Meili et Kongzi habitent un petit village de la Chine rurale, celle qui n'a pas profité de la croissance spectaculaire qu'a connu le pays ces dernières années. Le couple vient d'avoir une fille, ce qui ne ravit pas le papa. Lui qui se déclare être l'héritier de Confucius souhaite à tout prix avoir un fils pour perpétuer la lignée. Sans trop avoir le choix, Meili tombe de nouveau enceinte. Mais il va bientôt falloir fuir car le planning familial rôde: la politique de l'enfant unique est extrêmement stricte dans son application et aucune dérogation n'est possible, à moins d'en avoir les moyens. Pour échapper aux bourreaux, la famille décide alors de vivre sur le fleuve Yantze, moins contrôlé que la terre ferme. C'est le début d'une longue cavale à travers une Chine très pauvre et ravagée par les contreparties du capitalisme et des nouvelles technologies qui rejettent ses déchets un peu partout sur les berges des fleuves. Meili, en plus de se battre pour survivre, va devoir protéger son ventre des assauts de son mari mais aussi de l'Etat.
Mon avis.
J'ai découvert ce livre il y a près d'un an sur le blog de A l'horizon des mots. J'avais trouvé que le sujet était intéressant et qu'il viendrait m'apporter des connaissances plus précises sur la politique de l'enfant unique en Chine. Farfouillant dans ma Wish-List, mon amoureux avait alors choisi de me l'offrir à Noël et depuis il attendait sagement son heure dans ma P.A.L. Je le ressors donc à l'occasion du Challenge ABC car il fallait vite que je trouve un nom d'auteur en J. Autant vous dire que ça en valait le détour!
Je ne suis pas une fervente adepte de la culture asiatique mais il faut bien dire que j'essaie toujours de comprendre ce qui se cache derrière les comportements parfois extrêmes que certains pays de ce continent adoptent. Je pense à leur rapport au travail ou encore à la sexualité mais aussi à la politique de l'enfant unique, entre autres. Avant de me plonger dans le livre de cet auteur exilé par la force des choses à Londres, mon savoir sur ce thème restait sommaire. J'avais entendu parler des noyades de petites filles car elles n'étaient pas aussi productives que les garçons, des conséquences de cette politique sur la démographie: trop de personnes âgées et pas assez de main d'oeuvre pour prendre le relais... Cependant, j'étais à mille lieues d'imaginer un quart de ce qui est décrit dans ce roman aux allures de documentaire. Si je peux vous donner un conseil avant de vous précipiter vers ce livre, c'est de vérifier si vous avez le coeur bien accroché. Avortements forcés, mutilations qui rendent l'enfant plus rentable pour la mendicité, corruption, viol, intoxication aux produits chimiques, la liste des thèmes abordés est longue. Certaines situations sont absolument atroces, de par leur barbarie mais aussi parce qu'on prend conscience que des milliers de femmes ont été victimes de cette violence gratuite. A plusieurs reprises, j'ai eu envie de vomir en voyant que des êtres humains sont capabables d'autant de cruauté et de bassesse. Est exploré ici, au travers du périple de cette famille, le revers de la médaille d'une croissance portée à son paroxysme.
L'un des points forts du livre est qu'il se concentre sur Meili, à la fois victime et héroïne face à toute cette misère. Pas sur le père, pas sur la fille mais sur la mère, celle dont le ventre appartient à son mari et à l'Etat, jamais à elle, celle qui ne perd jamais l'espoir d'être indépendante et de devenir une femme d'affaires maquillée avec une jolie jupe et des talons, celle qui se bat pour faire bouillir la marmite alors qu'elle est mutilée de partout. Ce livre est un hommage à toutes les femmes à qui on a retiré le bonheur d'être mère. Certains passages sont poétiques et très doux, contrastant ainsi les autres, beaucoup plus violents.
Seule la fin m'a un peu déçue: on approche une dimension symbolique et fantastique de cette oeuvre de Ma Jian. Je ne vous en dis pas plus, vous verrez de quoi je parle si vous vous lancez dans cette lecture pour le moins éprouvante. J'aurais aimé rester dans ce réalisme cru et sordide de la première page à la toute dernière. Il n'en reste pas moins que je compte bien me tourner rapidement vers un autre livre de l'auteur.
D'un coup d'oeil, les plus et les moins.
+ Les thèmes abordés qui font de ce livre un portrait complet de la Chine, au-delà de la vitrine dorée qu'on nous sert à chaque journal télévisé.
+ Le personnage extraordinaire de Meili, qui rend hommage à toutes les femmes victimes de la barabarie du planning familial.
+ L'engagement de Ma Jian qui a osé enquêter et écrire.
- Le côté fantastique en fin de livre.
Dernières infos.
La route sombre a été publiée en 2014 pour la version française. Il compte 542 pages. Je vous encourage à écouter l'interview qu'a donné Ma Jian à France Inter à l'occasion de la sortie du livre.
Ma note.
Challenges.
Cette lecture me permet d'avancer dans ces challenges:
* 100 romans à lire en 2017 - 42/100
* Défi lecture 2017 - Consigne 38: un livre endormi (qui est dans votre pal depuis longtemps). (37/80)
* ABC 2017 - Lettre J (20/26)
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