir de grandes choses. Je me suis également sentie happée par le dénouement, la révélation du trésor bien sûr, mais aussi sur le destin de ces personnages qui me sont devenus familiers au cours du récit. Je pense qu'il est toujours difficile de donner une fin à ce genre d'intrigue, avec le risque de déplaire aux lecteurs. Pour ma part, je suis plutôt satisfaite du dénouement, même si j'aurais aimé qu'il soit autre. Mon conjoint a été plus déçu. Chacun se fera son propre avis...

Un livre peu connu mais que je vous conseille toutefois, autant pour les amateurs d'histoire que pour ceux qui n'y connaissent pas grand chose, comme moi. L'intrigue est suffisamment romancée pour que chacun y trouve son compte et soit transporté à la lecture de cet épisode éngimatique de notre Histoire de France.
Dernières infos.

La commanderie a été publié en 2010 et compte 381 pages. Une série télévisée, adaptée de ce livre d'Alain ADE, a été diffusée sur France 3 la même année (8 épisodes d'une cinquantaine de minutes). Si vous souhaitez en savoir plus sur la légende des Templiers, Secrets d'Histoire, l'émission de Stéphane BERN lui consacre un épisode : où est caché le trésor des templiers ?

Ma note.
Challenges.

Défi lecture 2020 : Consigne 55 - Livre dont l'action se déroule au Moyen-Âge - 17/100

samedi 28 mars 2020

Tropique de la violence - Natacha Appanah

En résumé.

Jeune infirmière, Marie tombe amoureuse de Cham. Ensemble, ils rejoignent l'île de Mayotte, cent-unième département français surnommé "l'île aux parfums" et situé au large du continent africain. Très vite, ils désirent un enfant, mais n'y parviennent pas, Cham quitte Marie, celle-ci poursuit sa vie seule, jusqu'à ce fameux soir. Ce soir où elle accueille à l'hôpital une jeune femme clandestine, arrivée plus tôt à bord d'un kwassa-kwassa, ces bateaux synonymes d'espoir pour les Commoriens ou les Malgaches qui fuient la pauvreté pour tenter leur chance en territoire français. La jeunne femme tient dans ses bras son bébé qui ne lui appartient déjà plus. Elle souhaite le donner, se débarasser de cet enfant à l'oeil du djinn, un enfant en fait atteint d'hétérochromie (les deux yeux sont d'une couleur différente), mais qui porterait malheur pour ces populations aux coutumes ancestrales. Marie le recueille, et à peine l'a t-elle serré contre elle qu'il devient son fils, Moïse, arrivé par les mers, un soir de pluie. Le temps passe, tous deux vivent en harmonie jusqu'à cet autre jour, où la vie de Marie bascule une seconde fois. Moïse apprend ses origines et change du tout au tout, reniant le luxe proposé par sa mère adoptive. Il vivra à la dure, il réalisera son destin, celui d'un clandestin. Il enchaîne les mauvaises rencontres mais c'est tout ce qu'il lui reste après la mort de Marie, terrassée par une crise cardiaque. Sa vie, désormais, c'est la lutte, la pauvreté, la drogue, l'alcool, bref, le quotiden dans le bidonville de Kaweni, surnommé Gaza par ses habitants. Oui, c'est une histoire qui parle de choses qui arrivent en France.

Mon avis.

Je suis tombée sur ce livre un peu par hasard, en me renseignant sur les lauréats du prix de l'Escale - prix littéraire organisé dans la région bordelaise et qui récompense chaque année le roman d'un jeune auteur publié à l'occasion de la rentrée littéraire, parmi cinq titres préalablement choisis. Après la lecture de la quatrième de couverture, je me suis laissée tenter, friande de ce genre d'histoires, difficiles mais qui s'inspirent d'une réalité cruelle. Par ailleurs, même si je connaissais la réputation plutôt noircie de l'île de Mayotte, je n'avais encore rien lu là-dessus. C'était donc l'occasion.

