samedi 9 septembre 2017

Thérèse Desqueyroux - François Mauriac

En résumé.

L'histoire de Thérèse Desqueyroux s'ouvre sur un non-lieu prononcé suite à sa condamnation pour avoir tenté d'empoisonner son époux. Elle ne sera pas poursuivie car ce dernier a choisi de nier la vérité afin de préserver sa famille et surtout leur fille du qu'en-dira-t-on typique de ces petits villages reculés des Landes en ce début du XXème siècle. Thérèse n'est pas pour autant soulagée, elle qui souffre de ce mariage arrangé. Elle s'est toujours sentie enfermée par ces pins qui la toisent et par les conventions sociales qui ont fait d'elle une perle rare pour n'importe quel homme préoccupé par l'appât du gain. Pourtant, elle ne sait pas vraiment ce qui l'a conduite à ce geste malheureux, elle n'a que des suppositions. Ce qui est certain est que le silence de Bernard lui coûte très cher puisqu'il l'enferme dans leur chambre, la privant ainsi de tout contact avec l'extérieur. Thérèse va se laisser dépérir, jour après jour, à tel point que Bernard ne sait plus quoi faire d'elle.

Mon avis.

Je vous en ai délibérément beaucoup dit dans ce petit résumé. Ce n'est pas très grave car on ne lit pas Thérèse Desqueyroux pour l'histoire en elle-même mais parce qu'on a envie de partir à la découverte de ce personnage atypique mais ô combien intéressant.

Ce livre est mon tout premier roman de Mauriac. Pourtant, difficile de passer à côté de ce Prix Nobel de littérature, locataire de l'Académie Française et reconnu pour ses explorations dans l'âme humaine. Il y a cinq ans, j'ai rencontré cette fameuse Thérèse dans les salles obscures. J'étais tombée sous le charme de cette femme au caractère bien trempé et à la souffrance qui prend aux tripes. Lorsque je suis tombée sur le récit original de cette histoire qui peut paraître folle dans une boîte à livres d'un parc bordelais (Mauriac est originaire de Bordeaux), je n'ai pas hésité trois secondes et je me suis laissée emporter par l'écriture mauriacienne.

Il m'a quand même fallu du temps pour apprivoiser sa plume. Je me suis d'abord sentie égarée par des tournures de phrases qui en disaient trop sans en dire assez, des descriptions à la fois poétiques et troublantes, du vocabulaire aussi précis que compliqué. J'étais finalement ravie de connaître le cœur de l'histoire car je pense que je n'aurais vraiment rien compris sinon. L'empoisonnement n'est en effet quasiment pas décrit et on ne comprend pas de suite pourquoi Thérèse a été conduite au tribunal. Le temps est aussi distordu: quelques chapitres sont consacrés au présent et aux conséquences de ses actes, en fin et début du roman mais ce qui constitue la majeure partie du livre est le passé de la jeune femme, une longue introspection qui amène peu à peu le lecteur au dénouement. En parallèle de ma lecture, je suis allée sur quelques sites pour lire des résumés et des critiques, j'ai également écouté des émissions de radio consacrées à l'oeuvre mauriacienne. J'avais peur de passer à côté d'un mot, d'une action qui auraient pu fausser mon envie d'entrer dans l'histoire de Thérèse. Ces recherches m'ont bien aidée et m'ont permises, à moitié livre, d'apprécier toute la splendeur de ce petit roman.

A première vue, on peut être tenté de condamner sévèrement la conduite de Thérèse, à raison d'ailleurs. Et puis au fil des pages on en vient à éprouver de la sympathie pour la tortionnaire et une vive antipathie pour la victime. Le lecteur a uniquement accès au point de vue de Thérèse, largement décrit. On décèle en elle une personne très intelligente qui s'ennuie à en faire mourir les autres. Elle se sent comme prisonnière d'une cage dorée, elle dont le destin a été tracé dès sa naissance, de part les intérêts que son père avait à nouer avec la famille de son époux. Cet ennui conduit à la haine et la jalousie, déjà jeune fille lorsque sa grande amie et demie sœur de Bernard, Anne, avait trouvé le grand amour aux côtés d'un homme plutôt frivole. Thérèse ne l'a jamais supporté, elle qui n'a jamais connu l'amour vrai. On côtoie aussi cette dureté dans la relation à sa fille qu'elle n'a pas désirée et qui est peu présente dans ses réflexions. On voit bien à quel point toute cette sensibilité et cette intelligence réprimées par la norme ont conduit à faire d'elle une femme perdue, venimeuse et tourmentée par des questions auxquelles elle ne trouve pas de réponse.

J'ai beaucoup pensé pendant ma lecture à Madame Bovary. Flaubert et Mauriac avaient en commun d'avoir choisi leurs héroïnes un peu comme objets d'expiation. Mauriac a déclaré lors d'un célèbre interview qu'il aurait très certainement fini comme Thérèse Desqueyroux s'il ne s'était pas autant épanoui dans sa vie. La littérature et la reconnaissance lui ont permis de mettre des mots, au travers de ses personnages (principalement féminins), sur ce besoin d'utiliser sa sensibilité et son intelligence pour ne pas se retrouver à son tour enfermé dans une cage. C'est d'ailleurs intéressant de voir qu'il choisit à chaque fois des personnages qui sont en contradiction avec ses valeurs: lui est pieux alors que Thérèse est agnostique, il cherche à tout prix à éviter le pêché alors que Thérèse y plonge la tête la première.

Voilà une chronique assez longue mais il y a vraiment beaucoup à dire sur ce petit roman. Je vous encourage vraiment à aller le lire et je vous conseille de ne pas vous laisser désarçonné par les premières pages.

D'un coup d’œil, les plus, les moins.

+ La profondeur du personnage de Thérèse Desqueyroux.
+ Le renversement de situation: on en vient à aimer le coupable et à détester la victime.
+ En creux, la double analyse qu'on peut faire de la société de l'époque (et notamment du rôle de la femme)  mais aussi de la vie de Mauriac.

- La complexité de la plume de Mauriac qui nous perd parfois.

Dernières infos.

Thérèse Desqueyroux a été publié en 1927 et compte 148 pages. Le roman a été adapté au cinéma à deux reprises, en 1962 par Georges Franju et en 2012 par Claude Miller, mettant en scène Audrey Tautou et Gilles Lelouche.

François Mauriac est également l'auteur de Génétrix et du Nœud de Vipères, parmi ses plus connus.

Si vous souhaitez en savoir plus sur l'écrivain, je vous conseille d'aller faire un tour ici (2000 ans d'histoire sur France Inter) et ici (une série d'émissions lui ont été consacrées sur France Culture).

Ma note.
Challenges.

Cette lecture me permet d'avancer dans ces challenges:
Défi lecture 2017 - Consigne 13: Un livre d'un auteur de sa région. (27/80)

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