L'homme qui se livre dans ces quelques pages est atteint du syndrome d'Asperger, une forme d'autisme. A l'occasion de l'enterrement de sa grand-mère, décédée la veille de ses cent ans, il s'érige contre tous les faux-semblants qui jalonnent notre existence, ces légendes qui entourent la mort d'un être cher, ces discours qu'on écrit pour lui rendre hommage, que l'on embellit pour cacher la triste vérité, celle d'un être comme les autres, qui a fauté et dont la vie n'a pas été aussi glorieuse que l'on voudrait bien le faire croire. L'homme qui se livre ici aime l'honnêteté et la justesse, et ne peut pas rester de marbre face à ces inepties qui sont débitées sur cette femme dont on pourrait croire qu'elle fut une sainte de son vivant. Il écrit pour dire la vérité, sur sa vie à lui, sur son entourage, pour parler de ses passions aussi, le Scrabble, les crash d'avions, et l'amour de sa vie, Sophie Sylvestre.
Mon avis.
Un très court roman emprunté sur un coup de tête à la médiathèque dans la panière des "coups de cœur" des bibliothécaires. Outre le fait que j'aime bien découvrir des livres qui ont été appréciés par d'autres, l'autisme est un thème que j'apprécie en littérature et sur lequel j'ai déjà lu, les conditions étaient donc réunies pour que je parte à la découverte de Marcher droit, tourner en rond.
Si comme moi, vous vous posez la question, je vous le dis tout de suite, ce livre n'est pas une autobiographie. L'auteur, Emmanuel VENET est psychiatre, et de part sa fonction, j'imagine qu'il connaît on ne peut mieux la psychologie et les réactions des personnes Asperger. Ce récit, de fiction, est tout à fait réaliste et on peut aisément imaginer qu'il est autobiographique. Pas de chapitre pour prendre des pauses, le tout est livré en bloc, comme s'il s'agissait d'un monologue que l'on ne pouvait entrecouper, un flot de paroles ininterrompu pour parler de tout, mais surtout des artefacts que l'homme met en place pour protéger son ego, pour se construire une vie sociale et pour avancer dans la vie de façon à peu près sereine. Ces artefacts atteignent leur paroxysme lors des discours de décès, où le défunt est très souvent érigé en héros, détenteur de nobles qualités, droit dans ses bottes, et n'ayant jamais fait une seule entorse à ses valeurs et convictions. Le narrateur s'emploie à démonter une à une ces paroles qui rassurent, en comparant ce qui se ressort de ses discours et la vie réelle de sa grand-mère, si humaine dans ses péchés. Il passe également au vitriol les mœurs dissolus des membres de sa famille, avant de s'épancher sur sa vie à lui, cette fascination pour l'honnêteté, la justice, et son absence de maîtrise des codes sociaux. Il parle aussi de cet amour platonique pour une fille rencontrée au lycée, qu'il finit par harceler. Il ne comprendra pas par la suite ce qui lui sera reproché lorsque la fille aura porté plainte.
J'ai aimé la franchise des propos et me suis souvent reconnue dans certaines de ses réflexions. Il dit tout haut ce que l'on pense bien souvent tout bas. Mention spéciale pour les conversations de secrétaire, telles que je les appelle, ces dialogues qui n'en finissent par autour des fringues, des enfants, des restaurants en vogue et des vacances passées à l'autre bout de la planète, ces conversations dont je ne perçois pas bien l'intérêt et qui me comblent d'ennui, tout comme lui. Ce récit n'aborde pas l'autisme en tant que tel, il est plutôt une plongée dans le raisonnement d'une personne autiste et sa façon de concevoir des événements du quotidien, en décalage permanent avec ce qui est attendu d'un raisonnement d'une personne dite "normale". J'ai également aimé le réalisme des personnages, on se croirait dans sa propre famille, et cela fait du bien de lire sur des gens du quotidien, auxquels on peut s'identifier. Cette impression rejoint celle que j'avais eue suite à la lecture d'Avant que j'oublie d'Anne PAULY, roman également publié chez les éditions Verdier. Ce récit d'une jeune femme qui a perdu son père m'avait frappé par sa simplicité, tout comme ce livre. Malgré ces points positifs, cela reste un roman très court, et même si j'ai pris beaucoup de plaisir à le lire, je ne suis pas sûre de m'en souvenir bien longtemps. Il fait partie de ces livres vite lus et vite oubliés. Néanmoins, je ne regrette pas du tout ma lecture, et suis contente d'avoir croisé la route de cet homme atypique mais souvent très juste dans ses propos.
Un livre que je conseille pour qui a envie d'un récit rapide mais avec de la mâche, et pour qui souhaite se plonger dans la psychologie des personnes présentant le syndrome d'Asperger. Si jamais vous croisez la route de ce roman, marchez droit et ne tournez pas en rond pour entamer les premières pages.
Dernières infos.
Marcher droit, tourner en rond a été publié en 2016 et compte 128 pages.
Ma note.
Challenges
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