Le titre de ce roman ne pouvait pas être mieux choisi. D'un côté, les tropiques et les premières évocations qui nous viennent en tête : le soleil, des mers à l'eau turquoise, des fleurs aux couleurs et aux parfums enivrants, des marchés qui abondent de saveurs exotiques ; d'un autre côté, la violence et ce deuxième type d'évocations : la mort, la brutalité, la lutte sociale et physique, le sang, la pauvreté. Là est toute l'ambivalence de ce roman, d'un côté la douceur des mots de Marie et des espoirs de cet homme qui vient monter une maison d'aide aux jeunes dans le bidonville de Kaweni, d'un autre côté la cruauté de Bruce, le chef de Kaweni, symbole de ce qui se joue à une autre échelle, à savoir la gestion des ces clandestins qui débarquent tous les jours sur Mayotte, avec l'espoir de prétendre aux droits français mais qui finalement échouent dans des bidonvilles malfamés.

Je crois que c'est la première fois que je rédige un résumé aussi long, peut-être pour décrire une certaine complexité dans ces quelques pages. Tropique de la violence fait définitivement partie de cette catégorie de livres, courts par leur nombre de pages, mais puissants par ce qu'il viennent dire au lecteur. Il se jouent dans ces quelques chapitres des vies, une recherche d'identité primoridiale, celle de Moïse bien sûr, mais aussi celle de Marie en tant que mère, celle de Bruce en tant que chef, celles de ces policiers en tant que défenseurs de la justice, celle de ce jeune homme aux idéaux intacts, en tant qu'humanitaire. Cette course à l'identité, parce qu'elle est profondément ancrée et vitale, est d'une violence inouïe, elle fait mal et essore ces personnages jusqu'à la dernière goutte de sang. Le fait que le récit soit raconté par différentes voix nous noient à chaque fois dans un nouveau type de violence. D'abord, celle de Marie, abandonnée par son mari et meurtrie par cette impossibilité d'avoir un enfant. Puis celle de Moïse, peut-être la plus puissante, celle du rejet par sa mère, du rejet par les habitants de Kaweni et celle de la recherche d'une identité. Enfin, celle de Bruce, ce tyran qui fait régner une espèce de terreur indispensable sur ce bidonville dont il se réclame le chef absolu. Et puis, il y a en encore une autre, plus sourde, qui ne trouve pas de mots mais qui apparaît en filigrane au fil des pages, celle de l'impuissance à arrêter ce système, corrompu jusqu'à la moëlle, gangréné par la pauvreté et la lutte pour les moyens de survie. A travers ses personnages, Natacha APPANAH a réussi l'incroyable tour de force de dire tout ça, sans tomber dans la carictaure, ni dans une forme de pitié larmoyante. Ses mots sont justes, froids et tranchants comme la lame d'un couteau, nous percutant suffisamment pour que cette lecture reste figée en nous.

Vous l'aurez compris, je vous conseille ce roman très court mais incroyablement puissant qui changera, peut-être, l'image paradisiaque que nous avons habituellement de nos contrées d'outre-mer. Attention cependant aux âmes sensibles, ce roman ne s'embarasse pas de tournures inutiles, les faits rapportés sont francs mais ô combien réels.
Dernières infos.

Tropique de la violence a été publié en 2016 et compte 175 pages. Ce roman a reçu de nombreuses distinctions, dont, entre autres, le prix Femina des lycéens, le prix du roman France Télévisions et le prix de l'Escale. Ce récit a été adapté en BD par Gaël HENRI. Je vous la conseille, elle donne encore un éclairage nouveau sur l'histoire de Moïse.

Ma note.
Challenges.

Défi lecture 2020 : Consigne 13 - Livre où il y a plusieurs narrateurs

samedi 1 février 2020

Bridget Jones - Helen Fielding

Tome 1 : Le journal de Bridget Jones.

En résumé : 1er Janvier, Bonne Année ! Et plein de nouvelles résolutions pour Bridget Jones : perdre du poids, fumer moins, boire moins, évoluer dans sa carrière professionnelle, et, et, le graal, se trouver un petit-ami. Alors jours après jour, pendant un an, Bridget, jeune célibataire londonienne un peu empotée mais attachante, consigne dans son journal intime ses déboires amoureux et ses difficultés à respecter sa prise de résolutions. Une façon pour elle de s'encourager et pour nous de suivre avec beaucoup d'humour la vie de cette héroïne complètement décalée.

Mon avis : On ne présente plus Bridget Jones. Comme pour beaucoup d'autres lecteurs j'imagine, j'ai découvert l'héroïne littéraire bien après avoir vu, revu et rerevu l'adaptation cinématographique sortie en 2001. C'était une appréhension avant de tourner les premières pages que de m'ennuyer alors que je connais cette histoire par cœur. Et puis, je me suis prêtée au jeu, les premières pages sont vraiment drôles et elles nous embarquent, comme si nous rencontrions Bridget pour la première fois. Les visages et les voix de Hugh Grant, Colin Firth et Renée Zellweger m'ont accompagnée durant toute ma lecture mais je dois dire que c'était plutôt agréable. A ma grande surprise, j'ai vraiment été happée par l'histoire et j'avais hâte de me ménager des petits temps de lecture pour pouvoir suivre les aventures de Bridget. Certains épisodes ne sont pas présents dans le film, ou mieux développés dans le livre, l'histoire avec Marc Darcy est d'ailleurs écourtée dans la version papier, à mon grand désarroi. C'est peut-être là le seul bémol que j'émettrais. J'ai eu à plusieurs reprises l'occasion de lire des romans feel-good tellement enrobés de barbapapa et noyés sous de la guimauve, qui se prétendent être drôles alors que rien n'est comique que pour moi, Bridget Jones est un chef d'oeuvre dans sa catégorie. L'héroïne est attachante, authentique, drôle et humaine. Un livre qui nous fait résolument passer un bon moment et qui sent bon les années 90 (ça fait du bien parfois de  se souvenir du bon vieux temps !). L'âge de raison, le deuxième tome m'attend, j'y cours, j'y vole !

Ma note : 3/5

Challenges :
* 100 livres à lire en 2020 : 2/100
* Défi lecture 2020 : Consigne 97 - Lire un livre publié durant la décennie de votre naissance (livre publié en 1996) - 2/100

Tome 2 : L'âge de raison.

En résumé : Pour Bridget Jones, le célibat, c'est fini ! Depuis qu'elle a trouvé en Mark Darcy l'homme idéal, cette trentenaire farfelue est une femme comblée : nouveau mec, nouveau job, appart' qu'elle aime, copines fidèles, tout lui sourit ! Enfin presque... Les mois défilent et son petit confort se dégrade progressivement : une collègue de Mark, à la chevelure d'or et à la tête bien faite lui fait de l'ombre, son patron est exécrable, son découvert est sans fond et Gary l'artisan entame des travaux qu'il ne finira jamais, tout en partant avec son argent... Elle qui s'était promise de ne plus fumer, de ne plus boire et de suivre les conseils de mille et un guides pratiques fumeux est de nouveau sur le front des déconvenues, bien aidée par quelques cigarettes, quelques verres de vin et quelques chocolats aux vertues consolatrices.

Mon avis : Enthousiasmée par la lecture du premier tome de cette série célébrissime et ayant envie d'un livre qui se lit vite et qui me fera passer un bon moment le matin dans le train avant de débuter ma journée de travail, j'ai décidé avec un certain plaisir de me plonger dans la suite des aventures de cette héroïne pas comme les autres. L'humour est toujours aussi présent et les histoires rocambolesques aussi. Je me suis d'ailleurs plus marrée sur ce tome que sur le premier, même si j'ai trouvé que l'ensemble était moins bon. Déjà, au niveau de la forme : on est plus sur un format roman que sur un format journal intime. Même si ses aventures sont toujours écrites au jour le jour, figurent désormais des chapitres qui ne suivent pas nécessairement le découpage des mois. Cela a un impact important sur le rythme de lecture. Les récits du jour sont beaucoup plus longs et les jours racontés moins nombreux, ce qui donne une impression de longueur. J'avais vraiment apprécié le côté très journal intime du premier tome, où Bridget pouvait écrire quelques mots comme deux pages, cela donnait une impulsion à l'ensemble et on tournait les pages sans s'en rendre compte. Sur ce second tome, j'ai eu l'impression d'un peu plus galérer et certains passages sont pour moi inutiles ou répétitifs. Pour ce qui est du contenu, on est sur des situations un peu téléphonées, comme la séparation de Mark que je n'ai toujours pas bien comprise d'ailleurs. Heureusement que d'autres situations un peu plus tirées par les cheveux, comme son séjour en Thaïlande, pimentent le récit et le rendent particulièrement drôle. Un second tome que j'ai donc trouvé un peu en-deça du premier mais que j'ai tout de même apprécié, tant le personnage de Bridget est attachant et amusant.

Ma note : 3/5

Challenges :
100 livres à lire en 2020 : 6/100
Défi lecture 2020 : Consigne 11 - Livre mentionnant un film réel (p. 153 : Thelma et Louise) - 6/100

Tome 3 : Folle de lui.

En résumé : Mère de deux enfants, Billy et Mabel, et désormais veuve suite au décès de Mark Darcy lors d'une mission à l'étranger, Bridget, la cinquantaine est de nouveau seule, désespérée et débordée. Heureusement qu'elle peut compter sur sa fidèle bande de copains qui ne cessent de l'encourager à sortir, à reprendre sa vie en main, et à vivre avec l'air du temps, les sites de rencontres et les réseaux sociaux. D'abord réfractaire, Bridget finit par entrer dans la modernité et devient une accro à Twitter. C'est par ce moyen qu'elle rencontre son toy boy, comme elle aime bien l'appeler, Roxter, 21 ans de moins qu'elle. Une nouvelle relation qui la met dans tous ses états, et c'est reparti pour les questions existentielles, pour la mère un peu fofolle qui ne sait plus où donner de la tête, maladroite et qui manque un peu de chance il faut le dire. Une résurrection qui passe par des hauts et des bas, pour le plus grand bonheur de son journal dont les pages se noircissent à vitesse grand V.

Mon avis : Acheté dans une bouquinerie un peu après le premier confinement, j'avais laissé ce troisième tome des aventures de Bridget Jones dormir quelques mois dans ma PAL. J'ai décidé de l'en sortir sur un coup de tête, ayant envie d'une lecture à la fois légère et rapide. Malgré ses plus de 500 pages, ce livre se lit extrêmement vite, comme les deux premiers tomes. Le cadre temporel change, mais Bridget reste toujours la même, un peu fofolle, qui se noie dans un verre d'eau et toujours en quête de l'amour. Désormais responsable de deux enfants, et alourdie par le poids des années et la perte de l'homme de sa vie, Bridget conserve quand même sa fraîcheur et son originalité. Certains passages apportent toujours autant d'humour et nous font passer d'agréables moments de lecture. Cependant, j'ai globalement été déçue par ce troisième tome que j'ai souvent trouvé trop superficiel. Certains passages, comme ceux où Bridget s'épanche sur l'écriture de son scénario sont complètement inutiles et insipides. Ils ralentissent la lecture et n'apportent pas grand chose à l'ensemble. Il en est de même des passages sur les enfants auxquels je n'ai pas adhéré. J'ai préféré suivre les aventures sentimentales de notre quinquagénaire délurée. J'ai perçue une certaine niaiserie chez elle alors que les autres tomes me laissaient à penser que c'était certes une femme un peu excentrique et maladroite mais qui n'en restait pas moins intelligente et sensible. Je n'ai donc pas apprécié l'image que l'auteur renvoie de son héroïne dans ce nouvel écrit. D'autres incohérences viennent émailler le récit, dont l'évolution surprenante de certains personnages comme Mr Wallaker. Heureusement, l'histoire de Bridget se finit bien, c'est le principal, pour elle comme pour le lecteur !

Ma note : 3/5

Challenges :

* Défi lecture 2021 : Consigne 46 - Un livre dont la couverture comprend un jeu ou un jouet - 5/100
En 2021... Je voyage : Angleterre (+ 20 points)

Tome 4 : Baby.

En résumé : Harcelée par sa mère, par ses amis et par la société en général, Bridget Jones en a assez de devoir répondre à cette question lancinante : pour quand est le bébé ? Elle qui s'est séparée de Mark et qui n'entretient plus que des relations fugaces avec les hommes, est loin d'envisager la maternité. Pourtant, cela va lui tomber dessus sans prévenir. Lors d'un baptême, elle tombe sur son ex-conjoint, Mark Darcy et ces retrouvailles se font charnelles. Alors qu'elle espère renouer avec lui, celui-ci lui fait part de son intention de la quitter, de peur de ne pas répondre à ses attentes. Effondrée, se remettant en question après cette deuxième rupture, elle se jette dans les bras de Daniel Cleaver, concurrent légendaire de Mark avec qui elle a toujours entretenu une ambiguïté dans la relation. Quelques semaines plus tard, Bridget a l'immense joie de découvrir qu'elle est enceinte. Mais qui est le père ? Voilà une occasion de rétablir les tensions entre les deux hommes, qui espèrent tous les deux pouvoir accompagner la future maman dans sa grossesse puis dans la vie de famille.

Mon avis : S'il y a bien une chose que je n'aime pas, c'est ne pas finir les sagas. Déçue par le troisième tome que j'avais trouvé bien en-deçà des deux premiers, il m'a fallu attendre un an pour rempiler avec le dernier tome, clôturant ainsi les aventures de Bridget Jones. Celui-ci pourrait être en fait lu entre les deuxième et troisième volumes car il revient sur la grossesse de Bridget et cherche à identifier le père de son premier enfant. Les ultimes aventures de cette héroïne aussi déjantée qu'attachante furent une nouvelle déception. J'ai trouvé ce livre sans grand intérêt et à la qualité littéraire toute relative. Il semblerait qu'Helen Fielding ait en fait voulu réitérer le succès de son premier tome, près de 20 ans après la publication de celui-ci. Les mêmes codes sont utilisés, les personnages phares sont invoqués, comme Mark et Daniel et les mêmes rebondissements sont proposés, comme la rivalité entre ces deux hommes. Ce livre m'a fait l'effet d'un roman écrit pour n'être qu'un coup marketing, l'occasion de se faire du beurre de façon rapide, en réchauffant quelques scènes cultes. Heureusement, le bouquin se lit très vite, car je me suis profondément ennuyée, soupirant à chaque fin de page devant la pauvreté et la niaiserie du contenu narratif. L'oscillation de Bridget entre euphorie maternelle, inquiétudes et préoccupations amoureuses est insupportable, tout comme les faux suspense. Les personnages de Mark et Daniel sont tellement exploités qu'ils en deviennent incohérents et caricaturaux. Selon moi, il n'y a malheureusement pas grand chose à sauver dans ce dernier tome, il en vient même à desservir l'intégralité de la série dont les débuts étaient pourtant prometteurs. Si, contrairement à moi, vous n'êtes pas obsédés par l'idée de terminer une saga, coûte que coûte, je vous conseille de passer votre chemin.

Ma note : 2/5

Challenges :

* Défi lecture 2021 : Consigne 81 - Livre dont la quatrième de couverture montre la photo de l'auteur - 4/100